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Dans ses
dernières allocutions, le chef d'état-major de l'ANP a décidément levé le voile
sur la forme des «solutions» schématisées par le Haut Commandement de l'Armée
nationale populaire.
En «annonçant la couleur», le général Ahmed Gaid Salah a voulu de prime abord apaiser les inquiétudes qui prédominent les débats politiques en Algérie. Bien qu'elles aient le mérite d'être sans ambages, on doit malgré tout considérer que les appels à l'organisation du dialogue prôné par le chef d'état-major sont foncièrement conceptuels. Certes, le message est limpide, le général de corps d'armée rejette «énergiquement» les processus qui tendent vers une période de transition ou toutes autres démarches similaires, bien au contraire. Selon lui, dans la «perception» du commandement de l'ANP, seule une élection présidentielle serait envisageable dans un futur proche. Mise à part la clarté des intentions au sein du commandement de l'ANP, force est de constater que les messages sont dénués de l'essentiel, à savoir: les mécanismes d'application dans la réalité et sur le terrain «véritablement» investi par le Hirak. Cela étant, il faut comprendre qu'aujourd'hui, Ahmed Gaid Salah jette ostensiblement la balle dans le camp des politiques et «s'en lave les mains». Comme au début de la révolution pacifique, le problème réside toujours dans cet aspect qui est «la représentation politique du Hirak». Certains politiciens sont convaincus que les manifestations hebdomadaires sont administrées par des partis politiques et autres associations ou organisations. Pour les uns, la révolte des Algériens dans la rue n'est nullement spontanée mais soigneusement structurée, pour d'autres, elle serait même hiérarchisée et obéit à des règles soigneusement peaufinées. Quel que soit le «concerto» fait du Hirak par tout un chacun, croire en la fédération des Algériens autour d'une ou de plusieurs organisations politiques est, en vérité, une idée «saugrenue» dont le pays peut s'en passer vu la situation hautement critique dans laquelle nous baignons encore. L'absence de «concrétisation organique» de la volonté populaire nous ramène inexorablement au point de départ de cette «épopée populaire». A vrai dire, nous patinons dans «une noria perpétuelle», sans possibilité de voir le bout du tunnel. Il est vain d'espérer en l'éventualité de voir apparaître un consensus au sein du Hirak pour mandater une ou plusieurs personnalités, beaucoup ont essayé, personne n'a réussi. Cette improbabilité de la concrétisation de la représentation populaire réside dans l'absence manifeste de mécanismes de désignation, à savoir les élections. Les Algériens se retrouvent de plain-pied dans «le paradoxe du barbier», autrement dit: «personne ne peut représenter le peuple sans être élu, en même temps, pas d'élection sans représentants du peuple». Certains politiciens «clairvoyants» préconiseront la tenue d'une conférence nationale qui serait composée de toutes les catégories qui composent le mouvement de contestation. Dans d'autres circonstances et sous d'autres cieux, une conférence nationale aurait été idoine car prolifique en matière de transition, néanmoins, elle requiert un minimum d'organisation de l'opposition politique en amont. Cette mobilisation massive de l'opposition qui constitue un réel «contre-pouvoir» n'a jamais vraiment existé en Algérie bien que certains partis politiques ont essayé de fédérer la contestation contre le régime de Bouteflika, hélas, sans grand succès. De plus, les conférences nationales ou les assemblées constitutionnelles ont démontré leurs faiblesses, l'exemple tunisien est le plus probant. En effet, la Tunisie comptait une réelle classe d'opposition politique, d'une société civile «alerte», en plus d'un syndicat représentatif puissant qui était l'UGTT. Malheureusement, ce pays voisin et frère peine toujours à sortir «la tête de l'eau», et ce malgré tous les efforts consentis. En Algérie, aujourd'hui, aucun parti politique ne peut prétendre prendre part à cette «hypothétique» conférence nationale, cela inclut les «pseudos partis de l'opposition» qui sont, selon l'appréciation de la foule en marche, des complices du système. Seuls quelques-uns des partis avec d'autres figures nationales, qui ont été ouvertement insoumis à l'ancien pouvoir avant février, jouissent, assurément, d'une certaine popularité. Bien qu'il soit impératif de trouver un dénouement à la situation politique, les solutions devront répondre aux «canons» de l'approbation populaire, des solutions qui seront inévitablement portées par des personnes sans «lourds dossiers». Les propositions de «sortie de crise» qui ont été émises par de nombreuses figures nationales ont toutes leur lot de bon sens, la dernière étant celle du Dr Taleb Ibrahimi. Présentement, le problème n'est pas le tarissement des idées et des propositions, pas du tout, il réside dans le fait que les Algériens sont résignés à ne faire confiance à personne. Devant le fait accompli que représente le vide politique dans le pays, l'ANP, qui est résolument aux commandes de l'Etat aujourd'hui, devra, après une large concertation avec des figures nationales «incontestées», prendre l'initiative et inviter ces derniers à composer un panel pour asseoir un véritable organe indépendant de suivi du processus électoral. Le but suprême étant l'élection d'un président de la République qui aura toute la latitude et surtout le pouvoir de faire le ménage dans ce «tohu-bohu» politique. Cette option devra immanquablement comporter certaines mesures malheureusement «antidémocratiques» telles que l'exclusion totale des politiciens ou de toute autre figure ayant contribué à l'instauration du «désert» politico-financier dans lequel le pays est ensablé aujourd'hui. Des mesures «antidémocratiques» d'exclusion qui seront nécessairement justifiées par le fait que les partis politiques qui s'étaient «acoquinés» avec ceux qui ont mené le pays à la dérive pourraient «démocratiquement» s'insinuer dans le système pour, in fine, miner une fois de plus n'importe quel processus viable. La proximité arrogante des partis politiques de la «continuité» avec le régime ne pourront, en aucun cas, séduire les Algériens et en faire leur bouclier, l'exemple de Mme Hanoune est le plus explicite en matière d'absence totale de «base militante» réelle et c'est le cas de pratiquement tous les partis. Cependant, sur les réseaux sociaux, d'innombrables profils sur Facebook s'outragent devant l'arrestation de la chef de file du PT mais sans aucune protestation conséquente dans la rue n'est venue traduire les désapprobations littéraires sur le net. Il est inutile de rappeler que l'arrestation d'une personnalité politique pour «délit d'opinion» est condamnable et n'a plus de place dans l'Algérie que nous espérons demain. Après les évènements du 22 février, beaucoup de nos concitoyens pensaient qu'une opération de nettoyage touchera ces formations politiques conspuées à chaque occasion, le contraire est survenu, avec dans certains cas, le plébiscite d'affairistes «douteux» en tant que nouveaux dirigeants. En vérité, les mastodontes politiques subventionnés par le système, à l'exemple du FLN, RND, HMS avec les autres petits partis «courtisans» du pouvoir tels que le MPA, TAJ, le Front El Moustakbal et le FNA sont aujourd'hui dans la ligne de mire des manifestants. Toute démarche politique qui inclurait ces figures «nationales» controversées est vouée à l'échec. L'exclusion de ces partis de l'alliance présidentielle ne fait pas l'unanimité chez certains observateurs, il est manifeste que ces derniers jours ont apporté leurs lots de contributions savantes et souvent stériles (telle que la mienne, je présume), néanmoins, celle du diplomate Driss Djazairi résume pleinement la déconnexion de notre élite avec la réalité algérienne. Véritablement, ce dernier exhorte le peuple et, par «contrecoup», le commandement de l'ANP, d'éviter l'exclusion générale des politiciens dans les mécanismes futurs en vue d'une «sortie de crise» concrète. M. Driss Djazairi a étayé son argumentaire en faisant une parabole avec ce qui s'est passé en Irak, selon lui, «l'administration américaine, après son invasion de l'Irak il y a dix-huit ans, a décidé d'exclure tous les cadres du pays ayant travaillé de près ou de loin avec le régime de Saddam Hussein». Dans son analyse, l'exclusion US des cadres de la nation irakienne «post-invasion» a provoqué l'effondrement de l'Etat irakien en tant que tel. Ce rapprochement est dissonant et assurément onirique, cela reviendrait selon sa projection à insinuer que l'Armée populaire nationale représente «un envahisseur» dans le contexte politique de l'Algérie présentement. De plus, dans la vision du diplomate algérien, la campagne anticorruption menée au sein de la caste politique serait, par déduction logique de son écrit, une démarche à même de provoquer le «collapsus» de l'Algérie en tant que Nation. Dans sa lettre, sans nommer explicitement l'auteur, Driss Djazairi s'est largement inspiré des quatre vertus de Platon. Les vertus «cardinales» du philosophe antique comprennent: la prudence, la tempérance, la force d'âme et la justice. Malheureusement, même si beaucoup d'Algériens ne le connaissent pas (Driss Djazairi), ce dernier ne semble pas comprendre que lui-même est concerné par l'exclusion populaire en question, pour avoir largement profité des largesses du pouvoir depuis feu Boumediene jusqu'au règne de Bouteflika. Le «dédale» des nominations au sein des représentations algériennes dans les différents pays est un dossier bien trop épineux, et ma foi, secondaire dans la situation actuelle. Néanmoins, il serait important de rappeler à certaines figures du «déclin algérien» dans le concert des nations que la pudeur en politique, diplomatique soit-elle, requiert un minimum de sagesse. Cette sagesse particulière comporte la capacité d'adopter un «profil bas» et espérer que la dernière «vertu cardinale» de Platon ne rattrape pas nos éternels expatriés diplomatiques. Cette vertu est tout simplement: la justice. |
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