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La concertation a pris le pas sur la contestation hier à Tunis, après la
formation, avec l'onction syndicale, d'un gouvernement de transition bis épuré
des principaux caciques de Ben Ali, mais dont le Premier ministre reconduit, Mohammed
Ghannouchi, concentre les critiques.
Après trois jours d'âpres tractations, M. Ghannouchi a en grande partie cédé à la pression quotidienne de milliers de manifestants en formant jeudi soir une nouvelle équipe de transition profondément remaniée, qui a reçu l'aval préalable de la puissante Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT). Cinq des sept anciens ministres du dernier gouvernement de Ben Ali qui y figuraient ont fait les frais de ce coup de balai, notamment tous ceux qui occupaient les postes clés: Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Finances. Ils ont été remplacés par des technocrates ou des personnalités indépendantes peu connues de l'opinion. Mais le maintien en fonction du Premier ministre Ghannouchi, dernier chef du gouvernement du président déchu autoritaire Zine El Abidine Ben Ali, poste qu'il a occupé pendant onze ans, reste fortement contesté par la frange la plus radicale des contestataires. «La majorité veut continuer pour dégager Ghannouchi, tout le gouvernement doit sauter, surtout Ghannouchi», a assuré à l'AFP Khaled Salhi, étudiant de 22 ans dans une école d'ingénieurs à Tunis, parmi les quelque 300 manifestants, en grande partie des provinciaux, qui ont campé à la Kasbah. Dans ce moment de flottement, Abdessalam Jrad, le patron de l'UGTT, a fait savoir que le Premier ministre a accepté le principe d'une rencontre avec une délégation de manifestants pour discuter de leurs demandes, sans préciser quand elle interviendra. M. Jrad a affirmé qu'il était possible que les manifestants quittent la place du Gouvernement dès vendredi. «C'est l'indication que j'ai», a-t-il dit. Mais il est lui-même contesté par les «irréductibles» de la Kasbah. «Le chef de l'UGTT ne représente pas la base, il était avant avec Ben Ali. Ce qui est important, c'est ce que vont dire et faire les Unions régionales de la centrale et surtout l'Ordre des avocats», qui exerce une forte autorité morale sur les manifestants tunisiens, selon un étudiant. Mais que se passera-t-il si la contestation de la base, en particulier celle des provinces déshéritées de l'intérieur, qui avaient lancé spontanément la révolution tunisienne, se poursuit ? «Les syndicats, les partis politiques doivent jouer leur rôle pour les convaincre que le Premier ministre n'est là que pour la transition et qu'après les élections, il y en aura un autre», répond à l'AFP Mouldi Jandoubli, membre exécutif de l'UGTT. «L'évolution s'est faite. Un gouvernement est là. Je crois que c'est la bonne attitude. L'économie doit repartir, les gens doivent se remettre au travail», ajoute-t-il. Embouteillages, nombreux passants, magasins ouverts, partout en dehors de la Kasbah, les Tunisois vaquaient hier matin à leurs occupations habituelles. Aucun groupe de manifestants n'était encore apparu sur l'avenue Habib Bourguiba, haut lieu de la contestation populaire. Mais en fin d'après-midi, au moins cinq personnes ont été blessées lors d'affrontements entre policiers anti-émeutes et manifestants dans le centre de Tunis, autour de la place de la Kasbah, a indiqué à l'AFP un médecin urgentiste sur place. Ce sont les premiers affrontements depuis deux jours entre forces de l'ordre et manifestants qui réclament toujours le départ du Premier ministre Mohammed Ghannouchi. Des policiers ont tiré des grenades lacrymogènes contre des manifestants rassemblés sous les fenêtres du bureau du Premier ministre, qui leur lançaient des pierres, a constaté l'AFP. Les forces anti-émeutes positionnées sur une artère donnant sur la Kasbah ont fait mouvement vers l'esplanade en tirant un grand nombre de grenades lacrymogènes. Des militaires sur place ne sont pas intervenus. «J'ai vu au moins cinq blessés. Plusieurs saignaient», a affirmé le médecin du Samu de Tunis, Majdi Amami. |
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