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Pour un wali élu
par Ahmed Saifi Benziane
 On l'appelle
«mouvement dans le corps des walis», opération qui consiste à déplacer certains
d'entre eux d'un chef-lieu à un autre, à promouvoir des secrétaires généraux à
une fonction plus importante, de mettre à la retraite les atteints par l'âge, à
faire appeler certains à d'autres tâches ou à mettre fin aux fonctions des
derniers. Dans ce mouvement certains ne bougent pas pour des considérations
dépendant des programmes qu'ils doivent finir. Une sorte de mouvement
inamovible pour ceux-là. Un wali comme tout le monde le sait, est un personnage
incontournable qui préside à la destinée d'un territoire géographiquement
délimité par des frontières, occupé par une population catégorisable selon le
nombre, la pyramide des âges, le mode de vie, les facteurs culturels et
historiques, le degré ainsi que les formes de contestation. Un wali dispose des
moyens que l'Etat central met à sa disposition pour mettre en œuvre sa
politique. Wilaya pouvant se traduire par Etat, le wali serait par déduction un
chef d'Etat. Un petit chef d'Etat modèle réduit vu d'en haut.
Vu d'en bas à travers son pouvoir local il
est sollicité à des cérémonies, courtisé pour les portes qu'il peut ouvrir,
craint en l'absence d'un code communal sérieux, aimé ou honni selon l'usage
qu'il fait du populisme, de son style vestimentaire et le ton de sa voix. Le
ton de la voix est très important à ce poste. Le wali fonctionne dans la
légalité mais pas dans la légitimité. Dans la légalité il répartit les ressources
allouées sous formes de budgets à des projets de développement selon des
priorités, ou alors il met sous le coude certains autres, il veille au maintien
de l'ordre ou crée le désordre. C'est ainsi que certains walis laissent de bons
souvenirs aux populations ou de mauvais après leurs passages dans cette
fonction. Il se crée ainsi une bourse des walis. Ceux dont la nomination
annonce l'espoir et ceux qui ne sont pas les bienvenus compte tenu des
catastrophes qu'ils laissent après leurs départs ailleurs. C'est ce qui
explique cette rotation tant attendue appelée « mouvement dans le corps des
walis », qui s'étend actuellement à d'autres corps comme la justice, les chefs
de daïras, et les directions de l'exécutif. La gouvernance trouve ainsi un
nouveau souffle en faisant tourner des fonctionnaires comme dans un manège.
Mais la question qui reste en suspens consiste à savoir comment on devient
wali. Si l'on considère cette question du point de vue de la formation de base,
on sait que l'ENA fournit des promotions qui sont appelées à occuper les
rouages de l'Etat, dans sa dynamique de gestion des deniers publics, en rapport
avec les attentes des populations. Il est évident que tous les énarques ne sont
pas walis, l'accession à ce poste étant l'aboutissement de longues années
d'expérience dans l'administration. Certains énarques sont dirigés vers la
diplomatie, d'autres vers le fisc et d'autres encore moins chanceux, vers les
collectivités locales ou autres services publics. Ce n'est donc pas le fait de
l'ENA qui permet cette ascension vers les cimes de ce petit Etat qu'est la
wilaya. Ce n'est pas aussi la longue présence dans les services publics qui le
permet. Par ailleurs, on sait que tous les walis ont un rapprochement familial,
d'alliance conjugale ou tribale avec « quelqu'un là-haut » parmi ceux qui ont
l'influence suffisante pour les « aider » dans cette promotion. D'ailleurs ne
dit-on pas que tel wali a derrière lui untel ou un tel autre ? Ce fait n'est
pas étonnant si l'on considère que toutes les nominations aux postes supérieurs
de l'Etat passent par un chemin où la compétence et le diplôme ne sont pas les
seuls critères. Le critère déterminant est bien celui de la famille au sens
large et parfois sicilien. Et s'il y a une réforme à faire c'est bien celle qui
repositionne le sens de ce poste dont le synonyme veut dire en langage
populaire « Saint homme ». Le choix de la dénomination n'est pas fortuit et la
confusion doit être évitée. Un wali au sens populaire ne dispose ni d'appareil
répressif, ni de moyens démesurés et encore moins des moyens de l'Etat. Il gère
la communauté avec sa seule autorité morale puisée dans sa bonne connaissance
des préceptes religieux et sa conduite exemplaire. Il gère par une légitimité
qui lui doit de se faire appeler sidi. Le wali de l'administration tel que
défini par les textes législatifs gère par le pouvoir de sa seule signature.
S'il y a une autre réforme à faire c'est aussi celle qui prédétermine la
gouvernance d'une région par la légitimité. Pourquoi, en effet, un wali ne
serait pas élu ? Certains pourront y voir le début d'une sorte de fédéralisme,
mot qui convient très peu aux unionistes qui veulent conserver un pays grand
comme plusieurs fois certains pays d'Europe dans un mode de gestion inamovible
et centralisé. La peur d'effriter un pays l'emporte sur une nouvelle vision
plus adaptée et plus efficace des réalités nationales. Le seul fait d'en parler
pourrait entraîner les foudres de ceux qui trouvent leurs comptes dans cette
gestion « passes à l'autre » qui a fait tellement de dégâts. On pourrait
appeler cela la régionalisation qui a donné ses fruits ailleurs, mais le fond
reste le même. Le problème avec le mode actuel de gestion c'est qu'il n'y a
aucun contrôle possible quant à la gestion d'un wali et ce ne sont pas les
hémicycles locaux qui vont émettre des contestations ou réclamer des comptes se
rendant par cela complices d'abus. Un wali élu sur la base d'un programme peut
nommer à son tour un gouvernement local contrôlé par une assemblée locale. Cela
se fait ailleurs et ce n'est point en opérant de la sorte que des pays se sont
effrités. Au contraire. C'est même dans ce mode de gouvernance qu'ils sont
devenus plus forts encore. Il est vrai que l'Etat central y perd ses plumes et
son pouvoir de nuisance. Mais puisque nous avons tout essayé, le socialisme, le
libéralisme, essayons autre chose tant que l'argent est disponible.
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