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Les autocraties arabes tremblent et ne cachent même
pas leur peur. Les peuples bougent et n'attendent aucune impulsion extérieure, les
privant ainsi de l'argument de l'ingérence étrangère. Ces peuples sont dans
leur temps, les régimes épuisés ne comprennent visiblement pas cette phase
nouvelle de l'histoire.
Les Tunisiens ont ouvert une brèche énorme qu'aucune répression et qu'aucune politique populiste ne pourront plus refermer. Au Caire et dans de nombreuses villes égyptiennes, la peur a été surmontée. Le blocage d'Internet et des téléphones mobiles n'aura pas empêché les Egyptiens de réussir, dans la douleur, les violences et l'odeur des grenades lacrymogènes, leur vendredi de la colère. Le régime est acculé. Même ses protecteurs occidentaux, qui craignent une démocratie aux conséquences géopolitiques indésirables, demandent que des initiatives soient tentées, notamment l'ouverture du jeu politique. Ces amis occidentaux veulent qu'on leur sauve la face et les meubles. Le monde arabe est en mouvement. A l'est de la nouvelle démocratie tunisienne, c'est en cours. Et immanquablement, l'ouest de la Tunisie suivra. Le blocage de la dynamique naturelle des sociétés arabes au nom de la «menace islamiste» cesse de fonctionner. Les Occidentaux eux-mêmes, surpris par des mouvements de contestation où les islamistes n'ont pas les rôles les plus importants, tentent de s'adapter. Seuls les régimes et les gouvernants se braquent et tentent, encore une fois, d'agiter la carotte et surtout le bâton. Ils ont tellement créé le vide qu'ils en sont arrivés à croire qu'ils peuvent annihiler les demandes politiques et sociales de leur peuple par la peur de l'effondrement. Cela ne marche plus. Sur un forum algérien sur le Net, un Algérien s'est inquiété de la fin indigne de Ben Ali, désormais recherché par Interpol comme un vulgaire criminel. Il ne le regrettait pas, bien entendu, mais il estimait qu'en resserrant aussi fortement l'étau sur le dictateur tunisien, on envoyait un mauvais message aux autoritarismes en place qui seraient enclins à ne plus lâcher prise. Et à réprimer sans modération. On est dans le registre psychologique et non dans le politique, qui comporte normalement une part d'anticipation et de gestion rationnelle. Ceux qui sont au pouvoir ont, jusqu'à ce que les choses leur échappent, tous les leviers en main pour éviter la fin indigne de Ben Ali. L'exaspération des Egyptiens contre le régime n'était pas un mystère. A moins d'un aveuglement total, les choses étaient claires pour les moukhabarate comme pour le citoyen lambda. Le régime comptait sur une présumée inaptitude des Egyptiens à la révolte. D'une certaine manière, cette idée était partagée aussi par les opposants. Une journaliste égyptienne l'a exprimée clairement en se disant «émerveillée par ce peuple auquel j'appartiens et que je croyais incapable de dire non». Tout a été dit en une petite phrase. Méfiez-vous, gouvernants des peuples qui semblent dormir. Quand saute le mur de la peur et que les populations se mettent à bouger, c'est qu'il est souvent trop tard pour les régimes. Cela est valable à l'est de la Tunisie, cela est valable à l'ouest de cette révolution, en Algérie. Les jeunes Algériens ont inventé la formule «Bougez, vous mangerez du rouget», qui dit bien que rien ne vient à ceux qui ne tentent rien. Les gouvernants devraient le méditer et se dire qu'il faut bouger avant de se faire bouger? |
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