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T echniquement, et du point de vue d'un satellite soviétique
perdu dans l'espace, ils sont deux Algériens à être dans la difficulté après la
fin de la coupe du monde pour nous : Bouteflika et Saâdane. Les deux doivent
trouver une parade, un système de défense, un pays d'accueil, un moyen de
promettre autre chose ou une explication. Car le peuple est dangereux,
insupportable, ingrat, mange les siens pour se reproduire, glorieux, unique,
debout, tendu, ferme et solidaire. C'est-à-dire un voisin ambivalent auquel on
ne peut se fier pour partager la paix ou le pain.
Depuis une semaine presque, le pays, son peuple et ses puits n'en finissent pas de commenter ce fameux match contre les Américains, de l'analyser jusqu'aux brindilles du gazon, de se le rediffuser par la bouche et l'esprit. Le stade de Pretoria est vide, mais les Algériens ne l'ont pas encore quitté, ils y sont tous, entassés, enfermés, ne voulant pas quitter les gradins pour la routine et lâcher le ballon pour la pastèque de l'été. La capacité d'analyse a été poussée si loin que brusquement, un démocrate mort durant les années 90 peut se réveiller et poser la bonne et inattendue question : pourquoi les Algériens sont-ils incapables d'en faire autant avec le Pouvoir, l'indépendance, le programme de relance, la démocratie ou la confiscation des libertés ? Pourquoi, quand il ne s'agit pas du ballon ou de la mosquée, les Algériens sont mous, émiettés, invertébrés et indifférents comme des arrêts de bus ? Réponse possible : à cause de l'espoir. La mosquée et le ballon donnent de l'espoir, le reste, on le sait depuis la mort de Boumediène, est une affaire de tiroirs, de formulaires, de chiffres et d'ENTV, c'est-à-dire la mort en live de la libido collective. C'est pourquoi, sur la liste des deux hommes supposés en difficulté, entre Bouteflika et Saâdane, c'est Bouteflika qui va s'en sortir ; Saâdane, lui n'a ni armée, ni capacités d'amender la constitution en la tirant par les cheveux, ni «services», ni clans, ni passé officiellement glorieux. Le peuple sait qu'il est aussi désarmé que le peuple et peut donc le critiquer, le laver en public, le manger ou le porter sur les épaules. Pour «l'autre», c'est différent. Malgré les effets spéciaux du premier mandat, on savait presque tout dès le début : il jouait pour lui-même, pas pour nous. La seule ressemblance possible est peut-être dans cette gestion par l'affect : il y a un point commun dans la logique de la nomination des ministres par Bouteflika et le choix «personnel» des joueurs par Saâdane. Ce dernier préférant nommer un joueur «fini» pour le remercier que d'impliquer un joueur performant qu'il ne connaît pas. De même pour Bouteflika : il choisit ses «hommes» en fonction d'un schéma d'émotion et de subjectivité qui étonne encore les chancelleries et les Algériens. Quand un mauvais ministre ou un mauvais joueur est renvoyé ? Pas avant le match, ni pendant, mais après la défaite ou l'échec d'une relance sectorielle. Comment un remaniement d'équipe ou de gouvernement est fait ? Sur pression de l'opinion, dans le chaos, pas comme on s'y attend, entre deux mi-temps, après deux tonnes de rumeurs. Sur quelles bases les noms sont choisis ? La même : contre le vent et sa marée. Y a-t-il un bilan à la fin ? Non, sauf des rumeurs de changement de président ou d'entraîneur (vers les pays du Golfe pour les deux), un Raouraoua pour chacun des deux en cas de révolte des joueurs ou des ministres et des explications qui ne s'adressent à personne. Une différence quand même ? Oui : en 2009, Saâdane a été vraiment élu par le peuple. |
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