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L'affaire de
corruption qui a éclaboussé l'entreprise Sonelgaz, à Oran, en fin du mois de
Ramadhan, ayant trait en substance à un trafic de compteurs d'abonnés,
impliquant des employés d'une entreprise de sous-traitance agréée par cette
compagnie publique, était jeudi devant le tribunal correctionnel d'Oran.
Sur le banc des accusés, trois agents d'une entreprise privée spécialisée dans les travaux publics et l'électricité, opérant comme sous-traitant agréé par la Sonelgaz, poursuivis pour «corruption et trafic d'influence». Deux autres complices, un chauffeur de taxi, depuis sa mise en retraite par les services de la Sonelgaz d'Oran, ainsi qu'un «intermédiaire», comparaissaient détenus aux côtés des trois accusés principaux. Cette affaire, telle que déballée dans le prétoire en tout cas, a mis à nu quelques tares extrêmement graves dans l'un des maillons sensibles du circuit de fonctionnement de Sonelgaz, à savoir les tâches qui se rapportent au compteur de consommation (installation, réinstallation ou changement de compteurs, relevés de compteurs, coupure de courant pour non-paiement de facture, etc.). Elle a en même temps mis en exergue les inconvénients de cette gestion indirecte (sous-traitance). Genèse de l'affaire: le 6 septembre dernier, la brigade de la Gendarmerie nationale de Bir El-Djir enregistre une plainte d'un citoyen résidant dans le lot 14 de cette localité pour tentative de corruption et trafic d'influence contre cinq personnes. Selon sa déposition, le 4 septembre, aux environs de 15h, quatre personnes venues à bord d'un taxi se sont présentées à lui pour procéder à la coupure du courant alimentant son domicile au motif de non-paiement d'une facture de consommation d'un montant de 70.000 DA. Après une petite discussion chaude, ils ont proposé un marché: réduire la note de moitié contre un pot-de-vin de 35.000 DA. Et «ni vu ni connu.» Les gendarmes en informent le parquet, qui leur ordonne de continuer normalement le jeu. Une souricière est mise au point. Le client a feint d'accepter la transaction; suite à quoi les électriciens sont revenus le lendemain à bord du même taxi, malle arrière remplie d'appareillage électrique, toujours selon la version du plaignant. L'ancien compteur de l'abonné, qui indiquait une énergie consommée de 20.000 kilowattheures (KWh), est enlevé et remplacé par un autre compteur, déjà utilisé, indiquant seulement 3.600 unités. Le lendemain, l'intermédiaire entre les agents de la Sonelgaz et l'abonné est venu récupérer l'argent du service rendu. Il a été cueilli par les gendarmes dans la maison de la victime, les 25.000 DA en poche, soit 25 billets de 1.000 DA préalablement photocopiés. Les trois agents seront identifiés par le plaignant à partir de leurs photos de dossiers présentées par le centre de Sonelgaz-USTO. Auditionné, le sous-traitant a confirmé que ces agents travaillaient chez lui. Mais il a indiqué qu'ils ne l'étaient plus, du fait qu'il les avait déjà renvoyés. Or, curieusement, la date de suspension de deux des trois employés a coïncidé avec le jour même du début des faits, le 2 septembre. De quoi apporter de l'eau au moulin de celui qui s'est montré le plus fervent des avocats de la défense, Maître Belhadri Houari, qui s'est étonné de ce «coup de hasard», d'autant plus bizarre que les deux employés n'étaient pas eux-mêmes au fait de leur suspension et qu'aucune passation de consignes n'avait été faite conformément aux règles d'usage, notamment pour restituer la quarantaine de compteurs qui étaient en leur possession. Un autre fait qui a été relevé par Me Belhadri: « elon l'accord présumé entre l'abonné et les agents de la Sonelgaz, le premier devait remettre 35.000 DA à l'autre partie en contrepartie de la diminution de moitié de la facture de 70.000 DA. Donc, le client devait alors remettre 35.000 DA comme pot-de-vin aux électriciens, et 35.000 DA à la caisse de la Sonelgaz correspondant à la consommation qui était affichée dans le nouveau compteur installé, soit un total de 70.000 DA ! Où est donc le dividende qu'aurait tiré l'abonné au bout de ce long et tortueux chemin ?». Le même avocat a jeté un pavé dans la mare en s'insurgeant contre «la multiplication des affaires de délit provoqué de nos jours, dont le cas présent en est un», lâchant au passage: «si j'étais au lieu et à la place du représentant du ministère public, j'aurais attaqué la partie civile pour délit provoqué.» Et le représentant du ministère public, le vrai cette fois, de requérir 5 ans d'emprisonnement contre les accusés. Le verdict a été mis en délibéré pour jeudi prochain. |
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