|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Olé ! Le football
n'est pas toujours injuste. L'équipe d'Espagne de football est championne du
monde et c'est tant mieux. Imaginez un peu ce qu'auraient ressenti des millions
de spectateurs si d'aventure les joueurs des Pays-Bas avaient remporté la
finale de dimanche dernier. On aurait hurlé au scandale, au hold-up, à la
réussite du crime et du vice. Dans le même temps, des commentateurs cyniques
nous auraient expliqué que seule la victoire compte et qu'importe la manière.
Et moi-même, je vous aurais infligé une chronique où je me serais interrogé sur
l'intérêt de suivre la Coupe du monde si elle consacre à chaque fois des
équipes qui ne méritent pas le titre à l'image de l'Italie en 2006.
On espérait un beau match, ce fut une guerre des tranchées, une bataille de rue et ce n'est pas la faute de la «Roja» qui a essayé de jouer son (beau) jeu et de construire. A l'inverse, les Néerlandais se sont comportés comme des voyous et des brutes. Ils sont entrés sur le terrain avec la ferme intention de «jouer la casse» pour reprendre une vieille expression que l'on n'entend pratiquement plus. Leurs intentions étaient évidentes dès les premières minutes : cogner pour intimider voire pour blesser. Cogner pour faire douter, pour faire déjouer, pour énerver et pour faire sortir de ses gonds et se prendre un carton rouge (un piège dans lequel est tombé le Brésil). Et cela a failli payer en raison de l'indulgence coupable de l'arbitre qui aurait dû sortir le carton rouge à deux reprises au moins. C'est miracle s'il n'y a pas eu de blessé grave chez les Espagnols. Le comportement des joueurs néerlandais est une honte pour un football hollandais qui a tout de même écrit de belles pages de l'histoire du ballon rond. Mais Van Bommel n'est pas Neeskens, Sneijder n'est pas Johan Cruyff ni même Gulitt pas plus que Van Persie n'est Van Basten. Dans ses déclarations d'après la finale, Sa Majesté Johan Ier - référence footballistique numéro une pour l'auteur de ces lignes - n'a d'ailleurs pas mâché ses mots. Il a fustigé «l'anti-football» des «Oranje» et leur jeu «lamentable, sale, triste, laid, hermétique, dur et vulgaire». Tout est dit, il n'y a pas lieu d'insister? Durant les qualifications pour le mondial, la formation entraînée par Bert van Marwijk avait pourtant gagné tous ses matchs et offert régulièrement du beau spectacle. Mais sa mentalité a changé dès son arrivée en Afrique du Sud. «Au diable le beau jeu, il faut gagner à n'importe quel prix» semblait être la devise de cette équipe qui voulait effacer les deux finales perdues en 1974 et 1978. Et c'est l'une des clés qui permet de mieux comprendre le comportement des Néerlandais durant la soirée du 11 juillet 2010. Ces deux défaites de leurs talentueux aînés, traumatisantes en leur temps, pesaient sur les épaules des joueurs hollandais. Elles les ont poussées à croire qu'il leur fallait absolument vaincre quitte à ce que cela se fasse sans la manière. Leur erreur, stupide, a été de croire qu'ils pouvaient devenir champions du monde en abandonnant l'identité de leur jeu. Cela n'a pas marché et ce n'est que justice. Les Espagnols, eux, n'ont jamais abandonné l'idée de continuer à jouer comme ils l'ont toujours fait au cours de ces dernières années. Possession du ballon, passes courtes, déviations, dribbles et jeu en profondeur : quel est le Méditerranéen qui ne s'est pas senti représenté par cette équipe ? C'est une belle leçon que vient de nous donner la «Roja». Elle nous montre que rester fidèle à son identité de jeu est le meilleur moyen de gagner des titres. Ce devrait être, je sais que je me répète, l'engagement premier de tout entraîneur ou de tout postulant qui souhaiterait prendre les rênes d'une équipe nationale. La victoire espagnole nous montre aussi qu'il n'y a pas d'équipe nationale forte sans championnat fort. Et il n'y a pas de championnat fort en l'absence de centres de formation et de politiques de repérages des jeunes talents. Faire croire que l'on peut s'affranchir de ces exigences est une imposture. Si la France a été championne du monde en 1998, c'est parce qu'elle possède des centres de formation qui tournent à plein régime. Si la «Roja» est devenue ce qu'elle est aujourd'hui, c'est parce qu'il y a les centres de formation du Real de Madrid et, surtout, celui du FC Barcelone. Parmi les joueurs espagnols qui ont soulevé le trophée dimanche soir, il y en avait un grand nombre qui avait déjà gagné des trophées dans des compétitions réservées aux moins de vingt ans (Xavi, Iniesta, Torres,?). Le football n'est donc pas qu'une simple histoire de fric. C'est aussi l'école du long terme et de la croyance dans les vertus de la formation. C'est pourquoi je réitère ce que j'ai déjà écrit à propos de l'élimination de l'équipe algérienne de football : ceux qui nous affirment qu'il suffit d'aller chercher des joueurs expatriés ? aussi fiers soient ces derniers de porter le maillot vert - pour renouer avec la victoire en Coupe d'Afrique et garantir de bons parcours en Coupe du monde font fausse route. Mais laissons-là ces considérations. L'Espagne est championne du monde. L'accueil madrilène fait aux champions a été impressionnant. Quelle ferveur ! Quelle joie ! Seul le football est capable aujourd'hui de générer une telle allégresse. Viva España ! Son peuple, ses régions ont la chance de vivre un moment unique. On ne peut que leur souhaiter que cela se reproduise avec cette magnifique «Roja» au jeu si agréable et dont la jeunesse de l'effectif laisse deviner que d'autres lignes seront inscrites à son palmarès. En attendant, la Coupe du monde est terminée et il est un peu dur de se dire qu'il va falloir attendre quatre ans pour le prochain mondial... |
|