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(Texte déjà publié dans Le Quotidien d'Oran, jeudi 11
janvier 2012)
Tout petit, à l'école à Barika, haut lieu chaoui de sa naissance, puis au lycée à Sétif, il était Abdou Benziane. Seulement ! Bien plus tard, plus grand, il était Abdou B. Un homme qui grandit, un nom (accolé au prénom) qui se limite à une seule lettre. Pas courant du tout ! Car, la lettre allait devenir, en très peu de temps d'ailleurs, une véritable bombe médiatique, tout d'abord dans le champ cinématographique, puis audiovisuel, enfin, de toute la communication. Abdou Benziane, je l'ai connu d'abord à l'Ecole nationale supérieure de journalisme, en octobre 1965, rue «Jacques Cartier». Il faisait partie d'une bande (la 2e promotion de langue française, la première étant composée de Sobhi Belkacem, Hadj Chikh Bouchène, Sayah Houari, Aïssaoui Boualem, Rezigui Mâazouz, Nabiha Medjahed, Laribi Assia, Saliha Mezâache, Sansal Mohamed, moi-même? moins d'une trentaine de personnes) de candidats au journalisme, pour la plupart de futurs «grands» de la com : Saïdani Mohamed, Talmat Amor-Ali, Ameyar Kheirddine, Brahimi Brahim? 2e promotion qui côtoyait, dans une fraternité chaleureuse, la nouvelle (et première) promotion de langue arabe avec Kamel Ayache, Abdallah Guettaf, Sâad Bouakba, Zineb Djadri, Mohamed Zehani? Il est vrai que la vie estudiantine d'antan se déroulait dans un «mouchoir de poche» au sein duquel les lieux de haute convivialité étaient nombreux et variés, à la portée des petites et moyennes bourses? et, surtout, des lieux libres de toute contrainte politique ou policière (tout du moins visible). Tous les espoirs étaient permis, et l'engagement militant n'était pas un vain mot. Bien sûr, chacun d'entre-nous avait son jardin secret (encore que la vie en cité universitaire ne permettait pas une grande quantité d'escapades individuelles d'autant que le sens du partage était encore naturellement spontané), mais Abdou B?enziane allait en avoir rapidement à faire pâlir d'envie. Il allait exercer encore étudiant? Où ? Dans la revue El Djeich (édition de langue française), et ce n'était pas peu, dirigée alors par M'barek Djadri et Zoubir Zemzoum (La DCCP/ANP était alors dirigée par le colonel Hachemi Hadjerès et le Centre technique par le commandant Rachid Aït Idir). Il y animait, entre autres, toute une page, «Rubric à brac», au style très critique, pour ne pas dire corrosif, sorte de «radar» , de «souk el kalam» de l'époque, avec de petites informations, pour la plupart concernant le monde du cinéma, car il ne faut pas oublier, en ce temps-là, la télévision «balbutiait» et le cinéma tenait le haut du pavé avec ses centaines de salles, ses millions de spectateurs? et ses (encore rares, donc monopoleurs) réalisateurs et acteurs presque idolâtrés. La revue s'arrachait littéralement car, il faut le dire ou le redire, elle avait un contenu réellement avant-gardiste : il est vrai qu'après le coup d'Etat du 19 juin 1965, la grande muette cherchait, par une stratégie de communication assez ouverte (surtout sur le social et le culturel) à «redorer son blason», tout particulièrement auprès des lycéens, des étudiants et des intellectuels qui, bien que n'admettant pas (ou plus) les «errements» de Ben Bella, étaient restés très attachés à l'image d'un pays démocratique, républicain? et très social. Pour résumer, en très peu de temps, l'ami Abdou B. était devenu (car il signait, ce qui était rare dans la presse de l'époque) la «bête noire» des mauvais cinéastes, des acteurs prétentieux, des réalisations et des réalisateurs médiocres. Il avait l'engagement, la sincérité? le courage surtout (car à l'époque, faire face aux «grands» du secteur n'était pas facile à vivre. Toujours cette histoire de vie dans un «mouchoir de poche» !) et le style idoine pour capter et fidéliser les lecteurs. La suite est un «long fleuve tumultueux» dominé par l'amour d'un métier chéri plus que tout, jusqu'à la passion, jusqu'à la rage. Les Deux écrans (1977-1985), Algérie Actualités, Révolution africaine (1985-1987)? tous des espaces de liberté, des moments de liberté et avec des hommes de liberté (même si tout n'était que conjoncturel tant il est vrai que les «pouvoirs» réels n'admettaient pas assez longtemps les «indépendants» : un peu, mais pas beaucoup. Juste pour le «fun» ou pour la galerie !) Octobre 88, il y était. Plein dedans ! Les réformes économiques et politiques, il y était. Plein dedans ! La loi relative à l'information, il y était. Plein dedans ! Toujours prêt, toujours vrai ! Et puis, un passage éblouissant à la télévision (mai 90-juillet 91), avec des moments d'extraordinaire liberté, des images devenues «cultes». MBC et Al Djazira de l'époque ? Du «pipi de chat» ! On peut dire qu'il s'est «éclaté». Le veinard ! De plus, il est devenu un véritable gourou. N'a-t-il pas su faire émerger les capacités époustouflantes de nouveaux journalistes et animateurs devenus assez vite célèbres : Mourad Chebine, HHC, Khadidja Benguena, Rabah Khouidui, Kamal Alouani, Ammar Chouaf, Messaoud Benrabii', Hafid Derradji, Leila Smati? Ils étaient «trop jeunes» ou étouffés jusqu'ici. Des noms qui, pour la plupart, ont été, par la suite, soit assassinés (car la lumière gêne toujours) ou, alors, marginalisés, puis poussés à la sortie vers l'exil. Comme toujours, arrive alors un nouveau chef (qui voulait assurément être le seul à apparaître sur la scène, être le plus beau avec un nœud papillon étonnant, le plus intelligent, le plus créatif, le?) qui le «vide» sans tambour ni trompette. Bien sûr, deux nouveaux chefs plus tard, il est rappelé (septembre 1993-avril 1994), mais le mal était déjà fait. L'élan avait été «cassé». D'ailleurs, toute l'Algérie allait être «cassée». Il a fait ce qu'il a pu, avec beaucoup d'autres, pour garder l'«Algérie debout». Un nouveau chef arrive? et le voilà encore «débarqué», poussé à la démission. Décidément ! On ne refera jamais les rapports pouvoir(s)-télé. Homme pressé, homme hyperactif et de vie, homme engagé, homme d'idées et surtout d'action, dans un système qui «largue» ses serviteurs aussi vite qui les a utilisés et usés, refusant les offres d'«exil», il s'est remis à enseigner, écrire surtout, à dire ses vérités à travers des chroniques : Demain l'Algérie, La Nation, El Watan, Le Quotidien d'Oran depuis décembre 1998, La Tribune depuis février 1998, la revue française Cinéaction? (chroniques qui gagneraient à être regroupées et éditées par un éditeur). Avec, toujours, un objectif, ce qui donnait une «impression» de redondance : la liberté d'expression d'abord, la liberté de la presse ensuite, la libération de l'audiovisuel enfin. De préférence, les trois en un. Là où un écran de cinéma se rallumait, il était présent, là où l'audiovisuel se discutait, il était là (exemple des festivals algériens et étrangers). Toujours prêt, toujours vrai? et, ses vérités, souvent bien directes, n'avaient rien de méchant. Il paraît que, «audité» par la commission information et culture de l'APN sur le projet de loi relative à l'information, il aurait «tenu le crachoir» durant plusieurs heures. Certainement pour expliquer ses idées et sa pratique? toujours en s'emportant souvent, comme d'habitude. Peut-être que, par la suite, en lisant le texte final adopté de la loi relative à l'information? et, aussi, en redécouvrant, ces derniers mois, les dures réalités de la vie régionale et locale dans le cadre de sa collaboration avec le Cnes, son cœur a reçu un coup encore plus violent que celui de la première attaque cardiaque de 91. Qui sait ? Note : la Fondation Friedrich Ebert Stiftung a édité un de ses travaux de recherche : Information, Communication, Média (Coll. L'Algérie de demain. Relever les défis pour gagner l'avenir. 63 pages, Alger décembre 2008). |
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