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Décidément, comme l'a si bien voulu Nicolas Sarkozy, l'affaire Tibehirine
ne cesse de s'emballer en France. L'agence française AFP a publié, hier, le
contenu de certains documents diplomatiques français que cet organe de presse
affirme «avoir consulté jeudi dernier», et qui font partie d'un lot de 26
documents des Affaires étrangères déclassifiés par le ministère, et dont l'avis
a été publié jeudi au Journal officiel français. Que disent donc ces documents
? Des messages internes échangés entre diplomates français faisant état que «la
France était informée de l'éventualité d'une manipulation par les services
algériens du groupe islamiste ayant revendiqué l'assassinat des moines de
Tibehirine en 1996 dans les semaines qui ont suivi leur enlèvement». Les
diplomates français ne reprennent toutefois pas à leur compte cette hypothèse.
Le GIA de Djamel Zitouni avait revendiqué, dans un communiqué authentifié, l'enlèvement des sept moines, le 26 avril, et leurs têtes ont été découvertes le 30 mai. Le conditionnel et les ouï-dire sont servis à satiété dans une série de documents des Affaires étrangères déclassifiés que l'AFP dit avoir consultés dont voici le contenu : «On ne peut exclure que les services algériens (...) en sachent plus qu'ils ne le disent sur les intentions de Zitouni : on prétend qu'ils manipuleraient plus ou moins», relate, le 8 avril 1996, Hubert Colin de Verdière, directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères, dans une note au ministre à la suite d'un entretien qu'il a eu avec le général Philippe Rondot de la DST, qui est en contact «très direct» avec la Sécurité militaire algérienne». Dans un autre document, il est écrit que «dans un point sur le dossier au 26 avril, le directeur-adjoint de cabinet du ministre, Philippe Etienne, affirme que les moines sont détenus par un groupe proche de l'émir du GIA, Djamel Zitouni». Rappelant «les interrogations souvent formulées sur les liens entre Zitouni et la sécurité algérienne», il rapporte des confidences du général Smaïn Lamari, responsable de la Sécurité militaire. «Celui-ci qui considérait il y a peu encore Zitouni comme un élément plutôt commode, car fauteur de divisions au sein de l'opposition islamiste armée, semblait désormais le juger moins contrôlable», raconte M. Etienne. Le Journal officiel français a, par ailleurs, publié hier trois avis émanant d'une Commission consultative du secret de la Défense nationale (CCSDN) qui a proposé une large déclassification de documents des ministères français de la Défense, des Affaires étrangères et de l'Intérieur sur la mort des moines de Tibehirine. La commission, dont les avis ont toujours été suivis dans leur quasi-totalité par les autorités concernées (Présidence française, premier ministère, ministères), a émis un avis favorable à la déclassification de 105 documents «confidentiel défense» ou «secret défense» sur un total de 109 documents soumis à son examen par ces trois ministères concernés. Elle s'était réunie le 5 novembre dernier pour examiner ces 109 documents à la suite d'une demande de levée du secret de la défense faite par le juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic, chargé de l'enquête sur la mort des sept moines de Tibehirine en 1996. Les avis de la CCSDN ne précisent toutefois pas le contenu des documents classifiés soumis à son examen. Le juge avait fait cette demande, il y a trois mois, dans des lettres adressées aux ministres français de la Défense, des Affaires étrangères et de l'Intérieur. Elle concerne notamment un rapport de l'attaché de Défense français à Alger à l'époque des faits, le général François Buchwalter aujourd'hui à la retraite. Ce dernier a déclaré le 25 juin dernier à Marc Trévidic que, selon ses informations, les moines de Tibehirine n'avaient pas été tués par les islamistes qui les détenaient mais par l'armée algérienne lors de l'assaut donné aux insurgés. Cette thèse délirante a été réfutée aussi bien par les autorités algériennes que par des personnalités françaises de haut rang à l'époque des faits. Le 9 novembre, le ministère français des Affaires étrangères a transmis 26 documents déclassifiés (notes et télégrammes diplomatiques) au juge Marc Trévidic. Selon une source citée par l'AFP, aucun de ces 26 documents ne concerne le rapport du général Buchwalter. Jeudi soir, précise la même source, les ministères de la Défense et de l'Intérieur n'avaient adressé aucun document au juge. Ainsi, cette affaire semble faire beaucoup de bruits en France sans rien apporter de nouveau. |
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