
Où s'arrêtera
cette crise de la zone euro? C'est désormais la question que se posent tous les
analystes tenus au fait de la profondeur de l'impasse européenne actuelle !
L'Europe se réveille soudain sous un choc économique des plus dévastateurs qui
soit de son histoire, même de loin, le plus grand en intensité que le
cataclysme de 1929 (rappelons bien ici que ce dernier fut en partie derrière le
déclenchement de la seconde guerre mondiale 1939-1945)! S'il est une conclusion
à en tirer en tout cas, c'est que le capitalisme financier, et indirectement le
libéralisme ont atteint leurs limites, du moins en théorie. A en croire
l'économiste franco-égyptien Samir Amin, ceux-ci ne sont valables que pour une
durée très limitée dans le temps, ne dépassant pas une quarantaine d'années !
Car, ils ne forment qu'un château de cartes qui, dès le moindre coup dur,
s'effondre et mène dans sa chute, effet dominos oblige, à l'agonie de tout le
système économique mondial ! Bien évidemment, depuis 2007 les symptômes
d'anémie ne trompent pas! Lourds de conséquences, ils se dessinent en filigrane
d'abord avec la faillite de Lehman Brothers par des taux de croissance qui
baissent, un chômage de plus en plus en crue, des politiques d'austérité qui
creusent le fossé de la pauvreté dans les segments sociaux et une grogne
populaire qui allait crescendo! Suite à quoi, l'Espagne et le Portugal battent
de l'aile, l'Italie est en constant bouillonnement, le Chypre en liquidation,
la France serre sa ceinture, l'Allemagne se met dans une logique de précaution,
une ligne plus défensive de la souveraineté et du protectionnisme national
qu'offensive, c'est-à-dire, une démarche qui va à l'encontre du sens de la
construction ou de la consolidation du processus européen. Sans doute, le
passage de l'économie industrielle prospère des trente glorieuses (1945-1975) à
une économie des services n'est pas là pour arranger les choses, les pays
européens se sont désindustrialisés à fond et dirigés droit vers des économies
plus «soft» (maintenance, sous-traitance, technologie de pointe) et moins
génératrices de main-d'œuvre, et partant de richesses !
Le malheur, c'est
qu'ils ne veulent plus aujourd'hui affronter la réalité du terrain en recourant
à la technique de l'inflation, le seul atout resté encore possible à leur
disposition pour la résorption de leurs dettes de peur d'en être mis au pied du
mur, c'est-à-dire, être face à des insurrections populaires d'envergure
comparables à celles que venait de voir le monde Arabe mais de tout un autre
point de vue (économique celui-là) ! Mais où va l'Europe avec cette politique
«bohémienne» du jour le jour ? L'union européenne résistera-t-elle à
l'implosion interne entre notamment «le tandem franco-allemand» et à
l'explosion externe au milieu de grands ensembles économiques plus compétitifs?
Puisse-t-elle faire face par exemple au saut qualitatif des pays émergents du
B.R.I.C.S et surtout à l'influence du marché transatlantique? Riens n'est moins
sûr quand on sent bien que cette crise qui perdure depuis 2008 n'enregistre
jusque-là aucun bémol, bien plus, elle enfonce le vieux continent dans la
tourmente! Précurseur et visionnaire, l'ex-chancelier allemand Gerhard Schröder
s'est mis pourtant dès le début des années 2000 à redresser la barre par une
politique économique ambitieuse dont le mot d'ordre «anglo-saxon» dans l'esprit
est «compétitivité» que ses voisins français n'ont guère pu imprégner à leur
machine économique à la traîne même après une dizaine d'années du lancement du
projet germanique! Ces derniers préfèrent sauvegarder en revanche un modèle
social qui, bien qu'ils leur donne l'exemplarité aux yeux des couches sociales
moyennes, les accable du retard sur le plan des perspectives de croissance à
long terme! Bref, l'Europe souffre, semble-t-il, de beaucoup d'apories sans
qu'elle sache pourquoi ni s'il fallait continuer sur ce rythme, s'en défaire ou
en adopter carrément un autre ! Serait-ce l'éclipse finale d'un monde qui rêve
et l'avènement d'un autre qui déchante? Le capitalisme est-il cette supercherie
qui noie ses proies dans un mirage du confort, et, dans les lambris dorés des
crédits et des banques pour finir dans le cauchemar des dettes et des
hypothèques? En vérité, s'il fut un mérite posthume au résistant français
Stéphane Hessel (1917-2013) autrement dirais-je plus «humain» et mille fois
très bénéfique aux générations humaines futures que «la dynamite» d'un certain
Alfred Nobel (1833-1896) dont «le prix de repentance» s'octroie selon des
critères à la fois ambigus et partiaux, c'est qu'il a fabriqué le terme
«s'indigner», une de ces «inventions angéliques» qui donne le vertige aux
richissimes banquiers et à tous ces vendeurs de chimères lesquels, se prévalant
de «leurs inventions diaboliques», gagnent par un simple clic d'ordinateur des
bonus de milliards d'euros, l'équivalent de salaire de centaines d'ouvriers
d'une usine, sur des milliers de pauvres, de malheureux et d'insolvables à vie
! En Grèce pour n'en prendre que celle-là comme échantillon du désastre
capitaliste, le mois d'été d'habitude réservé au farniente, à la détente et à
la relaxation n'est pas de tout repos pour les autorités. Athènes est une
nouvelle fois au cœur d'un cyclone.
Pour cause,
l'économie de ce pays-là ne se joue pas uniquement dans les bourses, les plans
de sauvetages concoctés de toutes pièces, les agences de notation sur le
qui-vive, le syndrome du triple «AAA» qui tâte selon les humeurs les pouls
d'une économie pis que pendre, la zone euro et ses turbulences, la commission
européenne et ses oukases mais curieusement sur ses plages, oui ses plages, ses
plages! Pour rembourser une partie de sa dette qui s'élève maintenant à plus de
300 milliards d'euros, le gouvernement grec a mis aux enchères la beauté de sa
nature : ses îles et ses plages, 110 terrains sont proposés par Taiped, le
fonds grec chargé de l'exploitation des biens de l'Etat crée en 2011 et presque
22 milliards d'euros sont attendus en retour, déjà à cette occasion-là
plusieurs dizaines de parcelles sont écoulées dans cette nouvelle brocante
florissante pour la somme rondelette de 1.8 milliards d'euros. En conséquence,
une ruée générale, presque «hystérique» des investisseurs russes et américains,
des entrepreneurs locaux et étrangers pour solder ce trésor naturel
méditerranéen se fait observer. La localité de Nea Iraklia distante de 40 km de
Thessalonique a par exemple permis aux autorités helléniques d'empocher 2
millions d'euros en mai dernier. Le fonds new-yorkais N.C.H capital a, lui,
acquis un terrain sur l'île de Corfou pour 23 millions d'euros sur lequel il
compte investir pas moins de 75 millions d'euros en infrastructures
touristiques, de même, deux investisseurs ont acheté les plages d'Agios
Ioannis, à 100 kilomètres de Thessalonique pour près de 10 millions d'euros !
L'Etat, lui, s'efface, se retire, se meurt doucement mais sûrement, ce n'est
qu'une question de temps. Pour le moment, cette privatisation des plages n'a
provoqué que le courroux de quelques associations environnementales qui ont
préparé une pétition de 200 000 signatures présentée dernièrement au
gouvernement alors que des foyers de tensions commencent à éclater ça et là,
redoutant le bétonnage massif de la côte, ce qui mettra en péril les maisons
traditionnelles alentour, la faune, la flore, la nature et l'environnement. Le
mouvement «littoral zéro» à Athènes craint même la construction d'îles
artificielles sur le modèle du Dubaï, ce mini-Etat désertique, antidémocratique
et misogyne inspire partout car l'argent n'a pas d'odeur ni de couleur. Or, le
capitalisme c'est l'argent devenu roi, terrible! C'est pourquoi, le monde des
arts n'en est pas resté indifférent, l'acteur Agis Emmanouil s'est impliqué
dans cette noble cause en faisant un voyage de 240 km pour sensibiliser les
consciences sur le danger de ce bradage environnemental à ciel ouvert. Or,
l'Etat temporise et s'en défend en assurant qu'il n'est plus question de vente
définitive de son littoral mais d'une concession de 50 à 99 ans et qu'après
cette durée, il s'en appropriera de jure et de facto. Bref, voilà les
conséquences qui surviennent lorsque l'homme cesse de penser en humain en
quantifiant tout avec sa petite calculatrice de « capitaliste » !