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Suite et fin
En comptabilité environnementale, les principes comptables traditionnels restent donc applicables et il s'agit, pour le professionnel comptable, de recenser les coûts environnementaux déjà engagés ou à engager, compte tenu de la Législation en vigueur. Peuvent également s'y ajouter ceux qu'il faudrait engager si la législation devenait plus contraignante : cette dernière catégorie de coûts ne relève pas de la comptabilité traditionnelle ; elle est du seul ressort de la comptabilité environnementale et correspond à une valeur ajoutée négative. Le calcul de cette valeur revient à quantifier et évaluer la consommation gratuite de patrimoine naturel puis à retrancher cette consommation de la valeur ajoutée produite. Comme en comptabilité de gestion, tous les entrants et les sortants sont recensés au cours d'un processus de production, mais seuls sont recensés les éléments susceptibles d'avoir des répercussions sur l'environnement, à savoir la consommation d'énergie, les déchets, les rejets de polluants dans l'air, l'eau, les sols. Ainsi, la comptabilité environnementale met à la disposition des entreprises huit techniques que nous énumérerons : 1. les comptes verts permettent de mettre en valeur en comptabilité financière les dépenses et les risques liés à l'environnement ; 2. la nature et le mode de calcul des provisions pour risques et charges liés à l'environnement peuvent être précisés dans des rubriques vertes dans les annexes du bilan ; 3. la budgétisation et le suivi des dépenses vertes se traduisent par la mise en oeuvre d'une procédure budgétaire dédiée aux investissements et consommations liés à l'environnement ; 4. le rapport annuel d'activité peut être l'occasion de présenter des informations sur la politique et les performances environnementales ; 5. la technique de la valeur ajoutée négative consiste à évaluer les consommations de patrimoine naturel pour calculer un résultat prenant en compte l'impact environnemental ; 6. le tableau de bord vert organise de façon synthétique et pour un usage interne les principaux indicateurs environnementaux significatifs de l'activité ; 7. le rapport environnement sert à diffuser auprès des parties prenantes des informations sur la politique environnementale, les objectifs, les efforts réalisés et les résultats obtenus ; 8. l'écobilan permet d'évaluer l'impact environnemental d'un produit tout au long de son cycle de vie : conception, fabrication, utilisation et fin de vie. En attribuant une évaluation concrète à des éléments naturels, la comptabilité environnementale met à jour une réalité souvent occultée : dans son activité de production, l'entreprise utilise des res nullius difficilement quantifïables et évaluables mais qui ont néanmoins un coût social en termes de raréfaction et de dégradation. La mise en oeuvre de la comptabilité environnementale suppose, outre une compétence des chiffres, un savoir-faire presque scientifique qui ne relève pas des attributions traditionnelles du professionnel comptable afin d'évaluer les dépenses environnementales. Cette notion de « dépense environnementale » sera néanmoins contingente, car elle dépend des objectifs poursuivis par la société qui les met en œuvre. Des organisations comptables ont émis une recommandation qui permet de préciser le sens de ce concept et ses incidences comptables et qui propose une liste des informations à produire en annexe aux comptes. Reste posé le problème des coûts mixtes, c'est-à-dire des dépenses engagées avec plusieurs objectifs, l'objectif de sauvegarde de l'environnement n'étant qu'un objectif parmi d'autres. L'absence de critères objectifs pour déterminer si une opération a un caractère environnemental rend les comparaisons d'une entreprise à une autre très délicates, voire impossibles. B. - Les difficultés du diagnostic environnemental Les outils traditionnels d'évaluation sont généralement inadaptés au domaine environnemental. Le professionnel de la comptabilité devra composer avec des méthodes et des principes conçus pour rendre compte de la valeur financière d'une entité ; la durabilité est une notion inconnue dans le vocabulaire comptable et le diagnostic environnemental soulève d'indéniables difficultés. Ainsi, faudra-t-il distinguer, en matière d'investissement environnemental, entre les investissements de dépollution et les investissements antipollution. Réaliser un investissement de dépollution revient à ajouter un élément à un matériel existant déjà ; la pollution reste la même pendant le processus de production mais elle se trouve éliminée en fin de circuit. En revanche, les investissements antipollution impliquent de repenser l'ensemble du processus de production, de manière à éviter l'émission de polluants en cours de production. Si l'évaluation d'un investissement de dépollution est relativement aisée, celle d'un investissement antipollution est bien plus délicate. Le professionnel comptable pourra retenir la différence entre le coût de remplacement de l'installation ancienne à l'identique et le prix du nouvel investissement ; mais cette méthode n'est possible que si les modifications apportées à l'installation ne concernent que l'environnement. Le développement durable constitue un nouveau marché pour les professionnels du chiffre .L'autre difficulté en ce domaine tient à l'écoulement du temps car la valorisation des coûts environnementaux peut se heurter à un horizon économique trop lointain : les provisions environnementales porteront souvent sur des risques ou des charges venant à échéance dans une perspective trentenaire. Les incertitudes relatives à l'évolution de la technologie, aux prix des matières premières et au changement de législation rendent de telles évaluations encore moins. Enfin, il est fort probable que la mission d'évaluation de l'expert-comptable se trouve entravée par l'absence de marché : la plupart des ressources naturelles, mis à part le dioxyde de carbone, ne fait actuellement pas l'objet d'un échange marchand. L'absence de prix de marché rend problématique le calcul du coût de leur utilisation ou de leur reconstitution en cas de dégradation. S'il ne faut pas le mésestimer, cet écueil n'est néanmoins pas dirimant. Comme l'a montré la doctrine, des mécanismes de marché destinés à évaluer et à chiffrer la biodiversité sont en train de voir le jour : en France la Caisse des dépôts a mis en place en juillet 2006 une mission Biodiversité, afin d'utiliser la compensation comme fondement d'un mécanisme marchand pour atteindre la neutralité écologique. Cette mission vise à financer la biodiversité, en attribuant des unités de mesure dites « unités de biodiversité » à des éléments jusqu'à présent hors marché ; ces unités de biodiversité sont destinées à être revendues aux maîtres d'ouvrages devant compenser les impacts résiduels de leurs projets. Le mécanisme de compensation permettrait alors d'élaborer des méthodes d'équivalences écologiques et d'attribuer une valeur à la biodiversité en évaluant et en mesurant ses composantes. Par ailleurs, il faut également faire mention du travail de proposition que mènent les professionnels pour améliorer le diagnostic environnemental. Les grands cabinets comptables se sont emparés du concept de développement durable car les entreprises impliquées dans le marché des permis d'émission de gaz à effet de serre sont tenues d'en fournir une information dans leurs états fmanciers. Plus généralement, le développement durable constitue un nouveau marché pour les professionnels du chiffre ; la Fédération des experts comptables européens (FEE) s'est lancée, en faveur du développement durable, dans une stratégie politique qui a donné lieu à diverses prises de position. La FEE considère qu'une évolution est indispensable pour aborder les questions de responsabilité en matière de développement durable ayant un impact sur les objectifs de l'entreprise et ses autres activités. Le débat est particulièrement vif s'agissant des émissions de CO2 car la demande croissante d'informations sur les émissions de carbone par les utilisateurs de rapports sociaux n'est satisfaite qu'en partie. Les émissions de CO2 ne font pas encore l'objet de normes comptables internationales harmonisées. Les régulateurs comptables internationaux ont un rôle essentiel à jouer dans l'élaboration de ces normes, dans un domaine où l'information est encore fragmentée, ce qui rend très délicate une comparaison et une évaluation sérieuse des entreprises. Le développement durable incite à changer de paradigme ; les acteurs de la comptabilité en ont pleine conscience. La doctrine américaine a relevé, il y a déjà plus de quinze ans, qu'en ce domaine « le changement est essentiel » car la comptabilité est un système qui reflète la théorie économique et changer les ressorts de l'économie suppose d'abord de changer ceux de la comptabilité. |
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