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Suite et fin Dans ce contexte qui suppose l'articulation entre le public et le privé, et dans une logique purement économique, on verra se constituer des règles du jeu financières, juridiques et économiques qui permettent au secteur public de récupérer quelques avantages susceptibles d'être redistribués pour le bien-être de la population. Il y a des expériences micro-locales qui peuvent apparaître comme des réussites pour un économiste. Jusqu'à quel point les pouvoirs publics peuvent-ils s'engager dans cette logique qui ne suppose de retours qu'à long terme ? On peut dire d'ailleurs que les logiques des différents niveaux de pouvoir ne sont pas toujours les mêmes, c'est une longue histoire dans les pays européens, mais je crois aussi en Algérie. Ces interventions conduites sur une même ville peuvent donner lieu à une nouvelle division des espaces - entre ceux qui perdent et ceux qui gagnent, d'autant plus que l'idée de planification s'est beaucoup affadie dans la foulée du rejet du fonctionnalisme. En Algérie, l'intervention publique sur le foncier devrait jouer un rôle important dans les projets de réhabilitation, car elle apparaît comme le seul moyen de lancer des programmes de logement populaire, une idée présente chez beaucoup de gouvernements locaux sensibles à la question sociale, notamment au Brésil. Mais chaque histoire urbaine a dans ce domaine sa spécificité. Disons seulement ici que le chercheur peut apporter quelques conclusions valides mais seulement en fonction de chaque contexte. Le second volet de l'approche économique de la requalification porte, bien sûr, sur la relance des activités, la cohabitation entre activités modernes et activités traditionnelles. La promotion des activités liées à la culture a lieu presque partout. Pourquoi les activités liées à la culture apparaissent-elles comme post-modernes et post-fordistes ? Est-ce parce qu'elles créent beaucoup d'emplois ? Est-ce parce qu'elles sont un excellent micro-marché du travail flexible et en pleine dynamique à cause du développement du tourisme, par ailleurs très différent en volume selon les villes, ou selon sa nature, local, national, étranger, etc. Mais on peut affirmer la chose suivante: c'est que les lieux restent dans une certaine mesure les garants des distinctions entre les cultures, c'est un potentiel valorisable1. Or ce désir de distinction est aussi une alternative à l'uniformisation des modes de vie de la classe moyenne mondialisée ainsi que par rapport à l'uniformité spatiale vers laquelle semblait conduire inéluctablement la période fordiste. C'est pourquoi les centres-villes permettent la convergence entre la conception matérielle d'un produit spécifiquement lié au lieu et à son contenu culturel. Le danger est que les centres-villes se figent dans ce rôle et ne soient plus à même de promouvoir le niveau de création, mais seulement la rentabilité peut-être éphémère, de l'activité culturelle. Pour développer ces secteurs d'activités, on a recours à une grande diversité de système de financement: des formes d'incitation financière, la pratique de la franchise, etc. Mais il existe aussi un autre aspect économique lié à la réhabilitation, c'est la promotion de la petite entreprise. En effet, dans les villes européennes, la réhabilitation est le fait de très nombreuses petites entreprises qui ont développé un savoir particulier et emploient une main-d'oeuvre abondante et peu qualifiée au départ, y compris à travers des programmes de réinsertion. Reste que dans un programme de réhabilitation, il n'y a que très rarement convergence évidente entre l'offre résidentielle proposée et emplois proposés. Sauf parfois dans certains micro-espaces dont on peut expliquer la requalification (certains quartiers à caractère ethnique par exemple). J'ai essayé de présenter quelques variables que les économistes mettent en avant lorsqu'il s'agit de renouvellement urbain qui associe relance du marché et intervention publique. J'essaie donc de diversifier le champ des intervenants - et je crois que c'est justifié - par rapport à la tendance qui se diffuse en Algérie, que le pari sur la requalification des villes ne peut-être que celui du grand capital comme Soros à Buenos Aries, par exemple. Classes sociales et dimension sociale de la réhabilitation Je voudrais pour finir et avant de poser quelques recommandations, rappeler le débat sur le risque de gentrification des quartiers anciens, qui a fait l'objet d'une abondante production sociologique et géographique, aux Etats-Unis et en Angleterre, beaucoup moins dans d'autres pays d'Europe et en Amérique Latine. Le débat a pourtant fait son apparition un peu partout: le mot gentrification est aujourd'hui francisé, il existe aussi en espagnol et en portugais. Je voudrais seulement ici le poser de la façon suivante: les spécialistes de la question ont vu la gentrification comme un processus qui résultait de la structure du marché immobilier et du comportement des acteurs privés, récupéré et érigé en politique urbaine par des municipalités. Cela afin de valoriser leurs centres, rendre leurs villes plus attractives et favoriser leur reconversion économique2. Dans la période d'ascension sociale des années 1970/1980, ma gentrification apparaissait comme une façon positive de «tirer les quartiers vers le haut». Mais les discours sociaux tenus par les mairies n'ont pu cacher, d'une part, la montée considérable des prix du foncier dont les seuls véritables connaisseurs, au moins dans certains centres-villes, sont les promoteurs immobiliers et les notaires, d'autre part la relégation des habitants des couches populaires et notamment des personnes qui bénéficiaient de régimes sociaux de location très anciens. La réalité de la gentrification considérée comme plutôt positive dans une première étape, a pris aujourd'hui une connotation négative, elle ne serait le fait que d'une classe moyenne supérieure. Un nouveau mot a alors fait son apparition depuis quinze ans dans plusieurs langues et plusieurs pays, dans le discours des urbanistes et des politiques, c'est le mot de mixité décliné ainsi: mixité sociale, mixité spatiale, l'une n'allant pas sans l'autre. Il est supposé exprimer une volonté politique d'infléchir les tendances excluantes et antisociales du marché. Ce que je voudrais dire pour finir, c'est que gentrification et mixité expriment des processus que le temps et la volonté politique peuvent réorienter. Ce ne sont pas des concepts figés, ni même consolidés. Dans certaines villes européennes, ils sont même considérés comme dépassés. Une nouvelle division socio-spatiale de l'espace se dessine dans des villes comme Londres ou Paris, où une nouvelle couche sociale, des gens riches aux activités mondialisées, plutôt spécialisés dans les activités culturelles, de communications et de mode, sembleraient devenir les seuls acquéreurs de l'immobilier résidentiel en centre-ville. Tandis que les habitants des banlieues, couches moyennes et populaires confondues, fréquentent ces espaces les week-ends. Que penser de ce processus ? Est-il transférable dans d'autres villes, en Algérie, par exemple ? Non, dit-on le plus souvent pour plusieurs raisons: la promotion immobilière liée au marché n'a pas joué la carte des centres historiques comme espace résidentiel. Il n'existe pas de classe moyenne, ou plutôt moyenne supérieure suffisamment nombreuse pour que se dégage parmi elle une fraction susceptible de s'identifier collectivement à l'urbain ancien et d'en faire une valeur commune, tout réhabilité soit-il. C'est donc le plus souvent la volonté politique qui intervient en faveur de programmes de logements sociaux, ou dans certains cas, simplement peu chers. Enfin, est-ce que les programmes de logement social sont compatibles avec le marché du travail qu'offre le développement d'activités modernes de services ? Je crois que pour répondre à toutes ces questions, la connaissance des expériences est importante, même s'il existe déjà des connaissances partielles. Les expériences permettent également de comprendre que certains processus se ressemblent mais ne se déroulent pas de façon identique. Les déconstruire est essentiel, il existe quelques leçons qui circulent dans les milieux des experts. * Directeur de l'Urbanisme et la Planification de la ville d'Oran 1 - Voir Allen Scott, L'économie culturelle des villes, Géographie, Economie, Société, vol.1 n°1, 1999. 2 - Voir Catherine Bidou-Zachariasen, Introduction, in: Catherine Bidou-Zachariasen (dir.) Retours en ville, Descartes, 2003. |
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