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Le
commerce est l'activité essentielle du pays, nul besoin de statistiques ni
d'étude de marché pour établir un constat d'évidence. Le spectacle
agressivement sinistre des dizaines de milliers de rideaux métalliques qui
ornent tous les rez-de-chaussée des bâtisses cubiques en béton armé - cercueils
de la vie terrestre, selon la vox populi - exprime la réalité économique du
pays.
«El-hanout» ! Le magasin, ce symbole de la réussite sociale qui mesure précisément la place dans la hiérarchie sociale d'une société qui a oublié la production et ses valeurs morales et intellectuelles. Les boutiques, hangars déclarés et entrepôts dûment enregistrés ne masquent pas l'ampleur d'un secteur dominé par les activités informelles en marge de la loi et du fisc. Les étals, les commerces à la sauvette et les marchés «spontanés» fleurissent dans tous les quartiers du pays. A croire que tous les citoyens de ce pays auraient quelque chose à vendre et que tous seraient acheteurs. En tout cas, un état d'esprit prédomine : tout s'achète et se vend. Toute la gamme des produits et tous les styles cohabitent pour le plus grand bonheur de producteurs plus ou moins lointains qui se frottent les mains devant l'appétit consumériste des Algériens. Une récente étude de l'Office national des statistiques (ONS) corrobore cette impression : l'activité du secteur tertiaire est en expansion remarquable. Faut-il s'attarder sur les filières d'approvisionnement de ce secteur ? Téléphones portables d'origine douteuse, petits matériels électroménagers contrefaits, produits alimentaires non contrôlés, pour ne citer que ceux-là, font le bonheur des petits revendeurs et des places «offshore » genre Hamiz à l'est d'Alger et Dubaï à El-Eulma. Faut-il s'inquiéter de la prolifération des intermédiaires dans la production agricole, qui mettent le feu au panier de la ménagère ? Probablement pas. Dans cette affaire, les consommateurs se soumettent à la dictature des approvisionnements, maillon le plus faible d'une chaîne qui profite totalement à la vague conquérante des nouveaux mercantis. Cette dynamique commerçante devrait satisfaire les économistes. Mais ces derniers, fort mauvais coucheurs, estiment au contraire que la prédominance du commerce dans un pays qui produit très peu est révélateur des faiblesses de l'économie. Le pays est un territoire de comptoirs où se déversent les marchandises de fournisseurs étrangers, tout à fait satisfaits d'alléger le pays de sa rente pétrolière. Et les chemins commerciaux qu'emprunte la rente sont des allers simples vers d'autres paradis fiscaux, cette fois parfaitement délocalisés. Le commerce en soi est une activité éminemment utile. A condition toutefois que la distribution accompagne la production. Vendre ce que produisent les autres et payer avec l'argent d'une ressource non renouvelable est la traduction simple d'une non-économie. Il est possible que des découvertes nouvelles de gisements gaziers et pétroliers, combinées à la hausse des prix de l'énergie, puissent donner aux Algériens des moyens supplémentaires pour continuer à commercer en rond. Le pari est risqué. Mais faute d'une stratégie de diversification de l'économie et de soutien actif à l'investissement créateur de richesses, il est l'unique politique économique qui bénéficie avant tout à nos mercantis et leurs fournisseurs. |
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