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BOTTER EN TOUCHE, A LA FRANÇAISE

par Yazid Alilat

Officiellement, la France vient de botter en touche dans l'affaire de l'affiche offensante pour l'Algérie du parti d'extrême droite de Le Pen. Même si Paris a adopté une position pour le moins courageuse quand il s'agit de l'Algérie, l'Elysée n'en a pas moins tenu à marquer ses distances vis-à-vis des sorties politiques ratées du Front National, un parti qui dérange autant à droite qu'à gauche dans l'Hexagone.

 Pour le ministère français des Affaires étrangères, les protestations algériennes contre l'offense faite à l'emblème national par le parti raciste de Le Pen sont «légitimes». C'est là une attitude de la France qui veut corriger un mauvais tir de l'extrême droite contre l'Algérie, au moment où les morceaux épars des relations entre Paris et Alger, pas au beau fixe, sont en train d'être progressivement recollés. Plus à Paris qu'à Alger.

 Bien sûr, Paris insiste sur le fait que le drapeau algérien a été utilisé d'une manière «extrêmement choquante», même si à l'Elysée on s'est bien gardé d'aller un peu plus loin pour dénoncer les dérives récurrentes du parti d'extrême droite français, qui ne s'est jamais, même en dehors des campagnes électorales, privé de porter tort à l'Algérie, au peuple algérien et à ses symboles les plus chers. Aujourd'hui, avec les élections régionales, Le Pen et ses «aficionados» se sont attaqués aux valeurs et aux symboles les plus sacrés des Algériens : leur drapeau, leur pays, leur religion. La reconnaissance du ministère français des Affaires étrangères du caractère «choquant» des affiches du Front National, si elle tempère un peu la colère d'Alger et répond plus ou moins aux inquiétudes de l'Algérie face aux campagnes anti-algériennes menées par la droite et l'extrême droite en France, n'en reflète pas moins cette si difficile relation entre les deux pays. Tant au plan politique qu'historique.

 Car le message de Le Pen, à travers ces affiches qui font mal à tous les Algériens et à tous les musulmans, c'est justement de remettre au goût du jour cette propension des anciennes puissances coloniales, à travers des actes irréfléchis d'anciens tortionnaires et criminels de guerre, à mépriser les peuples qu'elles avaient longtemps spoliés de leur dignité, de leur culture et de leur histoire.

 La réaction rapide du ministère français des Affaires étrangères est également un signe de bonne volonté de l'Elysée pour ne pas laisser les relations entre les deux pays aller dans le sens de la détérioration, moins d'un mois après la visite à Alger de Claude Guéant et du conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy. C'est en fait faire des «ronds de jambe» à l'Algérie dans ces moments électoralistes en France, où l'UMP, au pouvoir, tente de prendre de vitesse ses adversaires et de ne pas sortir trop affaiblie par la rude rivalité de la gauche, même éclatée entre plusieurs tendances. Et des «excuses» voilées de l'Elysée à travers une déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères pour calmer la colère d'Alger et ramasser les voix de l'émigration.