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Au cours de ces vingt dernières années, le football professionnel a connu
un développement économique majeur, cette forte croissance économique
coïncidant avec l'entrée de la télévision dans le monde du sport et du football
en particulier, et donc à un très fort accroissement des recettes liées à la
commercialisation des droits de retransmission télévisuelle des compétitions.
Afin de comprendre les enjeux de l'avenir de ce sport inter national, je me propose d'analyser son impact économique sur ce segment longtemps ignoré des économistes comme d'ailleurs l'économie de la musique. Le football face aux dérives financières Avant d'analyser les recettes, il est intéressant de noter que, par dérogation aux normes comptables en vigueur dans les autres secteurs d'activité, les clubs de foot européens peuvent intégrer à l'actif de leur bilan les contrats des joueurs. Ceux-ci représentaient, en 2009, environ 268 millions d'euros, soit 74% du patrimoine des clubs. Cet artifice comptable, qui revient à dire que les clubs «possèdent» leurs salariés par contrat et que les joueurs ne s'appartiennent qu'à moitié. Si leurs contrats de travail peuvent faire l'objet de juteux transferts, ce sont le plus souvent les clubs qui en fixent entre eux les conditions. L'avis du joueur n'est requis que dans un second temps, des clauses contractuelles lui interdisant tout contact avec un autre employeur pendant la durée de son engagement. Dans ce cadre, dans une étude intéressante www.alternatives-economiques.fr/carton-rouge-pour-le-foot-business_fr_art_633_49825.html, la revue «Alternatives Paris France», 9 juin 2010, « Carton rouge pour le foot business » et notamment l'analyse de Thierry Pech « Pourquoi le foot business va droit au mur » soulignent qu' à l'occasion de la Coupe du Monde en Afrique du Sud, pris en étau entre des salaires toujours plus extravagants et un endettement insoutenable, « si quelques-uns ont eu recours au crédit pour investir dans leur stade, la plupart l'ont utilisé pour participer à un marché des transferts transformé en course aux armements. Une fuite en avant à laquelle la crise financière risque de mettre un coup d'arrêt, les investisseurs disponibles pour renflouer les clubs se faisant plus rares. Signe des temps, 14 des 20 clubs de la Premier League anglaise ont fait leur entrée en avril 2010 sur la liste noire de l'agence de notation des risques financiers Riskdisk ». Et certains experts parlent de bulles dans les années à venir après celle de l'immobilier et un modèle économique basé sur l'endettement à outrance, une masse salariale délirante et fiscalement hors du droit commun et des acheteurs de clubs milliardaires fortement affaiblis par la crise, est-il encore tenable ? Et l'on peut légitimement se poser la question de la pérennisation d'un tel système, tant économiquement que moralement. En effet, les citoyens de certains pays vont-ils accepter encore longtemps les dérogations fiscales accordées aux footballeurs ? La «mercenairisation» de joueurs sans identités locales séduira-t-elle toujours les consommateurs supporters et téléspectateurs. Cela a une influence sur les recettes de plusieurs ordres dont je ne citerai que l'essentiel. Les différentes sources de recettes du football - les recettes guichets qui sont restées l'élément essentiel du budget pour la majorité, excepté les grands clubs liés à des contrats de retransmission, expliquant les difficultés financières en cas de diminution des supporters; - les stades sont désormais des hypercomplexes comprenant des restaurants, magasins, produits dérivés et des cinémas, procurant des recettes additionnelles; - les sponsors liés à la publicité des grandes marques, et à ce propos, il serait utile de savoir si les publicités des sociétés sont, du point de vue comptable, des charges déductibles des impôts à payer à l'Etat, donc une publicité gratuite à la charge indirecte de l'Etat ou alors un acte volontaire, c'est-à-dire déduits des profits nets; - des droits radio et télévision - A partir de 1978 et surtout 1984, la publicité, de nouvelles conditions de concurrence avec les chaînes sont désormais établies, ce qui contribue grandement à une hausse exponentielle des coûts des droits de retransmission. Une pareille situation entraîne pour conséquence le gonflement budgétaire des clubs dont l'équilibre financier dépend de plus en plus des droits TV. En 2005-2006, les recettes des vingt clubs de Ligue 1 en France proviennent à 57% des droits de télévision; - le prix des transferts des joueurs, dont certains se chiffrent en millions de dollars; - les produits dérivés : le merchandising représente une source importante de revenus pour certains clubs. Les clubs générant les revenus des clubs tous réunis se chiffrent en dizaines de milliards de dollars, quelquefois plus importants que le chiffre d'affaires de certaines entreprises industrielles ou de services : à titre d'exemple, selon Wikipedia, enquête de 2009, sur un classement des 22 premiers clubs, les recettes globales seraient passées de plus de 3,9 milliards d'euros en 2007 à 3,5 en 2008, assistant à une nette concentration des recettes au profit des grands clubs. Ainsi, les recettes du Real Madrid sont passées, en 2007, de 66 millions d'euros à 401, le FC de Barcelone de 309 à 366, de Manchester Unites de 325 à 327, de Bayer Munich de 295 à 280, de Arsena FC de 264 à 263, de Chelsa FC de 269 à 242, de Liverpool de 211 à 217, de Juventus de 167 à 203, l'Inter Milan de 173 à 147, l'AC Milan de 209 à 196; pour les clubs français en 13ème et 14ème positions, l'Olympique Lyonnais de 156 à 140 et l'Olympique de Marseille de 127 à 133. Comme il ya lieu de souligner l'introduction en Bourse de quelques clubs qui est une évolution récente ne touchant que quelques rares clubs. Cette concentration financière explique qu'à la fin de la saison 2006/2007, 11 clubs anglais, 5 Danois, 4 Turcs, 4 Italiens, 3 Portugais, 2 Français, 1 Écossais, 1 Néerlandais, 1 Suédois et 1 Allemand étaient cotés en Bourse. 3 - Les retombées économiques d'une organisation de la Coupe du Monde Ici existent plusieurs avis divergents, les uns optimistes, les autres donnant une analyse mitigée. Pour les premiers, il existe des retombées positives par trois facteurs majeurs - une augmentation de l'afflux de voyageurs étrangers dans le pays hôte durant la période de la Coupe du Monde bien sûr, mais également durant les mois suivants (et dans une moindre mesure, les années). Ainsi, pour les pays réalisant de bonnes performances, la hausse du moral de la population provoque une stimulation du marché et améliore la productivité du pays. Exemple, l'Argentine depuis 1987, dont chaque crise a été suivie de scores décevants de son équipe, et dont le redressement est suivi de bons résultats. Allant dans le même sens, l'Organisation mondiale du commerce note que dans le domaine du tourisme, l'Angleterre et l'Allemagne ont pu générer une hausse de 9,6% et les analystes de la banque néerlandaise ABN-AMRO soulignant, dans une étude baptisée Soccernomics 2006", que «sans être à ce point puissants qu'ils puissent transformer une récession en boom économique, les effets macroéconomiques et boursiers d'une victoire en finale de Coupe du Monde ne doivent pas être sous-estimés ». Et de noter que, de 1970 à 2002, le pays vainqueur a enregistré en moyenne un surplus de croissance de 0,7%, tandis que le finaliste voyait sa croissance rognée de 0,3% par rapport au taux de l'année précédente. Pour les opinions d'autres experts plus mesurés, il n'existe pas de corrélation et il faut éviter l'euphorie car les performances d'une équipe nationale peuvent varier selon la santé économique du pays. Du côté de la Bourse, une étude menée par des universitaires du Massachusetts Institute of Technology, de l'université de Dartmouth (Etats-Unis) et de l'Ecole de management de Norvège, montre que seules les défaites ont un impact sur les cours de Bourse, les victoires ne se traduisant pas toujours par une hausse. Selon cette étude, un échec fait perdre en moyenne au marché 0,38% au premier tour de la Coupe du Monde, lorsqu'une défaite n'est pas toujours synonyme d'élimination, et 0,49% lors des matches à élimination directe. Une autre étude menée à la Bank of America-Merrill Lynch en 2008 note que de la Suisse, en 1954, à l'Allemagne, en 2006, les pays organisateurs ont en moyenne enregistré, pendant l'année de la compétition, une croissance économique inférieure à leur rythme habituel. Leur PIB augmente en moyenne de 2,3 % lors de l'événement contre 3,1 % en dehors de l'épisode footballistique. Ainsi, les Français ont bien davantage consommé en 2000 qu'en 1998. En 1974, l'Allemagne n'a pas échappé aux effets dévastateurs du choc pétrolier. L'Argentine, en 1978, et le Mexique, en 1986, ont même connu une récession (- 3 % chacun). 4 - La Coupe du Monde et l'Afrique du Sud Il est indéniable que l'Afrique du Sud est un grande puissance économique, étant d'ailleurs classée au niveau des institutions internationales parmi les pays émergents expliquant sa présence au niveau du G20. Mais la question qui se pose est la suivante : la première Coupe du Monde sur le sol africain représente-t-elle une opportunité unique d'instaurer les fondations d'un modèle économique viable pour le football africain ? Si les défis à relever sont nombreux (développement des infrastructures, professionnalisation des clubs, développement de la formation...), Ineum consulting et Euromed Management de janvier 2010 soulignent les atouts du football africain, avant tout la passion populaire pour le sport n°1 du continent, mais aussi la valeur sportive et économique des meilleurs joueurs. Problème, parmi beaucoup d'autres : l'argent du talent profite trop peu aux pays où il a pris racine. «Pour bénéficier véritablement de son intégration au marché international des transferts, le football africain doit absolument construire un modèle économique lui permettant de renforcer son pouvoir de négociation», insistent les auteurs qui prônent une implication des investisseurs privés locaux et extérieurs comme des états ou des mécènes. Les auteurs préconisent «non pas un mais des» modèles de développement qui tiennent compte de situations économiques fortement contrastées. Cette professionnalisation doit également permettre à l'Afrique de conserver ses meilleurs joueurs plus longtemps.» Les nouveaux règlements FIFA, qui ont limité puis interdit (en 2009) la venue de joueurs de moins de 18 ans favorisent toutefois la formation locale. Une chance pour l'Afrique, sauf si, faute de formation de qualité, ses équipes nationales étaient exclusivement composées demain de joueurs... nés en Europe. Dans ce contexte, qu'en est-il des impacts d'une telle rencontre en Afrique du Sud devant distinguer la rentabilité financière à court terme de la rentabilité économique à moyen terme ? Une étude intéressante vient d'être réalisée par l'hebdomadaire français «l'Expansion», sous la plume de Franck Dedieu en date du 01 février 2010, qui montre que l'Afrique du Sud dépenserait 4,3 milliards d'euros depuis 2005, minimum puisque les neufs villes hôtes et les provinces ont fait des dépenses et on ne sait pas si elles sont comptabilisées dans ce montant, qui a consisté à la construction de nouvelles routes, cinq nouveaux stades, rénovations de cinq autres, la modernisation du système de télécommunications et le recrutement de 44.000 agents de police supplémentaires. Au départ des prévisions, le gouvernement sud-africain espérait tirer un profit de 10 milliards en termes de retombées financières et attirer 300.000 étrangers alors qu'ils étaient prévus 450.000. Selon les estimations du ministre des Finances sud-africain, cette rencontre devrait contribuer à un demi-point de croissance en 2010 et plus entre 2011/2013, avec de nouveaux investisseurs, à court terme, les infrastructures où, selon la même source, ayant permis la création de 700.000 emplois directs et indirects. Mais, en réalité, nous avons deux estimations contradictoires : pour l'une, Pretoria dépenserait 30 % de plus que prévu pour ses stades et ses infrastructures, la note devant se monter à 7 milliards d'euros, pour 3,7 milliards de recettes de billetteries ; d'autres estimations donnent environ 3,2 milliards de dollars de recettes dont il conviendrait d'ajouter deux milliards pour les droits audiovisuels, un milliard pour le marketing et 120 millions de dollars pour l'hébergement, soit un total qui ne dépasserait pas 5,3 milliards de dollars et le pays compte sur les devises des touristes pour équilibrer ses budgets, la Fédération internationale de football tablant sur 980 millions d'euros. 5- Conclusion: éviter la dérive financière En résumé, quoi qu'il arrive, il est très difficile, surtout dans le contexte de la crise actuelle, de tirer des conclusions précises sur les conséquences économiques qu'aura la Coupe du Monde 2010 sur l'économie de l'Afrique du Sud, du moins dans le long terme. Sur le plan strictement économique par l'effet de substitution des achats, le surplus de consommation ne profitera pas totalement aux industriels locaux, la moitié des produits achetés pour l'événement étant importés. Comme dit l'adage « dans le fond, le foot ressemble à l'économie ; « une majorité d'individus assiste au spectacle, mais seule une minorité commerçante et industrielle en perçoit les dividendes ». D'une manière générale, sans parler des violences qui commencent à prendre de l'ampleur, le sport est devenu une industrie et, dans ce contexte, ne saurait échapper à la crise internationale à cause de ses nombreux liens avec le marché financier, la simple raison étant que le modèle de recettes sportives est devenu de plus en plus lié au monde des affaires. Pour limiter les dérives financières et relancer l'intérêt sportif, le football professionnel a besoin de nouvelles règles. Pour préserver son avenir de long terme, le foot a moins besoin de nouvelles recettes ? qui risquent d'être englouties dans les transferts de joueurs ? que de régulations qui arbitrent de manière plus équilibrée entre recherche du profit et les aléas des compétitions donc, d'une profonde moralisation à l'instar de la crise du capitalisme avec cette suprématie de la finance sur l'économie réelle et une distorsion croissante entre des salaires réels en baisse et les profits spéculatifs en hausse. Aussi, pour les pays du tiers-monde comme la majorité des pays d'Afrique, le problème essentiel, devant éviter toute instrumentalisation politique de ce sport noble, est avant tout une nouvelle gouvernance (dont la corruption qui prend une ampleur inquiétante) fondée sur un Etat de droit, plus d'efficacité économique couplée avec une profonde justice sociale et plus de démocratie. Après l'euphorie sportive, la majorité des populations seront à nouveau confrontées à la dure réalité économique et sociale, c'est-à-dire le niveau de leur pouvoir d'achat et les gouvernants de trouver des solutions adéquates pour un développement durable. (1) Docteur - Professeur d'Université en management stratégique - Economiste - Algérie. |
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