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Suite et fin
Selon ce même responsable, la saisie aurait atteint 9 et 38 tonnes, respectivement en 2006 et en 2008. En 2009 on avait atteint le pic des 75 tonnes. Sans aborder la question des drogues dures et de synthèse qui pour le moment paraissent insignifiantes, rien que pour le cannabis cette évolution inquiétante appelle à une urgente intensification des moyens d'action. En avril 2010, M. Sayah qui n'a jamais tenté d'édulcorer ses mises en garde, avait annoncé sur les ondes de la Chaîne III de la radio nationale : «Nous ne sommes pas à l'abri d'une catastrophe si nous ne prenons pas les choses à temps.» Toutes les études sociologiques situent l'irréversible et cuisante construction de l'échec dans notre laxisme et l'inadéquation de nos panacées. Tant que notre jeunesse circonscrit ses inclinations qu'à la consommation du cannabis, il y aura toujours un espoir de recoller les morceaux. Mis à part les cas de poly-consommation qui ne sont pas dépourvus de risques irréversibles, le danger extrême que personne ne souhaite reste par excellence l'éventuelle émergence sur le territoire national de drogues dures, drogues de synthèse et circulation impromptue de précurseurs chimiques. Selon les estimations de l'UNDOC «la fabrication des amphétamines a été signalée dans plus de 60 pays, leur nombre augmente d'année en année. Les changements de lieu de production des pays développés vers les pays en développement, illustre la manière dont les organisations criminelles peuvent utiliser les pays plus vulnérables. S'adonnant à des opérations d'une ampleur et d'une sophistication autrefois inimaginables, les intérêts de ces groupes criminels organisés continuent d'émerger.»(15) Ce que nous considérons aujourd'hui, en abordant le problème des drogues dures, comme un phénomène de moindre ampleur confiné dans des milieux huppés, finira inéluctablement par se démocratiser comme toute chose. La disponibilité et la profusion du produit gagnera la plèbe. Il y a lieu en l'occurrence de saluer tous les efforts entrepris au début de cette année par l'Etat algérien en direction des pays du Sahel afin de les sensibiliser aux multiples dangers que représentent le terrorisme et la drogue sur la sécurité de toute la région et particulièrement vis-à-vis du Maghreb. Quant aux précurseurs chimiques, nous devons sans cesse faire preuve d'extrême vigilance quant aux moindres prodromes de cette énième calamité. Au début de cette année, le directeur exécutif de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Unodc), a exprimé ses inquiétudes face à cette menace rampante : «La découverte d'importantes quantités de drogue synthétique et de précurseurs en Guinée (Conakry) l'été dernier est de mauvais augure, car elle indique que l'Afrique de l'Ouest n'est nullement une région de transit, mais devient un lieu de production.» On ne cessera jamais assez de rappeler que cette forme sournoise de criminalité finira toujours par se métastaser. Si nous avions maintes fois prouvé lamentablement notre impréparation à contrôler rigoureusement tous les flux commerciaux inhérents à cette terrible mondialisation du commerce, on doit se préparer à régenter de manière drastique la moindre trituration de ces ingrédients de malheur et s'assurer du caractère licite de leur usage. Tout ce qu'on peut savoir actuellement sur le phénomène de la toxicomanie en Algérie, c'est que le pays souffre cruellement d'infrastructures hospitalières. Le gouvernement algérien a pourtant assez tôt songé à mettre en place une politique visant à traiter ce phénomène dans sa globalité et notamment à travers deux PDN (plans directeurs national de Prévention et de Lutte contre la Drogue (2003-2009/2009- 2013). Aucune donnée officielle ne peut rendre compte de cette situation alarmante. Il faut seulement espérer que les résultats de l'Enquête Epidémiologique Nationale et globale sur la prévalence de la drogue en Algérie prévus pour les semaines à venir puissent, avec une extrême et incontestable fiabilité, faire le diagnostic de ce phénomène. En attendant, Il est fort déconseillé de recourir à ces enquêtes partielles et incomplètes qui pullulent ça et là, sans prétention à l'exhaustivité et souvent inexactes, celles-ci desservent grandement les efforts des institutions officielles à identifier ce mal dans sa profondeur. Prétendre avancer des chiffres exacts serait pour le moins ridicule. Lors d'un colloque à Tizi-Ouzou, en février 2010 le docteur A.Messaoudi de l'Hôpital Psychiatrique de Oued-Aïssi aurait affirmé en se référant à des données puisées auprès de l'ONLCDT elle-même, qu'en 2008 pas moins de 45% des lycéens dont 8% seraient des filles, auraient consommé de la drogue (le journal l'Expression-20/2/2010) Ce spécialiste parlait-il de la jeunesse de Tizi-Ouzou, d'une région précise ou de l'ensemble du pays. Apparemment lorsqu'un événement de la suite est médiatisé, c'est-à-dire couvert par une quelconque presse écrite, qui parmi nous irait contester les déclarations d'un psychiatre. Seulement voilà, le patron antidrogue algérien ne semble pas de cet avis et dément catégoriquement (sur les colonnes du même journal L'Expression du 28/02/2010) les chiffres avancés par ce docteur. Ces situations fantaisistes ont tendance à discréditer ultérieurement d'autres investigations d'où qu'elles puissent venir. Cela ne veut en aucun cas dire, que les chiffres sont nettement en deçà. La situation est réellement alarmante, néanmoins rien ne nous autorise (qui que nous soyons, personnes privées ou organismes étatiques) à traiter une question aussi sérieuse par le truchement de spéculations et de conjectures stériles. On peut supposer qu'effectivement, il n'y a pratiquement pas un quartier en Algérie qui soit à l'abri de ce fléau. Combien sommes-nous à y succomber, quels sont le profil et l'âge de ces adeptes à la résine et autres poisons, la durée continue ou alternative pendant laquelle ces jeunes fument, sniffent ou se shootent, ça personne ne peut vous le dire. Le cannabis, quant à lui, reste une drogue assez étrange qui s'accorde parfaitement avec notre personnalité relativement borderline. Beaucoup de gens fument du haschich ou absorbent régulièrement des psychotropes sans présenter le moindre symptôme alarmant et mènent une vie complètement normale pendant des années, personnes paisibles et discrètes, d'honnêtes travailleurs, cette catégorie peu encline aux confidences constitue toujours un pourcentage qui rétrécit la pertinence des nos statistiques. Partout dans le monde, le trafic de drogue arrive à gangréner tous les secteurs, même celui des institutions chargées de le combattre. En Afghanistan, une étude menée conjointement entre la Banque mondiale et les Nations unies avaient mis en évidence la collusion qui existe entre le trafic de drogue et certaines personnalités du Staff Politique, notamment au sein du ministère de l'Intérieur lui-même.(16) Au Maroc, depuis longtemps, drogue rimait avec concubinage entre barons et commis de l'Etat : «Deux parlementaires, un président d'une chambre de Commerce et de l'Industrie et une vingtaine de hauts responsables auraient été interdits de quitter le territoire national. On voit bien que la lutte contre le trafic de drogue n'est pas uniquement une nécessité morale, mais, fondamentalement, un double impératif politique et stratégique.»(17) Suite à ce scandale, le Roi a été contraint d'entamer une véritable purge au sein de l'appareil de l'Etat et notamment l'arrestation du directeur de la Sécurité des palais royaux ainsi que plusieurs autres responsables de la police, de la gendarmerie et des forces auxiliaires. En Algérie, la presse a fait état de nombreuses affaires très floues comme toujours et qui mettraient en cause tout un paquet de responsables.(18) Récemment, M. A.SAYAH, directeur algérien de la lutte antidrogue a affirmé : «Les barons sont intouchables, ils sont dilués dans la société. Ce sont des importateurs, des entrepreneurs, etc... Les neutraliser c'est évident, mais encore faut-il les identifier.» En Afrique, la situation est, sans commune mesure, encore pus délétère. Les grands cartels d'Amérique Latine solidement et durablement implantés affaiblissent dangereusement l'ensemble des institutions et transforment la région en véritable jungle et où l'Etat n'est devenu qu'un fétu de paille. Les Paradoxes meurtriers d'un combat douteux Depuis une décennie des experts de tous horizons ont mis à notre disposition toute une anthologie sur le caractère transversal, transnational de la drogue et du terrorisme, du danger éminent et imminent que représentaient ces alliances criminelles transnationales sur la paix dans le monde, néanmoins cela ne semblait pas inquiéter ou mobiliser outre mesure des nations atomisées et repliées sur elles-mêmes et qui avaient jusqu'à présent accordé peu d'intérêt à ces nombreuses mises en garde. Chaque pays appliquait la célèbre devise de notre sage Djeha : «Takhti Rassi Ouetfoutt» Malheureusement, face à ce laxisme impressionnant, le crime, lui, évoluait à une cadence inquiétante. Aujourd'hui chaque pays est conscient que la sécurité intérieure ne se conçoit plus en intimité et à l'échelle nationale mais bel et bien dans un cadre régional, continental, global. Tout ce qui se passe chez le voisin d'en face ou du dessous risque inéluctablement de nous affecter. La sécurité de chacun passe désormais par la sécurité de tous et vice-versa. Dans un rapport établi en 2001, la Commission européenne (Office de Coopération Europaid ) citée précédemment avait déjà fait le tour de cette question, abordant de manière assez explicite et complète les causes de ces crises et les mesures à prendre dans la gestion des confits armés qui embrasent certaines régions du globe. Le rapport fait justement référence au rôle du trafic de drogue comme facteur d'instabilité dans ces régions là, et cite : «La prévention des conflits doit être intégrée dans les programmes de coopération, car les conflits violents sont rarement spontanés, mais l'aboutissement d'un processus graduel de détérioration.» En février 2010, Le Conseil de sécurité de l'ONU fait aussi référence à ces menaces transversales à la paix et à la sécurité internationale. Le Conseil manifeste son inquiétude à la situation qui prévaut de manière générale, et «a noté avec préoccupation les liens étroits existants entre le terrorisme international et la criminalité transnationale organisée, la drogue illicite, le blanchiment d'argent, le trafic d'armes et le transfert illégal de matières nucléaires, chimiques, biologiques et autres présentant un danger mortel». Quant à la paix et à la sécurité en Afrique «Le Conseil note avec inquiétude les graves menaces que le trafic de drogue et la criminalité transnationale organisée connexe font parfois peser sur la sécurité internationale dans différentes régions du monde, notamment l'Afrique.» On peut aisément mobiliser les moyens qui permettent à tous de gérer la transversalité, la transnationalité de ces phénomènes lorsqu'il s'agit d'appréhender, de neutraliser des entités visibles, physiques et matérielles ( drogue, armes, criminels, conflits?) mais il n'y aura jamais assez de volonté pour empêcher les narcodollars de circuler dans l'opacité la plus absolue à travers les institutions financières du monde ou de se recycler dans les activités économiques les plus ordinaires et parfois même les plus salutaires pour les économies moribondes de certains pays ou certaines multinationales. Pour autant qu'elles soient entièrement vraies ( systématiquement corroborées par des enquêtes minutieuses, ce qui est relativement peu aisée), certaines déclarations qu'elles soient tenues par le directeur de l'ONDUC qui ne parle jamais à la légère ou pensées tout bas par bon nombre de personnes augurent d'une situation exacerbée et inextricable et très grave. Ce haut responsable pense être sur de pouvoir affirmer que «les profits de la criminalité organisée ont été la seule source de liquidités pour certaines banques au bord de la faillite, et que dans de nombreux cas l'argent de la drogue a été la seule source de liquidités disponibles pour un système bancaire mondial dont le principal problème était justement pendant les années écoulées le manque de liquidités.»(19) Qui a dit que le ridicule n'avait jamais tué personne ? Les narcotrafiquants profitent de l'immoralité du monde dans lequel nous vivons, les industries et les activités économiques les plus honorables de cet Occident meurtri et outré ne prospèrent qu'au prix de dommages insoupçonnables perpétrés à l'encontre d'un environnement planétaire qui est notre patrimoine à tous : l'exploitation démesurée des ressources naturelles jusqu'à épuisement, l'engendrement de catastrophes écologiques, la participation à l'extinction prématurée d'une quantité considérable d'espèces animales, tous ces comportements dangereux et égoïstes finiront inéluctablement par menacer jusqu'à l'espèce humaine. Non content d'avoir polluer indéfiniment mers et océans, d'avoir enfoui et pulvérisé tous azimuts des produits hautement toxiques pour tout ce qui est vivant, on s'est mis assidument à la déforestation massive, irréversible et extrêmement dangereuse pour la planète, d'abord en Amazonie et maintenant en Indonésie pour quelques planches de bois ou quelques tablettes de chocolat.(20) On ne peut continuer à condamner et diaboliser la narco-économie lorsque l'autre économie, celle qui est la plus policée et constitutionnellement établie, promet de nous achever bien avant. Sécurité énergétique oblige, on peut même se targuer d'avoir carrément alimenté ou créé de toutes pièces des guerres et des conflits interminables juste pour pomper de maudits carburants et autres formes d'énergie utiles à un rythme de vie occidental voluptueux. Qu'est-ce que le crime, le blâmable? Notre généalogie des valeurs, étriquée et débilitante ne cessera jamais de nous jouer de mauvais tours. La faim touche presque 1 milliard de personnes dans le monde. Environ 24.000 personnes en meurent chaque jour, soit une toutes les quatre secondes, pendant qu'ailleurs, l'obésité en décime des centaines de milliers chaque année. Elle est vraiment belle l'humanité ! On y crève tout aussi bien de famine que d'opulence. En 2006, James Morris, directeur exécutif du PAM (Programme Alimentaire Mondial ) avait interpellé le Congrès américain en soulignant le côté tragicomique de la situation :«Environ 18 000 enfants mourront de faim et de malnutrition aujourd'hui. Ce n'est pas facile à réaliser pour des gens aux Etats-Unis ou en Europe. Mais d'ici un mois, il y aura plus d'enfants qui seront morts de faim qu'il n'y a d'habitants à Washington. Pourtant il n'y a ni gros titre, ni tollé. Au lieu de cela, ces enfants pauvres et oubliés meurent discrètement dans des pays comme le Guatemala, le Bangladesh et la Zambie - loin de nos yeux. Cela ne devrait pas arriver: nous avons tous les outils nécessaires pour en finir avec la faim.» 5 Millions de personnes meurent chaque année suite aux effets du tabagisme. 600.000 personnes dont les lèvres n'ont jamais pincé un mégot meurent victimes d'un tabagisme passif. Essayons tous de rendre l'humanité moins ridicule. Certains pourraient penser que nous ne faisons que gloser pitoyablement sur un cannabis qui n'a jamais tué personne en ce sens qu'il représente infiniment moins de danger pour la jeunesse africaine que la Méditerranée pour nos harraga. Il est quand même lamentable de faire ce parallèle et dire qu'un joint n'a jamais tué personne, en tout cas jamais autant que ces horribles radeaux de la méduse. Cette plante berce la vie des nos voisins marocains depuis des siècles tandis que nos frères yéménites ne peuvent vivre une seule journée sans ruminer leur kat, et tout le monde exulte. Il y a des pays qui produisent , exportent et vivent d'un pétrole qui a été, à travers la rente considérable et avilissante qu'il génère, une malédiction et une source de luttes intestines féroces faites de complot, de corruption, de gouvernance catastrophique et un frein pour le développement. Il y a d'autres pays qui, à défaut de cette énergie fossile qui fabrique des Etats-Nations factices, exploitent ce qu'ils ont sous la main : un cannabis inépuisable qu'on exporte aussi et qui couvre facture alimentaire et biens d'équipements d'une bonne partie de la population. Evidemment les hydrocarbures, dira-ton, ne représentent pas une menace directe sur la santé des gens. Aujourd'hui, incapables de construire un Maghreb ou une Afrique forts et unis, de grands ensembles politiques, économiques et culturels capables de nous décoloniser réellement vis-à-vis du Nord et surtout vis-à-vis de nous-mêmes, chacun vivote avec le bric-à-brac que notre mère nature a stocké sous ses pieds ou à portée de main. * Enseignant -Mostaganem Notes : (15) Rapport UNDOC2009 (16 )Alain Labrousse «Le Débat stratégique » N°176,100. Décembre 2008). (17) La Gazette du Maroc.18/09/2006 -Abdessamad Mouhieddine, «La valse des salauds» (18) El-Watan du 13/07/2006 «Des divisionnaires de police devant la justice pour trafic de drogue. «El-Watan du 05/10/2006 «Mystérieux silence autour du Pablo Escobar algérien.» El-Watan du 16/10/2006"Ahmed Zendjabil se met à table.» El-Watan du 18/10/2006 «Révélations sur le cartel d'Oran.» El-Watan du 28/10/2006 «Des responsables de la police impliqués dans le trafic de cocaïne.» El-Watan du 25/12/2006 «Narcotrafic à Tlemcen- L'ancien divisionnaire convoqué. (19) De puissantes industries agroalimentaires utilisent l'huile de palme dans la fabrication du Chocolat. Faisant subir aux forets de l'Indonésie une indescriptible déforestation. Les catastrophes écologiques se suivent pour le plus grand bonheur d'un capitalisme inhumain. (20) The Observer , Sunday 13 December- Drug money saved banks in global crisis, claims UN advisor |
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