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A travers le monde entier, tous ceux qui se tiennent au courant de
l'actualité savent très précisément ce que recouvre «l'affaire Aminatou
Haidar».
Une militante sahraouie des droits de l'Homme rentre chez elle à Laayoune sous occupation marocaine, elle est empêchée d'accès et expulsée vers les Canaries par des fonctionnaires marocains qui appliquent à la lettre les ordres du Roi, qualifiant de «traître» tout ceux qui ne reconnaissent pas la «marocanité du Sahara». Madrid se laisse embarquer dans un jeu marocain juridiquement intenable, en acceptant qu'Aminatou Haidar soit «expulsée» vers un territoire espagnol. Tout cela devait fonctionner parfaitement dans la pure tradition de l'arbitraire... Sauf qu'Aminatou Haidar ne cède pas. Elle veut rentrer chez elle, elle n'accepte ni la nationalité espagnole, ni un statut de réfugié politique et elle se met en grève de la faim. Une action de rupture qui révèle au monde entier l'arbitraire marocain et qui met dans un embarras extrême l'Espagne, ancienne puissance occupante du Sahara Occidental. Les juristes constatent une aberration juridique aussi évidente qu'absolue. Le Maroc est une puissance occupante au Sahara Occidental, sa souveraineté n'est pas reconnue par le droit international. Le roi du Maroc ne peut donc exiger d'une population sous occupation, et dont le sort relève toujours de l'Onu, de lui faire allégeance. Et encore moins d'en bannir les membres. En engageant une grève de la faim où elle risque de perdre la vie, Aminatou Haidar a contraint Madrid à se souvenir que le droit international existe. L'Espagne veut qu'Aminatou Haidar, comme le droit l'exige, revienne chez elle parmi les siens. Cette dame a tous les droits de retourner chez elle et Rabat ne peut exiger d'elle des «excuses», ni l'expression d'une allégeance au Trône. La situation est si peu ambiguë que même les «amis» occidentaux en arrivent à exprimer une franche réprobation de l'attitude de Rabat. Tous les Etats, y compris le bienveillant parrain français, savent que le dossier du Maroc est indéfendable. Le «complot ourdi» La présidence suédoise de l'Union européenne exprime très clairement un consensus européen en exigeant du Maroc de «respecter ses obligations internationales relatives aux droits de l'Homme et à coopérer avec les autorités espagnoles, afin qu'une solution positive puisse être trouvée concernant sa situation». Plutôt que de répondre à ces exigences internationales pressantes, Rabat, après avoir jusqu'ici fonctionné sur mode arbitraire, a carrément basculé sur mode ridicule. L'affaire Aminatou Haidar ne serait pas la conséquence d'une expulsion illégale d'une ressortissante sahraouie de son pays, mais d'un vaste «complot ourdi» par l'Algérie. C'est ce qu'affirme, sans rougir, le ministre marocain de la Communication, Khalid Naciri, qui parle de « un complot systématique, méthodique, ourdi par l'Algérie». Si l'on suit la logique étrange de cet argumentaire - d'une inanité confondante - ce seraient donc les «services» algériens ou la diplomatie algérienne qui auraient suggéré aux cerbères marocains qui officient à Laayoune d'empêcher Aminatou Haidar de rejoindre les siens et de l'expulser vers les îles Canaries. Et, bien entendu, Mme Aminatou Haidar, qui n'accepte pas que des occupants sans droit ni titre l'empêchent d'entrer chez elle, ne serait qu'une «comploteuse», une «traîtresse» au service de l'Algérie. Le ridicule est complet. A partir de l'occultation de l'acte arbitraire initial, le porte-voix du gouvernement marocain construit un scénario tiré par les cheveux. Ainsi donc, le «timing» de la grève de la faim de Mme Haidar n'est pas une conséquence immédiate, vérifiable par tout un chacun, d'une mesure d'expulsion illégale ordonnée par le Maroc. Non, ce «timing» découlerait d'une position de «faiblesse» de l'Algérie face au plan d'autonomie marocain «qui est bien accueilli par la communauté internationale». «Arguments creux» Quel est donc le rapport entre une supposée grande victoire du plan marocain au niveau international et l'expulsion d'une dame qui rentrait dans sa patrie après avoir reçu, à New York, un prix de la Train Foundation pour son engagement non violent en faveur des droits de l'Homme ? Si le Maroc est convaincu que son plan est si puissamment soutenu au niveau international, pourquoi s'en prendre aussi brutalement - priver quelqu'un du droit d'entrer dans son propre pays est un acte de violence - à Mme Haidar ? Les arguments du ministre marocain sonnent creux. Il tente même de se moquer de l'intelligence des Espagnols en présentant l'affaire Haidar comme un «complot machiavélique» contre le Maroc et l'Espagne. «Le Maroc et l'Espagne sont victimes d'un plan machiavélique et nous sommes attristés, désolés, de constater que l'on essaie de manipuler l'opinion publique internationale avec cette affaire (...). Nous sommes solidaires de l'Espagne, elle peut être assurée de l'amitié et de la considération du Maroc». Gageons que Madrid, qui tente de se sortir de l'outrageante violation du droit international dans laquelle Rabat l'implique, aura de la peine à y croire... Il est pourtant simple de mettre fin au présumé «complot machiavélique» algérien: que Mme Haidar rentre chez-elle, dans son pays, parmi les siens. |
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