Dégage ! Les Tunisiens ont fait dégager les
Ben Ali, les Trabelsi ! Ils continuent vouloir faire dégager le gouvernement où
les anciens ministres de Ben Ali semblent les narguer. Sur le terrain
économique, des travailleurs sont sur la pente révolutionnaire et font
«dégager» aussi des patrons. Le réel, pensent les privés tunisiens, finira
peut-être par reprendre le dessus mais l'économie tunisienne ne peut qu'accuser
le coup de cette libération des demandes politiques et sociales longtemps
contenues par l'appareil policier. Les entreprises et organismes publics vivent
à l'heure de la révolution et des PDG «dégagés» par les collectifs de
travailleurs. Les privés, eux, attendent sagement que l'éléphant
révolutionnaire passe et que la poussière retombe afin de «dégager» des
perspectives pour l'économie. En attendant, ils ont bien dégagé Hédi Jilani,
l'inamovible patron de l'Utica qu'ils mettent ainsi «à jour» avec l'air
ambiant. Les temps changent. A l'extrême est du pays où, du temps de Bourguiba
déjà, on captait la télévision tunisienne, on écoutait parfois avec des
sourires entendus les préposés tunisiens à la météo parler des «turbulences qui
viennent de l'Algérie». Les Tunisiens sont trop occupés aujourd'hui pour suivre
le haut souci des pouvoirs publics algériens à se prémunir des «turbulences qui
viennent de Tunisie». Oubliée la feuille de route anti-import, anti-informel,
surveillance des prix, reprise ténue des consultations avec les privés? Et
puisqu'il faut bien faire «dégager» quelqu'un, c'est sur Cevital, le plus grand
groupe privé, que s'orientent les index accusateurs. Issad Rebrab n'est pas
près d'accepter de jouer le rôle du méchant qu'on tente de lui attribuer. Il
n'entend pas se laisser «dégager» sous l'autel des urgences qui rendent encore
moins lisible la politique économique de l'Algérie. La poussière retombera
sûrement en Tunisie, le flou, peu artistique, persistera en Algérie.