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Les «phénomènes sociaux» peuvent être considérés comme étant le résultat des multiples actions, plus ou moins conscientes et organisées, émanant des différents acteurs au sein d'un système social donné et dans des contextes structurels et historiques définis. Dans le cadre de cette conception, le présent papier se propose de rendre brièvement compte de l'un de ces phénomènes. Il s'agit du mouvement syndical algérien et ce, depuis son apparition jusqu'à ses récents développements. En d'autres termes, nous allons tenter de rappeler les conditions historiques dans lesquelles ce mouvement a pris naissance, son évolution, ses principaux acteurs, ses objectifs et ses enjeux à travers les différentes phases de son histoire. Si le mouvement syndical peut donc être considéré comme un phénomène selon la conception sus évoquée, force est de constater que le mouvement syndical algérien a de tout temps été déterminé, en fond et en forme, par les conditions structurelles qui l'ont vu naître et les actions des forces sociales et acteurs sociaux concernés par ce mouvement selon les époques. Ainsi, dans cette brève description, nous allons nous intéresser d'abord à la période d'avant 1962, date de l'Indépendance nationale et ensuite, à celle qui s'étend depuis cette date jusqu'à la fin des années 1980. En effet, de par les changements qui l'ont suivie, cette date est considérée comme étant très importante dans la vie sociale et politique contemporaine du pays. Après cela, nous tenterons de retracer les conditions dans lesquelles est apparu le nouveau syndicalisme au lendemain des émeutes populaires d'Octobre 1988 qui ont marqué le début d'une nouvelle époque. Elle est différente notamment par l'adoption d'un pluralisme politique et syndical. Enfin, nous essayerons de présenter le mouvement syndical tel qu'il nous apparaît à l'heure actuelle. 1. Le mouvement syndical avant l'Indépendance Dans cette première partie, nous allons donc rappeler brièvement ce qu'a été le mouvement syndical algérien avant l'Indépendance. Cela concernera l'époque coloniale et les années de la Guerre de Libération nationale. Il s'agit donc du mouvement syndical algérien depuis ses premiers pas jusqu'à 1962. Beaucoup d'historiens et sociologues, à l'instar de R. Gallissot, N. Benallègue-Chaouia et A. Djaghloul, situent l'origine du mouvement syndical algérien à la période qui a suivi la Première Guerre mondiale (1914 -1918). On s'accorde à considérer qu'avant cette date, aucun mouvement syndical au sens moderne du terme n'a vraiment existé(1). Deux éléments essentiels pourraient expliquer cette situation. D'une part, la quasi-inexistence, avant cette date, d'une industrie dans le pays et d'autre part, l'interdiction de s'organiser imposée par les autorités coloniales aux Algériens en vertu des dispositions du «Code de l'indigénat». Il est difficile d'imaginer donc l'émergence d'une activité syndicale en Algérie par et pour les Algériens avant cette date où ces Algériens, comme l'a rappelé récemment l'historien B. Stora, «n'avaient aucun droit» et où «ils n'étaient pas considérés comme membres de l'humanité »(2). En revanche, on soutient parallèlement que le premier syndicat en Algérie aurait vu le jour en 1880 à Constantine dans l'Imprimerie. De son côté, N. Benallègue-Chaouia souligne qu' «un mouvement syndical embryonnaire existait en Algérie avant la promulgation de la loi du 21 mars 1884 autorisant les associations professionnelles» et que c'est en 1878, qu'aurait été née à Alger la première organisation syndicale. Elle aurait concerné «des ouvriers sur métaux et des ouvriers lithographes» (N. Benallègue-Chaouia, 2005, p.70). La même historienne ajoute qu'en 1887, «24 syndicats fonctionnent pour toute l'Algérie». Mais cela n'avait concerné en fait que des travailleurs d'origine européenne. C'est après 1918 que des changements concernant les travailleurs algériens se sont opérés en Algérie et en France. En effet, la Grande Guerre et la reconstruction qui l'a suivie ont donné naissance à un nouveau phénomène : une émigration plus importante, car celle-ci existait déjà, mais dans des proportions très réduites, des Algériens vers la «métropole». A. Djaghloul évoque à cet effet, que de 1912 à 1923, le nombre des Algériens en France était passé de 5.000 à 92.000. «C'est en France, note-t-il, aussi paradoxal que cela puisse paraître au premier abord, que se constituent les premiers noyaux de militants syndicaux algériens, à l'intérieur de la C.G.T et de la C.G.T.U» (A. Djaghloul, 1986, p. 95). René Gallissot(3) note à cet effet que c'est «dans le temps fort à l'échelle mondiale des mouvements sociaux de 1919-1920» que «s'inscrivent dans les villes d'Algérie, les cortèges du 1er Mai derrière les drapeaux rouges et verts» et «une mobilisation répétée sur les lieux de travail.» En revanche, N. Benallègue-Chaouia propose qu'en 1905 déjà, «un préparateur en pharmacie fonde la «société de secours mutuel indignes» d'Oran (N. Benallègue-Chaouia, ibid., p.71). Le premier élément important à retenir à ce sujet, en France notamment, c'est qu'à cette époque de colonialisme, le mouvement syndical algérien se confondit presque entièrement avec le mouvement national dans sa lutte pour l'indépendance. Autrement dit, pour la plupart des travailleurs algériens, la conscience sociale n'apparaît que mêlée à la conscience nationale. En effet, il semble bien que «les premières lueurs de la conscience nationale peuvent être observées chez les travailleurs algériens en France, à l'époque de la Première Guerre mondiale» où «ils se sont aussitôt organisés pour demander leurs droits» (B. Quandt, 1999, p. 24). Et c'est entre les mains du mouvement syndical que naquit en 1926 le premier parti nationaliste algérien : l'Etoile Nord Africaine (ENA). Il est significatif de savoir que selon une étude de G. Meynier, citée par N. Benallègue, 8 des 26 membres du comité central du MNA. étaient à la CGT. Par ailleurs, il est à noter à cet effet qu'en 1924, l'Emir Khaled exhortait «ses frères à s'organiser et adhérer dans les syndicats pour revendiquer leurs droits économiques et politiques» (M. Kaddache et M. Guennache, 1984, p.89). Il y a lieu de souligner également que selon Kaddache et Guennache, une organisation syndicale algérienne a déjà été créée en 1930, à Lyon, sous le nom de : l'Association des Travailleurs Algériens de Lyon qui entrera à son tour en contact avec l'ENA en 1934. En Algérie, pour les raisons évoquées plus haut, le syndicalisme algérien demeura faible et s'il se pratiquait, c'était au sein de la CGTU. Cette dernière a réussi, par rapport aux autres organisations, à mobiliser, même partiellement, le prolétariat algérien. C'était surtout à cause de sa position par rapport à la question de l'indépendance que les Algériens y adhéraient. En effet, seule la CGTU soutenait clairement, selon Djaghloul, le droit du peuple algérien à l'indépendance. Toutefois, selon N. Benallègue-Chaouia, cette Centrale, regroupant les «révolutionnaires» dont certains sont des communistes, issue de la scission qu'a connue la CGT en 1920-1921, à l'occasion d'un affrontement entre ceux-ci et les réformistes socialistes après la révolution bolchevique, comprenait aussi des colonialistes et même dans les années 1934 des éléments à tendance fasciste (N. Benallègue-Chaouia, ibid. p.132). Néanmoins, par rapport à la CGT des années 1920, c'est la CTGU qui s'intéressait le plus aux travailleurs algériens. Par ailleurs, dans son témoignage livré peu de temps avant sa disparition en 2004, à N. Djabi, le syndicaliste K. Lakhdar déclare, entre autres, que c'est vers les années 1943-1944, suite à l'abolition du Code de l'indigénat, que les Algériens commençaient à se mêler directement à l'activité syndicale dans le cadre de la CGT. En effet, s'il est désormais question de la CGT et non de la CGTU, c'est que les deux tendances se sont réunifiées à la faveur de la lutte anti-fasciste des années 1934-35 et anti-nazie durant la Seconde Guerre mondiale où la priorité a été donnée à la libération de la France et à la reconstruction. Toutefois, K. Lakhdar soutient que cette participation restait restreinte par le fait que les Algériens étaient minoritaires dans les secteurs économiques. (N. Djabi, 2005, pp.43-77). Et c'est pour cette raison, poursuit-il, que les militants avaient «décidé d'élargir leur champ d'action et aller vers les travailleurs des campagnes où les Algériens étaient très présents» (ibid. p.79). En réalité, l'essentiel du prolétariat algérien se concentrait, en plus du secteur agricole, dans deux autres secteurs : les mines et les ports (dockers). A cela on peut ajouter les «chômeurs» qui eux vont être la cible du mouvement nationaliste où l'idée d'un syndicat national existait, semble-t-il, au PPA-MTLD depuis les années 1930 et «aurait été exprimée par Moufdi Zakaria.» (N. Benallègue-Chaouia, ibid. p.299). Mais c'est en 1947 qu'un militant du PPA, Rihani Saddok, aurait fondé un syndicat de commerçants à Alger. En réalité, n'ayant pas pu s'installer dans les unités économiques que sous formes de cellules clandestines à caractère politique, car chez les nationalistes c'est la conscience nationale qui prenait largement le dessus, c'est chez les petits commerçants, les coiffeurs, les gargotiers, les marchands de légumes, et enfin chez les chômeurs que le mouvement syndical nationaliste va se placer (N. Benallègue-Chaouia, ibid. p.300). Cela n'empêchait pas l'existence de beaucoup de militants nationalistes au sein des syndicats CGT. Pour ces syndicalistes les directives du PPA-MTLD étaient plus observées que celles émanant des instances syndicales. Il faut également noter, à cet effet, que pour contrecarrer la CGT, une Commission «ouvrière» ou « syndicale» avait été créée en 1947 ou 1952, selon les versions, au sein du MTLD sous la présidence de l'ancien cégétiste et nationaliste Aïssat Idir. En résumé, on peut dire que le mouvement syndical algérien sous l'occupation coloniale avait commencé timidement dans les années 1920 dans les rangs de la CGTU organisation relativement plus à l'écoute des aspirations sociales mais aussi nationales des travailleurs algériens. Mais ce n'est que dans les années 1930, suite notamment aux grandes grèves des mines auxquelles les travailleurs algériens, surexploités, ont grandement contribué, que le mouvement s'intensifia sous l'égide de la CGT réunifiée. A l'issue du Second conflit mondial par la victoire des Alliés et l'abolition du Code de l'indigénat, les « Algériens, comme l'a rappelé R. Gallissot,(4) deviennent majoritaires à la CGT, sans atteindre cependant la parité dans les organes dirigeants» pour cela il fallait attendre les années 1950. Au sein de la CGT, l'algérianisation a été surtout l'oeuvre des militants nationaux communistes. Parallèlement, le mouvement nationaliste, devenu plus radical encore après les événement sanglants du 8 Mai 1945, pour lequel l'indépendance nationale passe largement avant les luttes sociales, très critique vis-à-vis de la CGT, plus soucieuse, selon lui, de la défense des intérêts des travailleurs européens, ne ménagea pas ses efforts pour d'une part «placer» ses militants au sein de cette même instance syndicale et d'autre part de mettre en place clandestinement ses propres structures ouvrières dont cette Commission syndicale des années 1947. Dans les années 1950, le mouvement syndical algérien, sous l'occupation coloniale, a atteint le terme de son évolution. Schématiquement, il se présentait comme suit. D'une part, il y avait un mouvement syndical plus ou moins «classique», légal, travaillant sous l'égide du mouvement communiste et de la CGT privilégiant la lutte sociale anti-impérialiste. Il a abouti à la création, en 1954, de l'Union Générale des Syndicats Algériens (UGSA). Et d'autre part, un autre mouvement, clandestin, mais plus populaire, activant au sein des partis nationalistes notamment le PPA-MTLD qui donnait une priorité au combat anti-colonial. Il a abouti à la création, le 24 Février 1956, de l'Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA). K. Lakhdar nous a également appris qu'un autre syndicat algérien, appartenant au MNA, a été fondé le 07 Février 1956. Il s'agit de l'Union Syndicale des Travailleurs Algériens (USTA) (N. Djabi, ibid. p.206.). Sa création s'inscrivait clairement dans le cadre de la lutte que menait vainement le MNA contre le FLN pour le contrôle du mouvement national. Avec le déclenchement de la Guerre de Libération le 1er Novembre 1954 et son intensification par la suite, c'est le politique et le militaire qui en ont pris nettement et définitivement le dessus. Les militants de l'UGTA ou même ceux de l'UGSA, contraints eux aussi à l'activité clandestine, vont connaître plus de répression. Beaucoup ont connu l'emprisonnement, la torture et même la liquidation physique dans les geôles coloniales comme cela a été le cas pour Aïssat Idir après son arrestation au mois de mai 1956. Ainsi, et pour probablement la majorité de ces syndicalistes, c'est l'action politique et la lutte armée qui vont remplacer l'activisme syndical et ce, jusqu'à l'Indépendance nationale concrétisée en 1962. Seule l'UGTA sera officiellement reconnue après cet événement jusqu'à la fin des années 1980. 2. Le mouvement syndical de 1962 à 1989 Il est notoirement connu donc que sous l'occupation coloniale, l'UGTA se lança dès sa naissance dans la lutte politique pour l'indépendance. Et bien que déclarant son autonomie organique par rapport au Front de Libération Nationale (FLN) qui a réussi à déclencher et encadrer l'insurrection armée à partir de 1954, elle n'a cessé de le relayer de façon totale et inconditionnelle (A. Djaghloul, ibid., p.103). Après le recouvrement de l'indépendance, la question du statut de l'organisation syndicale UGTA s'était posée. Dans un pays ayant emprunté la voie du «monolithisme», car le FLN, après avoir conduit la lutte de libération, se transforma en Parti «unique», l'UGTA est progressivement mise sous contrôle du Parti. Elle a acquis le statut d '« organisation de masses». Cette situation a engagé l'UGTA sur la voie d'un syndicalisme plus bureaucratique que revendicatif. Ainsi, l'activité syndicale, notamment au niveau des cellules de base, se limitait au domaine salarial. Mais, se trouvant sous surveillance du Parti et de l'Administration, L'UGTA a toujours été conduite à soutenir les orientations politiques et économiques menées par les Gouvernements successifs de l'après-Indépendance «tout en critiquant le luxe et les privilèges que s'arroge la nouvelle caste bourgeoise et bureaucratique» (A. Djaghloul, ibid., p.107). Au terme de cette logique, l'UGTA se serait progressivement trouvée, sans perspectives syndicales réelles. D'une part, elle n'a jamais réussi à organiser les ouvriers agricoles, comme a été le souhait de ses fondateurs et d'autre part, si son implantation a été effectuée «automatiquement» dans le secteur public, cela n'a jamais été le cas pour le secteur privé hormis celui des entreprises détenues par les étrangers. Globalement, durant cette période d'économie étatiste, «c'est le centre, comme le notait A. Lamchichi, qui a donné les impulsions nécessaires à la machine économique tant au niveau du rythme de l'accumulation, qu'au niveau des priorités sectorielles budgétaires et financières.» (A. Lamchichi, 1990, p.21). Ceci d'une part, d'autre part et surtout, «les restrictions imposées au capital privé n'ont pas été accompagnées de mesures en faveur de l'autonomie et de la pluralité d'organisations syndicales, qui aurait traduit un souci d'institutionnalisation du conflit «capital-travail» et de prise en charge par les travailleurs eux-mêmes de leurs revendications» (Ibid., p.373). C'est ainsi que L. Addi, évoquant l'état du syndicalisme de cette époque, le résumait en disant que «l'UGTA était le représentant de l'Etat auprès des travailleurs et non l'inverse ». (L. Addi, 2002, p.75). Ce contexte dans lequel s'inscrivait ce type de syndicalisme à tendance « bureaucratique » a été également analysé par A. El-Kenz. Etudiant la situation qui prévalait en Algérie des années 1960 et 1970, il souligna que les relations qui liaient l'Etat à la société relevaient d'une sorte «de pacte» social établi entre le premier et la seconde où, grâce à la rente, l'industrialisation a été menée non seulement comme oeuvre de développement mais aussi comme justice sociale. Cet Etat, qualifié de «populiste», a réussi, dans le cadre de ce pacte et grâce à cette rente, à « pacifier» la situation sociale en diminuant notamment le taux de chômage qui est passé de 37 % en 1966, à 19 % en 1978 et enfin à 16 % en 1983 (in. S. Chikhi, 1994, p.4). Cependant, ayant bouché les pores par lesquelles s'exprime le politique (et le syndical ?), fit encore remarquer Addi, l'Etat se coupa de l'environnement social avec lequel il établissait désormais des relations conflictuelles» (L. Addi, 1990, p.116). C'est que ce régime était disposé, comme le soulignait Chikhi, certes à répondre aux revendications mais à la condition que celles-ci s'exprimaient à l'intérieur du pouvoir et non à l'extérieur ou contre lui. Dans ce contexte, il faut noter que depuis l'indépendance jusqu'à la fin des années 1970, «les actions ouvrières étaient peu nombreuses. Des grèves éclataient ici et là, mais elles restaient concentrées dans le secteur des BTP et les petites unités du secteur privé.» (S. Chikhi, 1994, p.7). Quant au seul syndicat officiel de l'époque, il se chargeait beaucoup plus d'empêcher les protestations ouvrières que de les encadrer où les faire aboutir. Au bout du processus, un tel syndicat, fortement étatisé, s'est avéré «inadapté à l'évolution des contradictions sociales» et finit tout naturellement par se décrédibiliser. «Et il s'en va trouver profondément ébranlé» (ibid., p.8). La crise économique dont les origines remontent, selon plusieurs études, à la fin des années 1970, aggravée par la forte chute des cours de pétrole en 1985, le contexte international de plus en plus contraignant et enfin les émeutes d'Octobre 1988, vont donner naissance à un nouveau paysage politique et syndical. 3. L'émergence du mouvement syndical «autonome» Certains observateurs de la vie sociale et politique algérienne pensent que c'est dès le milieu des années 1970 que le pays commença à s'engager dans une impasse. Progressivement, la production des entreprises recule et l'approvisionnement en produits industriels et alimentaires devient de plus en plus dépendant des marchés extérieurs, d'où les continuelles pénuries. Et il faut souligner aussi que le changement survenu à la tête de l'Etat après le décès du deuxième président de l'Algérie indépendante Houari Boumediene, survenu en décembre 1978, a marqué, de l'avis de beaucoup, l'arrivée au pouvoir de nouveaux groupes avec de nouveaux projets. Ces groupes, à la fois pour sortir le pays de l'impasse dans laquelle il s'était trouvé et pour réaliser leurs aspirations, commencèrent à engager le pays sur la voie d'une libéralisation économique. Avec la chute des prix de pétrole, principale source de revenus en Algérie, survenue en 1985, la crise s'aggrave, les événements s'accélèrent et enfin des réformes structurelles sont engagées. Dans un contexte mondial marqué par l'effondrement du bloc de l'Est et la pression d'un capitalisme triomphant, les dirigeants du pays vont, tant bien que mal, déclencher un processus d'ajustements économiques structurels. Les émeutes populaires d'Octobre 1988 vont donner une dimension politique aux événements. Parallèlement, l'UGTA continuait à encadrer les travailleurs et surtout prévenir les conflits. Cependant, la crise et l'«explosion » populaire d'Octobre vont apporter quelques changements. Bien que les facteurs externes, notamment la pression de plus en plus forte des grandes puissances politiques et financières du monde occidental, poussant vers la libéralisation de l'économie et l'ouverture des frontières face aux mouvements de marchandises et de capitaux, ont été des éléments fondamentaux ayant provoqué les bouleversements qu'a connus le pays, les facteurs d'ordre interne, ont également joué un rôle non négligeable. Ces derniers ont été, comme le notait S. Chikhi, le produit de l'imbrication étroite entre «le processus de désindustrialisation et les contradictions du développement social et urbain». Et c'est pour cela, conclut le même auteur, que ce sont les «marginaux», principales victimes de cet échec, qui, «enfermés» dans la lutte pour la survie», vont ébranler le système en place (S. Chikhi, ibid., p.12). Mais c'est au sein des entreprises publiques, sous forme de grèves, que vont se prolonger les protestations. En effet, tout semble témoigner qu'à la veille des émeutes d'Octobre 1988, les travailleurs, dans leur majorité, étaient en plein désenchantement, par rapport au système et à la situation globale dont la configuration était fondée sur une structure de classes désormais visibles socialement (Ibid,p.13). Il faut également rappeler que c'est dans un contexte de chômage, de licenciement collectifs, d'une crise de logement des plus aiguës, de pénuries incessantes des produits alimentaires, que la protestation populaire était venue secouer violemment la vie politique et sociale du pays. Juste après ces émeutes, réprimées dans le sang, la société va retrouver quelque peu l'usage de la liberté de parole et même d'actions, et dans les entreprises du secteur public, un grand mouvement de grèves allait voir le jour. L'ampleur des ces débrayages, qui sont passés de quelques dizaines par an à «1.933 en 1988 et atteignant un niveau jamais égalé en 1989 avec 3.389 arrêts recensés par le ministère du Travail», le fait que l'une de leurs revendications essentielles consistait en : le départ des principaux responsables des entreprises publiques, donne l'impression que cette protestation se voulait une sorte de redressement général de la situation dans son ensemble. Mais, comme le fit remarquer encore Chikhi, le mouvement n'était pas orienté vers un projet social ou vers une vision globale des luttes syndicales. Cette lacune était le résultat, entre autres, de l'absence d'une élite politique et syndicale pouvant encadrer et canaliser le mouvement vers des objectifs à portée politico-structurelle. Toutefois ces événements et la dynamique qu'ils avaient déclenchée aboutirent à l'émergence de plusieurs partis politiques et de syndicats dit «autonomes». Même si rien ne nous confirme que des tentatives de création de syndicats indépendants de l'UGTA n'ont pas été tentées avant cette date, il semble que c'est au cours de ce vaste mouvement de grèves de 1988 et 1989, que vont naître les premiers noyaux du syndicalisme dit autonome en Algérie. C'était surtout sous forme de «comités» ayant encadré les nombreuses protestations au sein des entreprises publiques durant cette époque qu'il a fait son apparition. Mais c'est ailleurs, tel que nous allons le voir plus loin, qu'il allait s'installer. Généralement, ces comités s'étaient formés en se démarquant, chaque fois que les conditions le permettaient, des instances habituelles de l'UGTA. Mais, cela n'a pas toujours été le cas. Ont pris part à ces comités, de nombreux travailleurs, parfois des activistes, choisis soit en dehors des syndicalistes de l'UGTA, soit parmi ceux-ci, quand ils ont gardé la confiance de leurs collègues. Parfois, ils étaient des anciens syndicalistes «écartés» ou ayant quitté de leur propre initiative les instances officielles de l'UGTA. Parmi ces comités, nous citons à titre d'exemple, ceux des complexes sidérurgique d'El-Hadjar et pétrochimique d'ARZEW où les délégués syndicaux donnèrent naissance, soutient Chikhi, à la première intersyndicale autonome, la COSYFOP (S. Chikhi, ibid., p.14). En vertu des dispositions d'une loi promulguée en 1990, après l'adoption de la nouvelle Constitution en février 1989, beaucoup de syndicats non affiliés à l'UGTA ont été créés. Parmi eux, le Syndicat national autonome des personnels de l'administration publique (SNAPAP). Mais le principal rival de l'UGTA au début des années 1990 fut le Syndicat Islamique du Travail (SIT), organisation créée et contrôlée par des militants du Front Islamique du Salut (FIS). Parallèlement, l'UGTA tient son huitième congrès au mois de juin 1990. Pour ne pas provoquer la cassure de l'organisation et pour faire face aux pressions provenant aussi bien des concurrents extérieurs que des contestataires à l'intérieur, l'UGTA se trouva dans l'obligation de rompre quelque peu avec les attitudes contractées du temps où elle n'était qu'un officine du parti unique (S. Chikhi, ibid., p.14). Elle adopta de nouveaux statuts où est déclarée sa transformation en «un syndicat revendicatif autonome» du Parti et de l'Etat. Mais en réalité, cela ne va pas se concrétiser dans les faits. Au contraire, la dépendance de l'UGTA par rapport aux gouvernements allait continuer de manière un peu différente mais tout aussi forte et constante. 4. Le mouvement syndical à l'heure actuelle Pour mieux rendre compte de la situation actuelle du syndicalisme en Algérie, nous pensons qu'il serait judicieux de distinguer entre l'UGTA d'une part, et l'ensemble des syndicats dits «autonomes», d'autre part, tant leurs objectifs, leurs stratégies, leurs acteurs et leurs rapports avec le pouvoir sont différents. 4.1. L'UGTA: du «syndicat unique» au «partenaire syndical unique(5)» Comme nous l'avons déjà rappelé, force est de constater que l'UGTA, à l'instar des autres organisations dites de «masses», a toujours été instrumentalisée par les gouvernements successifs pour contrôler le monde du travail et prévenir les conflits dans le cadre des choix politiques adoptés par les pouvoirs publics. Mais, au lendemain du séisme politique d'Octobre 1988 et l'émergence de partis politiques et de syndicats autonomes, la donne a quelque peu changé. En effet, l'UGTA, même après avoir déclaré l'acceptation du pluralisme syndical, ne semble pas avoir vraiment voulu renoncer à son statut de «syndicat unique». Ainsi, d'une enquête publiée en 1994, il ressortit que 54 % des membres de son Conseil national s'étaient clairement prononcés contre le pluralisme syndical (A. Djabbi, 1994, p.13). Jusqu'à l'heure actuelle, sa position à ce sujet reste ambiguë. Pour s'en convaincre, il suffit par exemple de se référer aux déclarations de l'actuel premier responsable de l'UGTA. Il aurait déclaré au mois de mars de cette année n'avoir aucune «animosité» à l'endroit des autres syndicats (Le Quotidien d'Oran 24/3/2008). Or, au mois de juillet dernier, concernant ces mêmes syndicats, il aurait précisé «ne pas les reconnaître» (Le Quotidien d'Oran du 14/7/2008). Mais il faut rappeler que c'est à travers le rôle joué pour contrecarrer le SIT que l'UGTA a semble-t-il retrouvé son ancienne ligne de conduite. Cela a débuté par la «grève nationale» des 12 et 13 juin 1990 à laquelle elle a appelé. Bien que des revendications professionnelles aient été soulevées, personne n'ignorait que l'enjeu était politique : empêcher le SIT d'investir le monde du travail et priver ainsi le FIS d'un moyen dont il se serait servi dans sa lutte pour le pouvoir. Après la dissolution du FIS et du SIT, au lendemain de l'arrêt du processus électoral en janvier 1992 et l'apparition de la violence et les actes terroristes, l'UGTA s'engagea entièrement dans la vie politique et la lutte anti-terroriste. Mais, aujourd'hui, alors que la situation sur les plans sécuritaire et politique a nettement changé, face aux nombreux syndicats autonomes, engagés pour la plupart dans la voie de la revendication, l'UGTA semble bien continuer à adopter une position souvent «pacifiste». Mais rendre compte de l'activité de l'UGTA impose nécessairement la distinction entre deux niveaux au moins, celui des cellules de base d'une part, et celui des instances dirigeantes, d'autre part. En effet, la distinction entre ces deux niveaux repose, à notre avis, sur les divergences existants entre les logiques d'action de l'un et l'autre niveau. Ainsi, si les tendances que nous avons appelé pacifistes semblent généralement l'emporter vis-à-vis des politiques gouvernementales, au sein des instances dirigeantes, au niveau des cellules de base, les syndicats affiliés à l'UGTA ne semblent pas abandonner les attitudes et actions revendicatives chaque fois que la situation l'exige et le permet. Toutefois, même à ce niveau, les positions des organes centraux ont tendance à limiter les actions des militants des unités économiques et administratives. Néanmoins, cette appréciation reste schématique, car dégager des traits communs pouvant caractériser le profil type des syndicats de base UGTA n'est pas une tâche facile tant les secteurs auxquels ils appartiennent sont différents et les situations dans lesquelles ils activent variées. Toutefois, nous pouvons tenter de cerner les principales tendances qui semblent à nos yeux marquer à l'heure actuelle l'activité des unités de base se trouvant essentiellement dans les entreprises et administrations du secteur public. Ainsi, il est d'abord à constater que c'est la conduite revendicative : en matière de salaires et d'amélioration des conditions de travail qui est privilégiée, notamment dans quelques entreprises publiques rentables où ayant les moyens qui leur permettent de procéder à ces améliorations. C'est le cas entre autres de Sonatrach, des banques, des compagnie d'assurances, etc. Mais dans les nombreuses entreprises «défaillantes», les syndicats UGTA sont engagés dans une autre voie. C'est celle qui consiste à oeuvrer à la «réussite» de la privatisation éventuelle de ces unités à laquelle ce syndicat s'était d'abord opposé mais qu'il a finalement plus ou moins acceptée selon les circonstances et les cas. Il s'agit notamment de la préservation des emplois ou bien, si la privatisation doit être précédée par une compression d'effectifs, de négocier les conditions de départ tel qu'il a été le cas pour le complexe sidérurgique d'El-Hadjar. Réussir la privatisation veut également dire, pour les syndicats d'entreprises concernées, que celles-ci ne soient pas «bradées». Autrement dit, quelles soient cédées dans la transparence et qu'elles ne s'effectuent pas dans l'opacité ou dans le cadre du «gré à gré» tant redouté par les syndicats. Tel avait été le cas, par exemple, pour les unités d'Asmidal d'Annaba et d'Arzew. En tout cas, et comme l'a rappelé N. Djabi, L'UGTA «préfère avoir pour partenaire L'Etat-patron(6)», et l'une de ses caractéristiques essentielles est incontestablement sa quasi-inexistence dans le secteur privé. Mais cela est, à vrai dire, valable pour tout le mouvement syndical algérien. C'est dans ce contexte qu'il faut placer les récentes déclarations du secrétaire général de l'UGTA qui s'est réjoui du fait que l'Etat a décidé de garder désormais 51 % des capitaux des entreprises concernées par le processus de la privatisation(7). En fait, cette option est une des conséquences de l'amélioration des recettes publiques engendrée par l'augmentation des prix du pétrole dans les marchés internationaux avant les récentes chutes provoquées par la crise économique du système capitaliste. 4.2. Les syndicats «autonomes» Nous avons rappelé plus haut que les premiers noyaux, ou plus exactement les événements ayant donné l'idée de la création des syndicats autonomes sous leur forme actuelle, sont nés pendant le mouvement protestataire dont les entreprises ont été le théâtre au lendemain des émeutes d'Octobre 1988. Nous avons également noté que le Syndicat islamique du Travail (SIT), principal rival de l'UGTA, au début des années 1990, a été dissout quelque temps après l'annulation des élections législatives de décembre 1991. Mais, beaucoup d'autres syndicats ont été également créés et continuent aujourd'hui encore à peser tant bien que mal sur la scène syndicale dans des conditions très difficiles pour eux. Parmi les organisations qui marquent le plus le paysage syndical en Algérie à l'heure actuelle nous pouvons citer : le Syndicat national automne du Personnel de l'Administration publique (SNAPAP) que nous avons déjà évoqué, le Conseil national des Enseignants du Supérieur (CNES), le Syndicat national des Officiers de la Marine marchande (SNOMMAR), le Syndicat des pilotes de lignes, le Syndicat des praticiens de la Santé publique, le Syndicat autonome des Paramédicaux (SAP), le Conseil National Autonome des Professeurs de l'Enseignement secondaire et technique (CNAPEST), le Syndicat national algérien des psychologues (SNAPSY) et bien d'autres organisations syndicales. L'essentiel de ces syndicats se sont répartis entre deux sortes de Centrales temporaires à savoir l'Intersyndicale et la Coordination syndicale. Quel que soit le poids réel et le degré de représentativité de ces entités qui sont, en tout cas, différents selon l'une ou l'autre organisation, il est à remarquer notamment à ce sujet que ces syndicats regroupent dans l'ensemble une main-d'oeuvre particulière. Ils concernent des personnels du secteur public possédant de hauts niveaux d'instruction et de formation professionnelle. Ce sont entre autres, des médecins, des pilotes, des enseignants du supérieur et du secondaire, des cadres et agents de l'administration, des officiers de la marine marchande, des techniciens de la santé, des psychologues, des magistrats, etc. En outre, ces syndicats activent le plus souvent dans un contexte très hostile. Il n'est pas rare, par exemple, de voir leurs cadres suspendus de leur emploi ou poursuivis devant les tribunaux. Leurs appels à la grève et autres formes de protestation sont de plus en plus déclarés «illégaux». Mais ces entraves et cette répression ne semblent pas décourager les militants et adhérents de ces organisations même si elles ont tendance à créer des scissions au sein des ces syndicats et des affrontements entre les militants sur les attitudes à adopter vis-à-vis de telle ou telle situation donnant ainsi naissance aux deux camps éternels : les «radicaux» d'une part et les «modérés» de l'autre. De par l'ampleur et parfois la radicalité de leurs protestations, les couches impliquées dans ce mouvement syndical semblent exprimer un mécontentement très fort et une ferme volonté d'améliorer leurs conditions de travail et de vie et réhabiliter leur statut dont la détérioration a été, tout au long de ces années de crise et de réformes, des plus fortes. Ces couches se distinguent également par leur tendance à vouloir s'organiser librement dans des syndicats indépendants, parfois de s'entraider dans les moments difficiles, à oeuvrer inlassablement, tout en étant conscients de leurs conditions, des enjeux qui sous-tendent leurs luttes, à l'instauration d'un pluralisme syndical réel. Cela nous amène à déduire que le mouvement syndical autonome est un mouvement essentiellement issu de ces couches dites « moyennes » dont la détérioration est considérée comme l'une des caractéristiques fondamentales de la société algérienne de ces dernières années. Ces couches d' «intellectuels - techniciens» semblent désormais engagées dans un pénible mouvement de protestation dont l'enjeu dépasserait le domaine strictement socioprofessionnel, car c'est de la place et du statut de ces couches dans la structure sociale qu'il s'agit. Vu sous cet angle, ce mouvement se rapprocherait peut-être de celui évoqué par le sociologue français A. Touraine, où «les syndicats semblent remplacer dans beaucoup de domaines les partis politiques» (A. Touraine, 1974, p. 153) quand ils se transforment en des acteurs de changement sociopolitique. Or, dans une de ses interventions, le Chef du gouvernement a déclaré devant les députés de l'Assemblée populaire nationale (APN), en date du 25 mai 2005, que l'UGTA était un «syndicat dont nous sommes fiers et qui revendique un million d'adhérents». En revanche, à propos du CNAPEST, Syndicat des enseignants du secondaire non agréé à cette époque, il dit «le droit syndical doit se faire tout en respectant les lois de la République. Celui qui se réveille le matin et décide de déposer un préavis de grève de 15 jours sera sanctionné »(8). Ces propos résument peut-être bien la position des pouvoirs publics, ou du moins certains d'entre eux, vis-à-vis de l'UGTA d'une part, et des autres syndicats d'autre part. Cette attitude gouvernementale, qui ne semble pas avoir évolué, ne manque pas de soulever des questions chez les observateurs de la vie syndicale de notre pays. S'agirait-il d'une conduite tactique exigée de temps à autre par les circonstances de la gestion politique du pays ? Ou bien, cela révèlerait-il une volonté d'une remise en question réelle et durable de la liberté d'exercice syndical dont avait bénéficié le monde du travail au lendemain des violentes manifestations populaires d'Octobre 1988 et son institutionnalisation dans la Constitution de 1989 ? La marginalisation, par les pouvoirs publics, des syndicats dits «autonomes» et l'association de la seule UGTA aux différentes négociations sociales à caractère national semble étayer la deuxième option. En tout cas, les syndicats autonomes semblent bien continuer à oeuvrer pour l'aboutissement de leurs revendications parfois avec une détermination qui aurait surpris les observateurs, notamment chez des catégories connues habituellement par leur comportement pacifique comme les enseignants. En réalité, l'engagement de ces acteurs précis dans la protestation sociale est loin d'être une caractéristique nationale. En effet, si l'on se réfère par exemple aux propos du sociologue G. Groux, ce fort engagement et cette détermination semblent être une caractéristique du mouvement protestataire actuel. «A bien des égards, disait-il, le monde des enseignants incarne aujourd'hui en France, au sein des «cols blancs», un pôle éminent de radicalité (...). Les enseignants sont parmi toutes les CSP(9), ceux qui récusent le plus souvent les valeurs libérales». Et Groux de continuer «Très favorables à la grève (...) ils constituent (...) l'assise sociale la plus achevée de la «culture contestataire» (G. Groux, 2001, p.312). D'autre part, si nous apprenons à maintes reprises par le biais de la presse(10) que chez nos voisins, en Tunisie, pays apparemment épargné jusque-là par les grèves, que des enseignants avaient observé plusieurs arrêts de travail à caractère revendicatif, nous sommes conduits à penser que la thèse de Groux ne semble pas valable pour un pays industrialisé seulement, mais aussi pour d'autres pays tels que les pays maghrébins même s'il est encore trop tôt pour pouvoir en tirer des conclusions valables. Mais nous estimons en revanche, qu'au vu de ce qui précède, nous sommes autorisés à prétendre qu'il est possible de dire que le mouvement syndical algérien, à l'heure où nous en sommes, peut se caractériser par trois spécificités au moins. D'abord, et en dépit des changements survenus au niveau de la reconnaissance du pluralisme syndical, ce dernier reste plus un souhait qu'une réalité vu les conditions pour le moins hostiles dans lesquelles activent les syndicats non affiliés à l'UGTA. Deuxièmement, ce sont les couches moyennes, constituées par les «intellectuels-techniciens» du secteur public qui mènent le mouvement syndical autonome pour la reconnaissance du pluralisme syndical certes mais peut-être aussi pour la reconnaissance de la compétence et les aptitudes scientifiques et techniques comme critères de mérite matériel et symbolique dans la société. Enfin, il est clairement établi que le syndicalisme algérien est encore un syndicalisme du secteur public. Il est quasiment absent du secteur privé national qui prend de plus en plus d'importance dans la vie économique et sociale du pays. En effet, si l'emploi dans ce secteur est actuellement de l'ordre de 60 à 65 %, comme l'a déclaré un observateur avisé tel que N. Djabi(11), nous sommes amenés à nous demander sur les répercussions de cette absence sur les conditions de travail des milliers de travailleurs et travailleuses de ce secteur. * Université d'Annaba 1- Et ce depuis les corporations de métiers de l'époque Ottomanne. Pour plus d'informations à ce sujet, voir A. Mérad-Boudia, La Formation sociale algérienne : essai d'analyse théorique, OPU, Alger, 1981. 2- Dans une interview publiée dans Le Quotidien d'Oran du 1er Novembre 2008. 3- Dans sa préface au livre de N. Benallègue-Chaouia, op. cit. 4- Toujours dans sa préface au livre de N. Benallègue-Chaouia, op. cit. 5- Nous empruntons cette expression à M.SAADOUN journaliste du Quotidien d'Oran. 6- Voir El Watan du 28-29/3/2008. 7- Voir Le Quotidien d'Oran du 14/7/2008. 8- Voir El-Watan du 26/05/2005. p.3. 9- Catégories socioprofessionnelles. 10- Voir Quotidien d'Oran 31/05/2005. p.24. 11- El-Watan du 28-29/3/2008. Références bibliographiques : -Addi L., 1990, L'impasse du populisme, Alger, ENAD. -Addi L., 2002, Sociologie et anthropologie chez Pierre BOURDIEU. Le paradigme anthropologique kabyle et ses conséquences théoriques, Paris, la découverte. -Chikhi S., 1994, «Questions ouvrières et rapports sociaux en Algérie», NAQD, N°6, pp.3-19. -Djabbi N., 1994, «Contribution à la sociologie de l'élite Syndicales algérien : le cas de l'U.G.T.A.» (en arabe), NAQD, N° 6, pp. 3-22. -Djabi N., 2005, K. Lakhdar. Une histoire du syndicalisme algérien. Entretiens, Alger, Chihab éd. -Djaghloul A., 1986, Huit études sur l'Algérie, Alger, ENAL. -Groux G., 2001, «Des classes moyennes aux nouvelles classes», Cadres, la grande rupture (sous la direction de Paul BOUFFARTIGUE), Paris, la découverte. pp. 305-313. -Kaddache M. et GUENNACHE M., 1984, l'Etoile Nord Africaine, Alger, OPU. -Lamchichi A., 1991, l'Algérie en crise, Paris, l'HARMATTAN. -Mérad-Boudia A., 1981, La Formation sociale algérienne : essai d'analyse théorique, OPU, Alger. -N. Benallègue-Chaouia, 2005, Algérie. Mouvement ouvrier et question nationale 1919-1954, Alger, OPU. -Quandt, W. B., 1999, Société et pouvoir en Algérie. La décennie des ruptures, Alger, Casbah-éd. -Touraine A., 1974, Pour la sociologie, Paris, éd. du seuil. |
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