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La localité d'El-Ançor ressemblait hier à un village déserté. L'odeur du
gaz lacrymogène et du caoutchouc brûlé empoisonnait encore l'air. Dans la
matinée, les rues du centre-ville étaient couvertes par des pneus incendiés, des
tas de ferraille, des troncs d'arbres, des éclats de verre, des pierres...
Un sinistre décor. La cité était assiégée de part en part par des engins blindés. Pour éviter la répétition du scénario catastrophe d'avant-hier, les forces de l'ordre ont renforcé entre-temps leur présence dans le village, plusieurs unités d'anti-émeute ayant été appelées en renfort. Tôt le matin, quelques tentatives de rallumer la mèche ont été très réprimées. Alors que la ville ne s'était pas encore complètement réveillée, une série d'arrestations ont été opérées. Selon des sources concordantes, pas moins de vingt personnes, des présumés instigateurs ou «fauteurs de troubles», ont été prises dans une rafle. Ce qui porterait le nombre de personnes arrêtées depuis le déclenchement des émeutes à cinquante. L'opération «porte-à-porte» entreprise, avant le lever du soleil, par les services de sécurité s'est répandue comme une traînée de poudre dans les quatre coins du faubourg, poussant plusieurs jeunes de la localité à prendre la fuite. En effet, d'après des témoignages concordants, redoutant à tort ou à raison d'être pris à leur tour dans le coup de filet, de nombreux jeunes ont déserté tôt le village... en attendant. Sur le registre «blessés», aucun nouveau cas n'a été déploré hier. Au contraire, la majorité des personnes blessées lors des violences qui ont secoué la commune mardi ont regagné leurs domiciles. L'on croit savoir, en revanche, que deux parmi les quatre blessés graves avaient été transférés vers les UMC du CHU d'Oran. Ainsi, après une journée enflammée, El-Ançor a retrouvé hier son calme. Un calme plutôt précaire, car il y avait beaucoup de tension en l'air et l'impression que ça pouvait reprendre à tout moment. Profitant de l'accalmie matinale, les engins des forces de l'ordre sont entrés en action pour déblayer les rues et les espaces publics. Dans l'après-midi, El-Ançor donnait l'air d'un blessé encore traumatisé tentant de se remettre sur pieds. Toutes activités étaient, du reste, paralysées. Les institutions publiques, les écoles, les boulangeries, les taxiphones, les différents commerces... tout était fermé. Une «grève générale» forcée. Le transport n'était pas en reste. D'ailleurs, des familles entières ont préféré rester enfermées chez soi toute la journée. Conjoncture oblige ! Plus loin, dans l'endroit où s'est produite la «détonation», la carrière de Djorf El-Alia, les séquelles des émeutes étaient plus visibles. De la base de vie qui abritait les ouvriers turcs des deux gravières CPMC-Kogay et Chifa Balast-Ozmert, il ne reste que des ruines. L'on apprendra que le personnel travaillant, les Turcs compris, dans cette zone d'agrégat lui a été ordonné de ne plus remettre les pieds sur les lieux, jusqu'à nouvel ordre. Seuls quelques agents de sécurité y demeurent pour veiller au parc roulant et aux machines de la chaîne de production, du fait qu'il est très difficile d'évacuer tout ce poids lourd, surtout dans de telles circonstances. Par ailleurs, l'on croit savoir que les autorités concernées, dont la wilaya et la DMI, en concertation avec les opérateurs de la carrière, sont en train d'étudier les possibilités d'un arrêt partiel ou total de cette activité, qui pose tant de désagréments aux riverains. Cela a été d'ailleurs reconnu par tous les responsables locaux concernés, qui ont qualifié de «légitimes» les revendications de la population locale, mais pas par «la voie de la violence et de la destruction suivie par certains». |
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