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L'année 2024 marque le
cinquantenaire de l'Université de Tlemcen que les responsables ont tenu à
célébrer lors d'une cérémonie grandiose, le 7 décembre, en présence des
autorités locales et de nombreux invités. Les responsables ont voulu en faire
un événement majeur, une halte pour stigmatiser l'importance de l'histoire de
l'Université et rendre hommage à ceux qui l'ont faite sans oublier ceux qui
nous ont quittés. Sept anciens recteurs étaient présents, les trois décédés
étaient honorés à titre posthume en présence de représentants de leurs
familles. Un vibrant hommage a été rendu au professeur Naoum
Mourad, alors directeur du Centre universitaire de Maghnia,
décédé le 1er octobre 2024, des suites d'un tragique accident de la circulation
sur le chemin de retour d'une mission à Alger.
Un film documentaire relatant les événements majeurs vécus par l'Université de Tlemcen, durant ses cinquante années d'existence, a été projeté. A l'évidence, ces témoignages sont précieux mais loin d'être suffisants. Il faut écrire l'histoire avec le plus grand soin possible, enrichie par les témoignages de tous les acteurs présents et les documents de référence. C'est un effort de mémoire que la génération actuelle doit aux générations futures. L'évolution de l'Université de Tlemcen est un peu à l'image d'autres grandes Universités en Algérie comme Oran 1 Ahmed Ben Bella' (ex. Es-Sénia). L'auteur a entamé ses études en propédeutique de mathématique-physique-chimie avec une quarantaine d'étudiants, à l'ouverture du Centre universitaire d'Oran en octobre 1965. Les cours se déroulaient dans des locaux qui venaient d'être évacués par l'armée coloniale. Un professeur polonais (Dr Rabsuck) assurait le cours de mathématique et un franco-vietnamien (Dr Louise) le cours de physique. La chimie était assurée épisodiquement par des assistants, en particulier les travaux pratiques qui se déroulaient à l'hôpital. Les étudiants reçus en propédeutique devaient rejoindre l'Université d'Alger-centre (alors unique Université en Algérie) en vue de la poursuite des études en licence. Indéniablement, l'Université de Tlemcen a connu de grandes avancées durant ses cinquante années d'existence. Quelques chiffres parlent d'eux-mêmes. A l'ouverture du Centre universitaire, 100 étudiants étaient inscrits en 1re année de licence, tronc commun de mathématique, physique et chimie, 80 étaient inscrits en biologie. Il n'y avait aucun enseignant universitaire algérien. On compte actuellement 8 facultés couvrant pratiquement tous les domaines universitaires, plus de 40.000 étudiants et près de 2.000 enseignants- chercheurs, toutes spécialités confondues, tous titulaires d'un doctorat à différents niveaux d'expériences. Du point de vue des infrastructures, l'Etat avait fait appel à des lycées pour abriter les cours et à l'Inspecteur d'Académie pour assurer le démarrage du centre. L'Université de Tlemcen dispose actuellement d'infrastructures qui n'ont rien à envier à certaines grandes universités dans le monde, pour l'enseignement, la recherche et la gestion. Bien sûr, ce parcours de 50 années n'a pas été un cours d'eau tranquille, il est parsemé de succès et d'échecs, mais on peut dire que sur le plan quantitatif, la bataille a été gagnée. L'engagement de l'Etat d'assurer une place à l'Université pour tous les bacheliers a été tenu, la formation dans l'ensemble est bonne, près de 80 laboratoires de recherche couvrant les domaines des 8 facultés opèrent tant bien que mal, des bibliothèques sont implantées sur les différents campus, des blocs administratifs permettent la gestion dans de bonnes conditions, de nombreuses cités universitaires ont été créées pour répondre aux besoins des étudiants résidant loin de Tlemcen, des moyens de transport gratuits sont mis quotidiennement à la disposition des étudiants en plus d'une bourse mensuelle. L'Etat consent de gros efforts financiers pour assurer les meilleures conditions d'études possibles. Mais malgré tous ces efforts, il y a des lacunes et des défis à relever dans tous les secteurs : enseignement, recherche, gestion et gouvernance. C'est là le vrai challenge de la présente génération qui doit établir un diagnostic exhaustif dans le cadre d'un débat inclusif, ouvert à tous les acteurs, associant les étudiants et dans une certaine mesure la société représentée par des acteurs dans les secteurs éducatifs et socio-économiques. Dans l'enseignement, il est utile de savoir si les programmes, l'encadrement et les manuels élaborés (cours, travaux dirigés et travaux pratiques) sont adaptés aux évolutions scientifiques et technologiques dans le monde. Est-ce qu'ils préparent l'étudiant à s'insérer rapidement dans la vie active et envisager l'avenir avec sérénité. Des questions concomitantes doivent être examinées avec soin comme le chômage des diplômés, l'absentéisme aux cours, l'efficacité du tutorat, les méthodes de tester les niveaux de connaissances, les déperditions, etc. Dans la Recherche scientifique, avec 80 laboratoires qui lui sont dédiés et près de 2.000 enseignants-chercheurs, il est légitime de s'attendre à des résultats probants, tant au niveau de la production de richesse, de l'impact sur le tissu socio-économique qu'au niveau des publications dans les revues spécialisées de renommée établie. Pour ce qui est de la gestion et de la gouvernance, il y a une analyse approfondie à faire sur l'éthique et la déontologie en milieu universitaire couvrant les différents segments de la famille universitaire : responsables, enseignants, personnels et étudiants. La promotion de l'éthique et de la déontologie permet de cultiver l'excellence de l'Université et son rayonnement dans la société. D'autre part, un recours efficace aux technologies de l'information et de la communication sert à renforcer les liens et la cohésion au sein de la famille universitaire. En tant que partie intégrante de la société, formant son élite, l'Université doit répondre à ses attentes en termes de développement et de progrès. Beaucoup de questions à se poser pour faire le bilan des cinquante années d'existence, identifier les forces et faiblesses et envisager la relance dans un cadre nouveau bâti sur la promotion de la qualité et l'innovation. Cependant, il faut garder en tête que la qualité de la formation délivrée par l'Université ne dépend pas que des programmes, de l'encadrement et des moyens affectés par l'Etat. Elle dépend aussi de la volonté des étudiants, de leur motivation et des efforts qu'ils sont prêts à consentir pour réussir dans leurs études. La formation universitaire algérienne n'est peut-être pas parfaite mais elle n'est pas mauvaise non plus. Des indicateurs le montrent clairement comme l'émergence de nombreux scientifiques, issus de l'Université algérienne, dans des institutions prestigieuses partout dans le monde et principalement en Europe et aux Etats-Unis d'Amérique. De plus, l'Université algérienne garantit sa pérennité sachant que l'enseignement, la recherche et la gestion dans la formation supérieure sont assurés presque exclusivement par des enseignants-chercheurs formés essentiellement en Algérie. Bien sûr, certains points noirs subsistent comme la fuite des cerveaux, le label et la visibilité au niveau international, mais de tels problèmes ont des solutions. Notre pays a des potentialités en ressources humaines, une jeunesse dynamique et ambitieuse, une élite intellectuelle éclairée, une société unie dans la diversité par des valeurs humaines nourries de solidarité, de compassion et de paix. Le grand défi de la génération actuelle est de trouver la voie permettant de résoudre les problèmes qui se posent, améliorer la qualité dans tous les secteurs afin de construire l'Université du futur et la hsser au top niveau selon les normes en vigueur dans le monde. De nombreux auteurs se sont ex primés sur ce sujet à différentes occasions. L'auteur de la présente contribution l'a aussi fait dans un article intitulé « Comment construire l'Université du futur » publié par Le Quotidien d'Oran' en 3 parties les 2, 3 et 4 octobre 2022. *Professeur de physique (retraité) |
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