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Comme dans tous
les pouvoirs dictatoriaux, rien n'est lâché. Les dictateurs s'attachent au
pouvoir jusqu'à la dernière minute de leur vie. Ceci est le symptôme de la
gouvernance dite «tiers-mondiste» ou en voie de développement, selon les
circonstances. C'est le cas des élections présidentielle chez notre pays voisin
et frère, la Tunisie. Les élections sont passées comme une lettre à la poste,
avec un taux de participation connu d'avance, un vrai plébiscite. Ceci nous
rappelle quelques élections chez nous ! Un ami tunisien journaliste, contacté à
l'occasion de cet événement important, me confie que ces élections sont
devenues «une vraie mascarade», avant de poursuivre «il n'y a plus d'espoir
avec ce pouvoir, il faut de la patience», dit-il. C'est d'ailleurs le mot
d'ordre du parti FDTL (Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés) dont
le candidat, le secrétaire général, Ben Jaafar, a vu sa candidature à
l'élection présidentielle invalidée par le Conseil constitutionnel le 25
octobre dernier. Depuis plus de vingt ans au pouvoir, l'actuel président va
effectuer son cinquième mandat après avoir modifié à plusieurs reprises la
Constitution. Tout est organisé pour légitimer et le maintenir à son poste.
Ce petit pays a des atouts extraordinaires pour rejoindre les grandes nations. Certains le comparent à la Suisse. La volonté politique de la Tunisie suivie dès l'Indépendance est de moderniser ses institutions. «Si la modernité se définit par le développement des forces productives, la mise en place d'un pouvoir politique centralisé, l'affirmation d'identités nationales adaptées à l'internationalisation des réseaux de circulation des idées et des hommes, la laïcisation des valeurs et des normes, et la propagation des droits à la participation politique, alors il est légitime de considérer la Tunisie comme un pays moderne», selon Fathi Triki, philosophe et universitaire à l'université de Tunis-I. Ses dirigeants, selon F. Triki, n'ont pas été séduits par l'idéologie arabiste de Nasser, ni par l'islamisme et le wahhabisme du pétrodollar. Selon ce philosophe, le mode de gestion du pays depuis l'Indépendance a toujours été d'éviter les idéologies pompeuses, et d'être «raisonnable», pour ne pas dire rationnel. Cependant, le «culte de la personnalité» est enraciné dans l'esprit des citoyens à tel point que certains utilisent le qualificatif «Sa majesté» pour désigner le président tunisien ! La Tunisie se distingue par la performance de son système éducatif, qui est l'un des meilleurs systèmes dans les pays arabes. Ainsi, le taux d'alphabétisation est de 87 %, ce qui traduit la volonté du pouvoir politique d'éradiquer l'illettrisme. La Tunisie se distingue également par le statut de la femme qui est désormais la plus émancipée dans le monde musulman. La couverture sociale de la population (10,4 millions d'habitants) est de 92 %. Le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté est de 4 %. La Tunisie a su moderniser ses institutions et surtout à s'ouvrir à l'autre. Contrairement à ses voisins le Maroc et l'Algérie où, pendant le mois de Ramadan, les restaurants et les cafés sont fermés, à Tunis, on sert toujours des repas et du café pendant ce mois de jeûne. Cependant, le pouvoir de Ben Ali ne tolère guère les critiques à son égard et à sa politique. Peut-on alors construire un Etat moderne sans liberté d'expression ? C'est souvent le sujet de discussion entre mes amis tunisiens et moi-même. Ils préfèrent la liberté d'expression des Algériens au musellement des Tunisiens. Effectivement, la présence policière est omniprésente sur l'ensemble du territoire tunisien, des organisations humanitaires rapportent des faits de non-respect des droits de l'Homme dans les prisons et dans les villes et villages isolés. La participation politique de tout citoyen n'est pas à l'ordre du jour. Or, nous constatons chez nous que la liberté d'expression n'a rien apporté au quotidien des Algériens. D'ailleurs, sommes-nous réellement libres de nous exprimer ? Les titres de presse rapportent chaque jour des cas de corruption à haut niveau et les gouverneurs de l'Etat, au lieu d'ouvrir des enquêtes judiciaires, mettent en retraite anticipée ou offrent des postes plus importants aux corrupteurs ! Cependant, quand il s'agit d'un livre ou d'une manifestation, les représentants de l'Etat agissent vite pour réprimer et emprisonner leurs auteurs. Ils vont même jusqu'à voter des lois pour les punir comme des criminels. C'est le cas des harraga ! Finalement, si la Tunisie a réussi à moderniser ses institutions (système éducatif, émancipation des femmes, couverture sociales, etc.), elle n'a pas réussi à instaurer l'alternance au Pouvoir. Il faudrait qu'une force d'opposition se crée pour exercer un contre-pouvoir. Malheureusement, toute opposition est réprimée. Cet Etat moderne est donc fragilisé ce qui entraîne une instabilité politique. Quant à l'Algérie, elle n'a toujours pas réussi à moderniser ses institutions ni à développer son système éducatif ni même à instaurer une politique sociale cohérente et durable. S'ajoute à cela une instabilité politique qui perdure. Peut-on espérer que cette région d'Afrique du Nord, qui a tant donné à l'Humanité et la modernité, réussira un jour à effectuer un réel développement profitable au plus grand nombre ? Cf. Jeune Afrique N° 2543. Cf. Jeune Afrique N° 2544. Cf. Marianne N° 652. |
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