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Innovations et nouvelles
perspectives de meilleure employabilité des diplômés universitaires algériens
dans le marché du travail national et international demeurent les nouveaux
objectifs et motivations visés par la nouvelle équipe ministérielle de
l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique où une sérieuse et
courageuse initiative et débat semblent engagés dans la recherche de solutions
idoines d'adéquation Formation-Emploi.
Le débat, s'il y a débat, et en le souhaiterait vivement, ne doit pas se confiner qu'aux instances administratives et pédagogiques de l'Université algérienne seulement, mais à toute la société dans son entièreté, y compris, bien entendu, la population estudiantine qui se trouve directement concernée et socialement impactée. C'est d'une réflexion collective et libre, dont le pays a besoin, afin que ces tentatives d'orientation (plus précisément de réorientation !) et nouvelles mesures affichées soient réellement productives pour sortir de l'ornière dramatique et tellement affligeante de ces centaines de milliers de diplômés universitaires chômeurs... Disons, tout d'abord, que ce projet a le mérite de prévoir et de rechercher deux perspectives majeures en matière de correction et d'adaptation de la formation supérieure aux nouveaux temps économique et social, et dans le pays et bien ailleurs, sous d'autres cieux: 1. Il comprend et relève, par le fait d'oser déjà poser le problème, un acte de prise de conscience, et peut être aussi, d'une réelle volonté de correction et de rédemption de l'ancien système d'orientation aujourd'hui, malheureusement, figé et sérieusement contre-productif depuis de longues décennies sans en émouvoir ni responsables de tutelle, d'universités ou de grandes écoles, ni même le corps des enseignants chercheurs ! Ancien système, rappelons-le, qui instaurait avec presque aveuglement et déni de la réalité, le principe démagogique de la simple et unique diplomation, avec la contrainte majeure, pour les étudiants, de ne pas pouvoir fréquenter d'autres filières ou disciplines de formation qu'après un répit de plusieurs longues années. Rétrograde, aussi, parce qu'il empêchait, de facto, les postulants de pouvoir entreprendre une re-spécialisation en fonction de leur évolution propre ou de celle du marché de l'emploi. 2. Ce nouveau projet de double-diplomation, casse et met à terre un grand tabou de la mono - diplomation, si cher à la vieille politique et philosophie de la planification des économies et, par conséquent, des Hommes et de leurs destins, ne serait-ce que professionnels. Elle ouvre, par conséquent, de nouvelles et prometteuses perspectives de formation et de débouchés, pour nos futurs étudiants. Auxquels il offre plus de possibilités de modification de leurs formations et parcours universitaires en leur donnant plus de chance et d'opportunités d'emploi. Par son esprit de réforme corrective, il doit aboutir, nécessairement, à la révision de cette aberration de l'orientation universitaire. Aberration et injustice qui dure depuis de longues décennies d'autant plus qu'elle s'est avérée structurellement et socialement contre-productive. Libérons les énergies et prenons en compte les aspirations de nos jeunes apprenants en adoptant la double-diplomation et en revoyant avec assouplissement les règles trop rigides et « mécanisées » (voire définies par un algorithme informatique !) des orientations d'études universitaires : En effet, n'est-ce pas aberrant que les meilleurs lauréats (moyenne de 14,50) au baccalauréat soient systématiquement dirigés vers la filière de Pharmacie, alors qu'ils disposent vraisemblablement des meilleures capacités et aptitudes pour devenir et composer l'élite en matière de recherche fondamentale et appliquée. On en fait des petits gestionnaires d'officines, comme on le constate, dont la seule tâche quotidienne serait de passer en fin de journée vider le tiroir-caisse de leur établissement ! Mais un fils de pharmacien ne peut devenir plombier ou mécanicien ... N'est-ce pas de la simple reproduction de classes sociales ? Et, encore, toutes ces acrobaties et entorses à la règlementation que les gens aisés font pour inscrire leur progéniture dans les filières médicales, organisées ou pensées en chasse-gardées quand leurs enfants ne disposent pas de moyennes requises pour leurs orientations en Médecine. Obstacle, facilement évitable pour ces gens privilégiés, qui envoient leurs enfants faire une petite année de tourisme en les inscrivant dans un pays tiers en Médecine, et les faire transférer, l'année suivante dans une des facultés du pays où ils ont quelques accointances ! D'où, les règles rigides et infranchissables n'existent vraiment que pour les enfants socialement défavorisés. Disons-le, les orientations d'étude universitaires ne sont réellement que des verrous sociaux de classes et non des critères objectifs, transparents et justes au service de la bonne gestion de la formation supérieure. Une machine qui définit l'orientation et destins des apprenants et non l'intelligence et l'expérience éclairée et humaine des Aînés Comble de l'aberration et de l'irresponsabilité des « sachants » et décideurs, ce n'est plus une commission de pédagogues et d'experts qui participent et conseillent l'orientation d'étude au jeunes bacheliers, en fonction de leurs aptitudes à apprendre, mais une Machine ou, autrement dit aujourd'hui, un logicien ! L'université au lieu d'être un Temple du savoir ouvert à tous , avec une équité d'accès et l'égalité des chances pour la réussite sociale, sans aucune distinction autre que les aptitudes propres des jeunes bacheliers, elle est devenue une Gare de triage et de reproduction, seulement, des classes sociales. Pourtant le savoir et sa transmission devraient être une relation tellement simple et saine quand il y a un simple médiateur du savoir désireux et ayant la vocation de transmettre et des apprenants motivés pour s'investir dans le monde du savoir pour aller plus Haut et plus Loin. Rappelons-nous simplement nos premiers pas dans la vie et dans l'apprentissage du Coran et de toutes choses, par ailleurs. Il n'y avait pas d'amphithéâtres ou de salles de classe dédiées à cela mais seulement une petite pièce sobre faite, le plus souvent, de torchis, une natte en alfa posée à même le sol en terre et sur laquelle on s'asseyait tous. Pas de papier et pas stylo, ni de crayon, ni de gomme, non plus, mais un bout de roseau qu'on transformait avec quelques coups de lame en plume qu'on trempait dans une encre qu'on préparait , aussi, nous mêmes avec quelques bouts de laine d'agneau calcinée et un peu d'eau. On a oublié tout cela et le Génie et bel héritage d'intelligences de notre peuple ; et aujourd'hui notre pays dispose d'une soixantaine d'universités et de grandes écoles flambantes, qui ont coûté les yeux de la tête, et dont il ne sait quoi en faire puisque nous n'arrivons, avec ces fastueuses bâtisses, qu'à former une majorité prépondérante de diplômés chômeurs. Un échec coriace et résistant, avilissant et impardonnable. Nous tous partageons cet échec et en porterons l'opprobre, Aujourd'hui et Demain, ne serait-ce que par notre inconscience ou notre simple silence complaisant ! Que nous arrive-t-il donc, pour mériter un tel échec, nous le pays d'Ibn Khadoun et de son génie, le maître de la Sociologie historique, qui après avoir été un grand commis gestionnaire des Etats et royaumes d'Afrique du Nord, a eu le génie de rédiger en six mois seulement, passés, dans une grotte de Frenda, sa Mouqadima et Introduction à l'Histoire universelle. Réveillons-nous de notre sommeil seulement structurel, nous sommes le pays de Massinissa, de Syphax et Jugurtha, ces Rois et Grands hommes libres, qui ont de tout temps refusé d'être vassalisés par les Romains, bien qu'ils nous aient occupés durant de longs siècles mais jamais soumis entièrement ! Nous ne sommes pas dignes de cet échec cuisant, ne serait-ce que de par nos héritages et exhalaisons historiques et culturelles de grands peuples aptes à l'acquisition et maîtrise des savoirs et techniques. Les sociétés et communautés de notre culture et géographie historiques ont offert à l'Humanité de grands noms universels d'hommes et de femmes, quand ils ou elles, s'inspiraient et n'oubliaient pas ou ne niaient pas leurs valeurs et héritages propres. Ce jeune Emir de 23 ans qui quitte volontiers son tablier de petit agro-pasteur du Douar dEl Guetna de la rive droite de l'Oued Bouhanifia, pour conduire durant 17 ans la Guérilla algérienne contre les puissantes armées de l'Empire français. L'un des premiers stratèges militaires à avoir expérimenté la Guérilla en faisant déplacer de l'Ouest à l'Est et du Nord au Sud d'Algérie, la Smala, une ville ambulante de 20.000 âmes... A la prise de la Smala, le butin reconnu et déclaré par l'armée coloniale, ne pouvait représenter, en vérité, qu'un dernier affront ou insulte à leur parfaite ignorance et arriération mentale ou civilisationnelle, puisque ce butin ne consistait que dans le regroupement de 20.000 ouvrages composant la bibliothèque ambulante de la Smala. Donc la valeur des savoirs chez notre peuple est une chose sacrée et largement partagée, plus que, ne sont pour lui, les richesses et trésors matériels. D'ailleurs et jusqu'à sa mort survenue dans son exil en Syrie, le Chef militaire et Premier Chef d'Etat de l'Algérie moderne, Abdelkader est entré dans la reconnaissance universelle, non pas pour ses qualités de combattant ou de chef militaire mais en qualité d'homme de savoir éclairé et grand Soufi et pour ses qualités d'humaniste et de rédacteur d'ouvrages de philosophie et mystique musulmane. Il finit donc ses dernières, pieuses et mystiques, années à enseigner et à former ses jeunes disciples. Le jeune Emir paysan d'El Guetna, enterré, selon son intime et dernier vœu, à côté de la tombe de son maître spirituel le grand et universel Soufi Ibn El Arabi, avait voué sa vie, mise à part son épisode de résistant, à apprendre, à enseigner et à former des jeunes apprenants avides de savoirs et de connaissances. Et enfin, pour clore notre présent propos avec espoir, en revenant à notre époque et ces contradictions concernant les énormes moyens financiers et matériels, mis à la dispositions de nos systèmes d'éducation et de formation supérieure. Quoique minés malheureusement, par des pesanteurs tels le mode aujourd'hui dépassé de la mono-diplomation et de ces orientations universitaires inintelligentes et tellement contre-productives jusqu'à exclure annuellement du monde du travail et de l'insertion sociale et économique des milliers de jeunes étudiants. J'évoquerai, volontiers pour la symbolique, une personnalité internationale reconnue et tellement respectée dans le monde actuellement, et n'ayant point fréquenté le système de formation supérieure algérien, bien que d'origine algérienne. Cette personne née dans une oasis saharienne du sud-ouest algérien, d'un père forgeron puis simple ouvrier et orphelin de mère dès l'âge de trois, a quittée l'Algérie à la vingtaine emportant certainement avec lui une grande ambition de dépasser ses conjonctures et réussir dans vie, mais, armé aussi de sa culture d'origine et ses ressorts historiques et leurs legs millénaires. Ce monsieur, décédé à Lyon le 4 décembre 2022, a marqué de ses travaux, communications, philosophie et publications d'ouvrages et essais, toute la génération contemporaine du mouvement écologique européen et, de surcroît, mondial. Le 9 décembre dernier, invité à participer à la cérémonie de reconnaissance posthume et de célébration du premier anniversaire de sa disparition, tenue à l'Académie du Climat de Paris, j'y ai apporté un témoignage et hommage. Texte, ci-dessous livré aux lecteurs, qui se retrouve sur la page Facebook pierre rabhi/mémoire,et qui relate la vie, l'origine sociale et culturelle de ce philosophe, poète et innovateur sacralisé pour ses engagements et travaux et qui ne peut qu'honorer par sa réussite son pays d'origine, l'Algérie : A Pierre (Rabah) RABHI Moi qui ait fait plus de 2.000 km (pour être parmi vous) et enjambé la belle Méditerranée, cette mer entre-deux-terres qui a rassemblé et qui continue, malheureusement aujourd'hui dans la douleur, à rassembler tant de cultures, de savoirs, de civilisations et de destins humains, parfois tragiques ; pour partager ce moment de communion avec vous, afin d'honorer comme ils le méritent le Grand esprit et la belle âme de Pierre RABHI. Certes, il y a pour nous tous ce soir, cette fâcheuse émotion de la perte douloureuse de notre Ami et poète accompli, mais, il y a aussi, le bonheur et la juste reconnaissance pour le bel héritage qui nous a légué, pour son inspiration vivifiante avec sa transmission si pédagogique et acharnée durant plus d'un demi-siècle ! Merci donc, à Pierre (RABAH) RABHI, d'avoir été ce grand précurseur et cette grande âme qui n'a été d'aucun Bord particulier, d'aucun parti mais de tous les Bords en même temps. Né musulman dans les sables d'une oasis saharienne, comme beaucoup de prophètes avant lui. Grandi et éduqué dans la culture chrétienne où il fut adopté encore enfant, il avait compris, très tôt, que le bonheur que les hommes devraient rechercher n'était point dans les obédiences et rigidités pseudo-spirituelles, mais dans les Hommes eux-mêmes et dans leurs pratiques et enseignements de tous les jours. Avec sa modeste silhouette qu'il s'amusait à parodier en public et ses 53 kilos tout mouillé, disait-il, ce merveilleux poète novateur a traduit par sa personne et sa vie ces rôles mutualistes d'échangeur, de facilitateur et de fécondateur des savoirs de toute la Méditerranée. Réanimant, ainsi, en chacun de nous, le Bon sens paysan qu'une certaine modernité avait occulté auparavant et broyé durant 80 ans de mécanisation et d'agrochimie à travers sa dite Révolution verte, et ses prémices destructeurs des belles paysanneries européennes puis de celles du Sud. Détruisant au passage, les sols, les nappes phréatiques, les cours d'eau et les écosystèmes naturels et provoquant, ainsi et irréversiblement, ces exodes ruraux hémorragiques, qui restent à l'origine, outre la paupérisation accrue des populations rurales, au renversement des équilibres démographiques mondiaux, devenus, depuis les années 2.000 selon les propres statistiques des Nations unies, majoritairement urbains pour la première fois dans l'histoire de notre humanité. Les cités de trente et quarante millions d'habitants et plus ne sont plus une exception dans un système foncièrement spéculatif de sur-urbanisation et de massifications forcenées des populations. Système, rappelons-le, qui reste à l'origine certainement de notre entrée désormais dans des cycles pandémiques périodiques et durables ! Tout cela, Pierre RABHI, l'avait, dès les années 70, perçu, compris et combattu par ses écrits, par son engagement personnel et familial en se réinstallant dans la terre, par ses communications et ses nombreux séminaires d'agro-écologie dans le Sahel et bien ailleurs dans le monde. En cela, il a été, pour nous tous, un pionnier et ouvreur de nouvelles pistes philosophiques et pratiques d'innovation pour une véritable rédemption des systèmes agro-économiques, environnementaux et certainement sanitaires. Pierre RABHI, toi le père et annonciateur de la Sobriété Heureuse et de ses Promesses, reposes désormais en paix, avec nos pensées et souvenirs bien reconnaissants qui t'accompagnent et te resteront, à jamais, fidèles ! A propos de la Vie et de la Mort, ces sujets funèbres presque encore tabous dans toutes les cultures, et qui nous préoccupent ou nous préoccuperont un jour, le Soufi persan Kharraqani, du Haut de son Xème siècle d'où il nous enseigne, nous rassure avec cette définition et pensée philosophique : Beaucoup s'agitent sur la surface de la planète, qui ne sont cependant que des âmes mortes ; Peu, très peu (comme Pierre RABHI) enfouis au cœur de la terre, reposent ? et sont, (parmi-nous), vivants... (*) Hassini TSAKI, Professeur à la retraite, ancien directeur du Laboratoire de Recherches pour une Sécurité Alimentaire et Energétique de l'Université d'Oran 1 |
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