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Nicolas Sarkozy ne sait plus par quel bout prendre l'Union pour la
Méditerranée, dont il voulait faire un projet phare de son premier mandat
présidentiel.
Malgré son volontarisme forcené, malgré les cadeaux distribués et ses nouvelles «fréquentations», le chef de l'Etat français n'est pas arrivé à donner corps à cette initiative, lancée en grande pompe il y a un an. Pourtant, Nicolas Sarkozy n'a pas lésiné sur les moyens. Pour convaincre la Libye et la Syrie, il n'a pas hésité à inviter les chefs d'Etat de ces pays à visiter la France, alors qu'ils étaient naguère classés parmi les dirigeants infréquentables. Il a même été contraint de subir une visite, disons colorée, du leader libyen Mouammar Kadhafi à Paris, et à se rendre en visite à Damas. Un peu plus tard, il entame la distribution des cadeaux pour maintenir l'intérêt de nombreux pays de la rive sud, que le projet semblait déranger dans leur torpeur. L'Egypte se voyait offrir une présidence, la Tunisie se voyait promettre d'abriter un des sièges de la future organisation, le Maroc recevait comme cadeau un virtuel secrétariat général. Comme Abdelmoumène Khalifa en son temps, M. Sarkozy semblait disposé et en mesure de satisfaire les moindres caprices des uns et des autres. Il faut pourtant bien se rendre à l'évidence, la prodigalité du chef de l'Etat français n'a pas suffi. Son projet n'a guère avancé, même si une réunion des ministres des Finances vient de se tenir à Bruxelles et si des projets liés à l'environnement sont sur le point d'être finalisés. Cet échec est expliqué par différents facteurs. En premier lieu, l'agression israélienne contre Ghaza. Le choc provoqué par cette nouvelle tragédie imposée aux Palestiniens a été très violent. Il était difficile de renouer le dialogue après un tel déferlement de violence. L'opinion européenne elle-même a été choquée par la sauvagerie de l'agression. Peu de dirigeants arabes pouvaient s'asseoir à la même table avec les chefs de guerre israéliens tant que la blessure n'aura pas cicatrisé. D'autres spécialistes avancent le ralentissement dans la mise en place de l'UPM par le décalage dans le niveau de développement entre pays du nord et ceux du sud. Les uns sont riches, développés, avec un niveau de vie très élevé et des sociétés stables. Les autres ont des populations pauvres, avec un revenu faible, une économie primaire et une instabilité sociale chronique. L'hésitation des pays arabes à s'engager davantage révèle aussi qu'ils étaient intrigués par un partenaire, la France, avec lequel ils ne savent comment traiter, eux qui sont habitués à regarder le monde à travers le prisme américain. On sait en effet obéir, s'opposer ou essayer de manoeuvrer avec le partenaire et patron américain, mais la France, puissance intermédiaire, qui veut s'imposer comme un géant de la Méditerranée, laisse les pays du sud plutôt sceptiques. D'autant plus que M. Sarkozy a été contraint de revoir profondément sa copie sous la pression de l'Allemagne, qui refusait une UPM en dehors des institutions européennes. Que pèse M. Sarkozy en Méditerranée si la seule Allemagne réussit à lui dicter ses choix ? Mais ces facteurs, tout autant que la méthode Sarkozy, faite d'annonces et de spectacle, ne suffisent pas à expliquer le piétinement de l'UPM, qui tient en fait à deux grandes raisons : l'absence d'institutions démocratiques dans les pays du sud et la formidable force d'inertie qui domine ces pays et les empêche de bouger dans n'importe quelle direction. En fait, en lançant l'UPM, les Européens semblent oublier leur propre expérience. L'Europe elle-même s'est construite parce que les pays qui la composaient étaient démocratiques. La construction européenne elle-même a, à son tour, renforcé et consacré la démocratie sur le vieux continent. Aucun pays n'a été admis en Europe avant d'avoir établi des institutions démocratiques. Plus encore, aucune construction n'est possible avec des régimes autoritaires. Ce qui handicape aussi les pays du sud, c'est la force d'inerte qui les empêche d'évoluer. Aucun pays du sud ne semble en mesure d'évoluer vers des institutions représentatives et efficaces. Pire : nombre d'entre eux semblent évoluer à contresens de l'histoire. Après les royaumes, et après la Syrie, où la dynastie des Assad est en train de s'installer, plusieurs autres pays semblent vouloir s'orienter vers des successions familiales, comme semble le montrer l'évolution politique en Egypte et en Libye. Ce type de pouvoir a été abandonné en Europe depuis plusieurs siècles. Il ne semble guère compatible avec des constructions modernes, comme celles que l'Europe a réussi à mettre en place. D'où cette question : M. Sarkozy et les promoteurs de l'Union pour la Méditerranée pensent-ils réellement que les pays du sud sont capables de devenir partie prenante d'un projet aussi ambitieux, tout en conservant leurs systèmes politiques actuels ? |
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