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Trois jours après l'investiture du général Mohamed Ould Abdel Aziz : La Mauritanie a connu son premier attentat-suicide

par M. S.

Une Mauritanienne et deux gendarmes français «très légèrement» blessés. Le premier attentat suicide enregistré samedi en Mauritanie, à proximité de l'ambassade de France, n'a pas fait de graves dégâts. Mais comme lorsque les premiers attentats-suicides ont été commis en Algérie, certains n'hésitent pas à parler de «tournant». Le profil du kamikaze est en tout cas de nature à confirmer les appréhensions dans un pays où la pauvreté endémique d'une grande partie de la population est accompagnée par une grande instabilité politique. Le nouveau pouvoir en tout cas trouve dans la lutte antiterroriste un argument de plus pour se faire admettre par les puissances occidentales. C'est d'ailleurs, la véritable raison de la grande complaisance des pays occidentaux à l'égard du général putschiste, Mohamed Ould Abdel Aziz. Inévitablement, même si aucun élément ne venait le conforter hier, les médias ont automatiquement évoqué Al-Qaïda du Maghreb. Un peu plus d'un mois plus tôt, le 23 juin dernier, un citoyen américain de 48 ans, Christopher Leggett, résidant dans le pays depuis plusieurs années, avait été tué en plein jour de plusieurs balles dans la tête, devant l'établissement d'enseignement qu'il dirigeait. Cet assassinat a été revendiqué le 6 août dernier, dans un communiqué attribué à l'AQMI qui lui impute des activités évangélistes. Auparavant, les services de sécurité mauritaniens ont arrêté, le 18 juillet, après une fusillade, deux activistes qui seraient impliqués dans l'assassinat de l'Américain. L'une des deux personnes arrêtées portait, selon des sources policières, une ceinture d'explosifs qu'il n'a pas actionnée. Le premier attentat suicide a été peut-être évité ce jour-là.



Un jeune Hratni



 Le profil du kamikaze commence d'ailleurs à être établi. Les policiers ont découvert, sur le site de l'explosion, une carte d'identité au nom de «Hamdi Ould Vih El Barka», âgé de 22 ans, natif du quartier populaire de Arafat (Nouakchott). Il fait partie des «Hratnas», c'est-à-dire, les anciens esclaves. Ce que corrobore la victime mauritanienne, Salka Mint Cheikh, qui a indiqué que le kamikaze qui s'est approché des deux ressortissants français en criant «Allah Akbar» était de «teint noir». D'après des sources sécuritaires, le jeune homme était déjà recherché par les services pour appartenance à la «mouvance salafiste». Ce premier attentat-suicide semble viser le nouveau président mauritanien, auteur d'un putsch qu'il a fait avaliser par une élection contestée par l'opposition, qui a développé un discours combattif contre le terrorisme. L'attaque a, en effet, eu lieu trois jours après l'investiture du général Mohamed Ould Abdel Aziz. Mais l'attentat cible particulièrement la France qui a été, au grand dam de l'opposition, un des premiers pays à reconnaître la légitimité du nouveau pouvoir. Paris a condamné l'attentat «avec la plus grande fermeté» et a exprimé aux «autorités mauritaniennes son entière solidarité face à cet acte de terrorisme». La France a exprimé aussi «sa détermination à lutter contre le terrorisme aux côtés des autorités et du peuple mauritaniens». Le secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, semble privilégier une lecture liée à l'actualité mauritanienne. «Il n'est pas certain, a-t-il dit, que ce soit directement la France qui soit visée. L'attentat pour l'instant n'a pas été revendiqué. Je crois qu'il est surtout en relation avec l'élection du président Aziz, qui a indiqué qu'il était déterminé à s'attaquer à Al-Qaïda». La France, a-t-il poursuivi, «s'est réjouie de cette position, donc, dire que la France est visée, on ne peut pas dire le contraire».

Les attaques d'Ayman Al-Zawahiri

Il faut relever également que l'attentat intervient quelques jours seulement après des attaques d'Ayman Al-Zawahiri contre la France. Un lien de causalité de ces déclarations avec l'attentat ne paraît pas encore évident. La nature de l'attentat inquiète en tout cas fortement les responsables mauritaniens. «Une tentative d'attentat-suicide est quelque chose de nouveau en Mauritanie, nous devons nous tenir sur nos gardes face à ce nouveau type de menace», a indiqué à l'AFP un responsable mauritanien de la sécurité qui a annoncé des «mesures de sécurité supplémentaires». Le nouveau président mauritanien avait évoqué, avant l'attentat-suicide, un «terrorisme naissant» en Mauritanie où «une jeunesse parfois égarée» est «embrigadée». Comme tous les pays, nous avons une jeunesse parfois égarée, qui se trouve prise dans les mailles du filet; elle est alors embrigadée, entraînée et se retourne parfois contre son propre pays. Nous devons combattre ce phénomène, en coordination avec d'autres pays partenaires», avait-il ajouté. «Il faut aussi protéger notre jeunesse en luttant contre la pauvreté, l'exclusion et la misère, qui pourraient la conduire à se jeter dans les bras du terrorisme», a-t-il poursuivi. Vaste programme.