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Une
entreprise d'assurance vient de lancer un nouveau produit: assurance contre les
émeutes pour les particuliers. L'émeute fait donc partie, désormais, des
produits algériens fabriqués localement et destinés à la large consommation.
L'émeute fait aussi partie du climat et de ses caprices : comme l'inondation,
le séisme, la sécheresse. C'est aussi une sorte d'institution comme l'APC,
l'APW ou les deux chambres. La preuve, une émeute est un acte du peuple (comme
des élections), les émeutiers sont reçus par les walis, comme on reçoit des
représentants, l'Etat y répond avec de la semoule ou des logements, avec un
budget désormais distinct, comme on répond à des réclamations du peuple. Il existe
même des budgets spécial émeute, c'est-à-dire spécial réfections. D'un côté, le
Pouvoir prépare des élections, vote lui-même pour lui-même, se communique des
chiffres de participations ou se serre lui-même dans ses bras pour se féliciter
des résultats ou féliciter son propre candidat ; de l'autre, le peuple « émeute
», finit par dégager des émeutiers représentants de l'émeute, obtient des
résultats ou des promesses, puis reprend sa vie. Parfois, il y a des
dépassements : dans les chiffres de participations ou dans les coups de
matraque, mais, dans l'ensemble, les rôles sont campés. Il y a deux mondes dans
un seul pays ou deux pays dont l'un n'existe plus ou un monde qui sépare deux
mondes. C'est selon. Il y aussi des chiffres : de plus en plus d'émeutes (plus
de 11 000 en 2010), de plus en plus de policiers, de plus en plus d'argent pour
les policiers et de plus en plus d'argent pour répondre aux émeutes. Les deux
parties ayant compris deux choses : il vaut mieux faire une émeute que de voter
(le peuple) ; il vaut mieux gaver un peuple que l'écouter. Entre les deux, le
Pouvoir ne veut personne qui puisse sublimer l'émeute en révolution ou réduire
la dictature à une démocratie. C'est donc la nouvelle technique qu'ont les
dictatures pour justifier leur « offre de barrage » face aux Occidentaux :
transformer leurs peuples en peuples sauvages et affamés que la matraque
ordonne et que la semoule désarçonne.
Le chroniqueur se souvient de l'une des ruses employées par Barberousse après sa débâcle face au Royaume de Tlemcen, il y a des siècles : à la tête d'une armée vaincue et en fuite vers Alger, Barberousse a donné l'ordre de disperser, le long de son retrait, l'or des coffres et les bijoux à dessein de ralentir ses poursuivants et de les? disperser. On peut donc raconter la même histoire en remplaçant l'or par le sucre. Reste cependant un dernier souci : la démographie. Le peuple se reproduit même pendant l'émeute. Un jour, son chiffre dépassera le chiffre des électeurs fictifs et il finira par manger Alger et les autres capitales « arabes ». Que faire ? Gérer les quotas : laisser une partie du peuple prendre la chaloupe, acheter une autre partie, recruter une partie comme agents ou policiers, laisser s'entretuer une partie montée contre une autre partie, dire à une partie qu'elle est la partie préférée pour l'immobiliser dans la cupidité, frapper une partie pendant que l'autre partie regarde, expliquer qu'une partie a médit d'une autre partie et ne veut pas d'elle dans l'avenir, encourager une partie à aller à la mosquée et n'en sortir que pour égorger les moutons de l'Aïd, et faire croire à l'autre partie que le seul moyen de compléter un salaire de misère, c'est d'aller au Paradis ou de l'attendre. Des parties sont encouragées à l'exil, d'autres au fatalisme intellectuel et d'autres encore à demander un lot de terrain là où elles ont droit à un pays. A la fin, malgré son nombre, le Peuple reste un chiffre isolé dans une addition qui l'enjambe. L'émeute sert à prouver qu'il n'existe pas. |
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