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Une conférence d'un genre tout à fait unique a eu lieu, jeudi dernier, au
Centre culturel français d'Oran. On ne sait pas en fait si on doit parler de
«conférence», de «monologue», ou carrément de «théâtre»?Toujours est-il qu'une
chose est sûre: les «mots», dans tous leurs états, étaient au rendez-vous.
La conférence, appelons-là ainsi, avait pour ambition de démontrer au public l'incroyable source, inépuisable, qu'ont les mots pour en révéler d'autres une fois qu'on les? coupe en deux, de façon horizontale. D'ailleurs, cela n'est pas pour rien si le titre qu'on a choisi de donner à cette «conférence» est «la langue coupée en deux». Pierre Fourny, celui qui a écrit, mis en scène et interprété le monologue, s'en est donné à cœur joie pour malmener la langue française, à coups de bistouri horizontal. Le message qu'il a voulu faire passer est on ne peut plus clair: sous les mots, à l'intérieur des mots, se cachent d'autres mots; ou sinon, les mots ont toujours quelque chose à dire? même à demi-mots. A titre d'exemple, si on prend le mot «neige», en le coupant horizontalement, le haut de ce mot peut très bien servir pour le mot «noire», qui se trouve être, tout le monde le devine, à l'antipode du mot initial. Pour ce qui est du mot «nuages», on découvre que le haut de ce mot peut très bien servir pour «averse», ou encore, concernant le mot «huit», on remarque que le bas de ce mot contient le mot «neuf». Cela dit, pour jouer à ce petit jeu, il est nécessaire d'utiliser une police à caractère bien spécifique, plus à même de combiner le bas et le haut de chaque lettre, avec le maximum d'autres lettres. Cette police a été baptisée «police coupable», et est, nous a-t-il averti, protégée sur le Net. Aussi, par cette façon de couper horizontalement les mots, et cela à partir du milieu, Pierre Fourny a démontré à l'assistance la grande richesse que peut contenir une langue, mais encore la poésie qu'elle peut aussi y cacher, même de façon sournoise. Il est même arrivé jusqu'à combiner, à partir d'un mot français, un autre de langue anglaise. C'est dire si cette propagation de «mots» peut avoir des proportions indéfinies. Et autant dire: tant mieux ! Cette poésie des mots, que le conférencier a superbement démontrée, a cette particularité de n'être qu'exclusivement attachée à l'aspect strictement visuel du mot écrit, puisque le son, là dedans, est dépourvu de toute signification. C'est très mathématique en somme? mais poétique malgré tout. Et justement, cette poésie réside dans le fait que, alors qu'au départ la procédure du découpage du mot s'est faite de façon tout à fait technique, procédure qui n'opère que sur l'aspect visuel, le résultat obtenu peut prendre son sens dans l'aspect auditif. Pour preuve: «huit et neuf», «averse et nuages», «neige et noire»?. Par là, Pierre Fourny a voulu signifier que la poésie n'est pas l'apanage de la littérature. Du fait qu'il se trouvait à Oran, pour clore la conférence, Pierre Fourny n'a pas manqué de faire un petit clin d'œil à la ville où il se trouve. Pour cela, en coupant Oran en deux, il a trouvé, dans le haut de ce mot, le mot «ange»; et dans «oranais», il a trouvé, du moins dans «l'à peu-près» le mot «paradis» !. |
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