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L'économie algérienne est une
économie rentière exportant 98% d'hydrocarbures à l'état brut ou semi-brut avec
les dérivés et important 75/85% des besoins des entreprises, dont le taux
d'intégration, privé et public ne dépasse pas 25/15%. Environ 83% du tissu
économique étant représenté par le commerce et les services de très faibles
dimensions, le taux de croissance officiel hors hydrocarbures étant artificiel,
80% du PIB via la dépense publique l'étant grâce aux hydrocarbures.
Selon les données officielles, plus de 90% des entreprises privées algériennes sont de types familiaux sans aucun management stratégique, et que 85% d'entreprises publiques et privées ne maîtrisent pas les nouvelles technologies et la majorité des segments privés et publics vivent grâce aux marchés publics octroyés par l'Etat. Il existe un théorème universel en sciences politiques : 80% d'actions mal ciblées ont un impact sur seulement 20% de l'activité économique et sociale avec un gaspillage des ressources financières. Tandis que 20% d'actions bien ciblées ont un impact de 80%. Outre les réformes institutionnelles dans le cadre d'une vision claire et datée des réformes structurelles, renvoyant à la refonte de l'Etat pour de nouvelles missions adaptées des relations dialectiques Etat-marché, pour l'Algérie, enjeu énorme de pouvoir, les grand défis pour le président de la République Abdelmadjid Tebboune sont la réforme de Sonatrach lieu de la production de la rente et le système financier dans son ensemble (douane, fiscalité, domaine, banques) lieu de distribution de la rente, afin de l'autonomiser afin qu'il ne soit plus dans le sillage des sphères de clientèles. 1.-Selon le FMI, l'Algérie a connu une croissance négative de 5% en 2020, en 2021, un taux positif de 4% et des projections de croissance pour l'année 2022 qui ont été révisées à la hausse à 2,4% au lieu de 1,9% estimé précédemment. La loi de finances 2022 a fixé le prix de référence du baril de pétrole brut à 45 dollars pour la période 2022 et le prix de marché du baril de pétrole brut à 50 dollars. Contrairement à la vision de sinistrose, l'Algérie possède des marges de manœuvre encore que la dette publique totale globale (intérieure et extérieure) est en nette augmentation, 10,5% du PIB en 2015, 22,9% en 2016, 37% en 2018 et 48,6% en 2019, 50.7% du PIB en 2020 et selon les projections du FMI à 59.2% du PIB en 2021 et 65.4% en 2022, le stock de la dette extérieure étant relativement faible selon le rapport International Debt Statistics 2022 étant passée de 7,253 milliards de dollars en 2010 à 5,463 milliards de dollars en 2016, en 2019 5,492 et fin 2020 à 5,178 milliards de dollars. Quant à l'évolution des réserves de change elles ont évolué de - 2013 : 194,0 milliards de dollars, ? 2018 : 79,88 milliards de dollars, - fin 2019 : 62 milliards de dollars, ? fin 2020, et 44 milliards de dollars fin 2021, étant prévu par le FMI sous réserve du maintien du cours du pétrole supérieur à 110 dollars le baril, un cours du gaz supérieur à 15 dollars le MBTU, une recette de Sonatrach d'environ 58 milliards de dollars pour fin 2022. Mais attention il faudra dresser la balance devises dans la mesure où avec l'inflation, outre le lancement de nouveaux projets qui nécessitent des devises, il faut pondérer la valeur importations de 2021 entre 30/40% par rapport qui ont dépassé les 40 milliards de dollars inclus les services qui ont été de 6 milliards de dollars selon le FMI en 2021. Le déficit du budget selon la LF2022 représenterait par rapport au PIB, -18,1 % en 2022, contre ? 12,7% en prévision de clôture de 2021 un montant d'environ 30 milliards de dollars au cours au moment de l'élaboration de la loi de finances. Mais le constat renvoie au couple taux de croissance faible et pression démographique galopante, la population totale ayant évolué en 2000 de 30,87 millions d'habitants à 45 millions d'habitants en 2021 avec une projection de 51,309 millions en 2030 , nécessitant de créer plus de 350.000 emplois par an qui s'ajoute au taux de chômage actuel devant avoir un taux de croissance sur plusieurs années entre 8/9% pour atténuer les tensions sociales, le taux de chômage étant estimé en 2021 à environ 14% de la population active qui devrait, selon le FMI, baisser entre 2022/2023 pour se situer à 11,1% en 2022 et 9,8% en 2023. L'indice officiel de l'ONS doit être pris avec précaution, la composition du panier n'ayant pas été actualisée depuis 2011, donc sous-estimant le taux d'inflation. Selon le site international trading/economics 2022 pour l'Algérie, le taux d'inflation a été en octobre 2021 de 9,2%, en novembre 2021 de 9,3%, en décembre 2021 de 8,5%, en janvier 2022 de 9,0%, en février 2022 de 9,6%, en mars 2022 de 9,8% et en avril 2022 de plus de 10% alors que la loi de finances 2022 a prévu un taux d'inflation de 3,7% en 2022 loin de la réalité. C'est que plus de 85% des entrants des entreprises privées et publiques proviennent de l'extérieur ainsi qu'une grande partie de la consommation des ménages, la non maîtrise du commerce extérieur par des restrictions sans analyse et la dévaluation du dinar accélèrent le processus inflationniste qui se répercute également sur le pouvoir d'achat. Ainsi, la cotation du dinar est passée en 1970, à 4,94 dinars un dollar 2010, 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro : -2015, 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro, le 14 juillet 2022 , la cotation est de 147,0560 dinars un dollar et 147,4531 dinars un euro et pour la LF 2022: 149,71 dinars un dollar en 2022 et 156 dinars en 2023, le cours sur le marché parallèle cours vente étant de 210 dinars un euro et 208 dinars un dollar. Actuellement du fait de l'important déficit budgétaire de l'Europe et de l'inflation le cours euro/dollar est de 0,99 permettant un pouvoir d'achat plus important pour les recettes de Sonatrach et du fait que plus de 50% des importations provenant de l'Europe une baisse proportionnelle par rapport à la cotation de 2021 de la facture d'importation. C'est que la Banque d'Algérie procède au dérapage du dinar par rapport au dollar et à l'euro augmentant artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu'en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l'inflation des produits importés, montant accentué par la taxe à la douane s'appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l'entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. Nous sommes dans un cercle vicieux : étant une loi économique, il faudra forcément augmenter le taux d'intérêt des banques notamment publiques qui accaparent plus de 85% des crédits octroyés si on veut éviter leur faillite et comme par le passé des recapitalisations via la rente des hydrocarbures et sur le plan social les revendications sociales pour une augmentation des salaires qui à leur tour en cas de non productivité accélère l'inflation, la dérive salariale étant suicidaire car une nation ne peut distribuer plus que ce qu'elle ne produit. Aussi l'on devra éviter de faire un bilan sans passion de tous les organismes chargés de l'emploi, ainsi que tous les avantages accordés récemment aux start-up, sachant que selon les déclarations officielles plus de 70% des micro-entreprises sont en difficulté devant éviter le saupoudrage social. Il en est de même de l'assainissement des grandes entreprises publiques, qui selon le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Prospective le 03 janvier 2021 avait annoncé l'équivalent de près de 250 milliards de dollars ayant été alloués par l'Etat au secteur public marchand sur les 25 dernières années, sans compter les différentes réévaluations avec un impact mitigé. Pour éviter des remous sociaux, l'Etat généralise les subventions. La loi de finances 2022 prévoit un budget de 1 942 milliards de dinars quant aux transferts sociaux, représentant 8,4% du produit intérieur brut (PIB), en baisse de 131,2 milliards de dinars (-6,3%) par rapport aux prévisions de la loi de finances complémentaire pour 2021. 2- L'Algérie a une économie de nature publique avec une gestion administrée centralisée, du fait que les réformes structurelles de fond tardent à se concrétiser sur le terrain, la presque totalité des activités quelle que soit leur nature, y compris la sphère informelle indirectement, se nourrissent de flux budgétaires c'est-à-dire que l'essence même du financement est liée à la capacité réelle ou supposée du Trésor. On peut considérer que les conduits d'irrigation, les banques commerciales et d'investissement en Algérie opèrent non plus à partir d'une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la Banque d'Algérie pour les entreprise publiques qui sont ensuite refinancées par le Trésor public sous la forme d'assainissement : rachat des engagements financiers des EPE auprès de la Banque d'Algérie, plusieurs dizaines de milliards de dollars entre 1971/2020 : alors que plus de 70% de ces entreprises sont revenues à la case départ montrant que ce n'est pas une question de capital argent. C'est que la richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Puisque pour l'Algérie, cette transformation n'est plus dans le champ de l'entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (répartition de la rente des hydrocarbures), dans cette relation, le système financier algérien est passif. Comme conséquence, le système financier algérien est actuellement dans l'incapacité de s'autonomiser, la sphère financière étant totalement articulée à la sphère publique. Le marché bancaire algérien est totalement dominé par les banques publiques, les banques privées malgré leur nombre, étant marginales en volume de transaction (moins de 15%) , avec au niveau public, la dominance de la BEA, communément appelé la banque de la Sonatrach. Quant à la finance islamique comme moyen de financement, qui est de promouvoir l'investissement dans des actifs tangibles, il faut éviter l'utopie représentant 2021 moins de 1% du financement global de l'économie mondiale, encore qu'il faille l'encourager, sa réussite impliquant une visibilité, la maîtrise de l'inflation, et la stabilité de la cotation du dinar par rapport aux devises euro et dollar (voir notre interview mensuel Capital FR/AFP ?France 24-11/08/2020). Ce manque de confiance est accentué par la planche à billets comme moyen de financement, qui a été utilisé dans des pays qui ont une importante structure productive par la relance de la demande globale ce qui n'est pas le cas en Algérie, souffrant de rigidités structurelles et une faiblesse de l'offre. Quant à la Bourse d'Alger, création administrative en 1996, elle est en léthargie, les plus grandes sociétés algériennes comme Sonatrach et Sonelgaz et plusieurs grands groupes privés n'étant pas cotées en Bourse. L'économie est dominée par la sphère informelle notamment marchande accaparant selon le président de la République, soulignant l'effritement du système d'information, entre 6.000 et 10.000 milliards de de dinars soit entre 33% et 45% du PIB, elle-même liée à la logique rentière, ce qui explique le peu de transactions au niveau de la Bourse d'Alger. Car pour avoir une cotation significative, l'ensemble des titres de capital de la Bourse d'Alger doit représenter une part significative du produit intérieur brut, les volumes de transactions observés étant actuellement insuffisants. Les opérateurs privés susceptibles de se lancer dans cette activité ne pourront le faire que lorsque le nombre de sociétés et le volume traité seront suffisants pour seulement couvrir leurs frais.. Sur le plan technique, en l'état actuel de leurs comptes, très peu d'entreprises connaissent exactement l'évaluation de leurs actifs selon les normes du marché. Il se trouve que les comptes des entreprises publiques algériennes de la plus importante à la plus simple sont dans un état qui ne passerait pas la diligence des audits les plus élémentaires. Même une grande société comme Sonatrach ou de grandes banques publiques ne sont pas cotés en Bourse, ne pouvant donc pas évaluer leur efficience, contrairement aux grandes sociétés internationales. L'important pour une Bourse fiable est le nombre d'acteurs fiables au niveau de ce marché pour l'instant limité. Imaginez-vous un très beau stade de football pouvant accueillir plus de 200.000 spectateurs sans une équipe pour disputer la partie. L'obstacle principal est un environnement des affaires bureaucratisé expliquant le peu d'entreprises productives et donc cette léthargie. La persistance des déficits publics à travers l'assainissement de leurs dettes et l'appui à l'investissement, le manque de rigueur dans la gestion dont les lois de finances prévoient toujours des montants pour les réévaluations des coûts des projets publics en cours de réalisation, a produit un système d'éviction sur l'investissement productif, y compris certains services qui créent de la valeur, où en ce XXIème siècle devant dépasser la mentalité matérielle du passé. Sans une véritable réforme du système financier, synchronisé avec de profondes réformes institutionnelles, du système socio-éducatif, de l'épineux problème du foncier avec toutes les utilités à un prix abordable, une véritable décentralisation autour de grands pôles régionaux, il est utopique d'aller vers un développement hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales : exemple la léthargie de la direction générale des domaines, lieu d'enjeux importants, qui a permis à une certaine oligarchie rentière la dilapidation du foncier, plus de 50% des habitations n'ayant pas de titres de propriété : allez demander un livret foncier avec des marchandages que vivent dramatiquement des millions de citoyens confrontés à une bureaucratie néfaste ; imaginez-vous seulement que 5 millions d'unités payent seulement 10.000 dinars par an d'impôt du foncier afin d'atténuer le déficit budgétaire. Nous avons le même constat au niveau des banques publiques qui ont octroyé à cette même oligarchie des montants faramineux se chiffrant en centaines de milliards de dinars sans une véritable garantie. Au niveau de la douane, il y a impossibilité d'avoir une traçabilité réelle du coût et de la qualité des produits importés faute d'un tableau de la valeur relié aux réseaux internationaux que j'avais suggéré déjà en 1982, lorsque j'étais haut magistrat, directeur général des études économique à la Cour des comptes, n'ayant jamais vu le jour car s'attaquant à de puissants intérêts. Je ne parlerai pas du système fiscal, où l'évasion fiscale prend des proportions inquiétantes, à réformer totalement, en liaison avec d'autres départements ministériels, et l'urgence de sa numérisation. Les petites et moyennes entreprises (PME) jouant un rôle vital dans le développement économique sont souvent confrontées à plusieurs défis en matière de croissance, le plus grand obstacle demeurant leurs capacités limitées à avoir accès aux services financiers. Il y a lieu de mettre en place d'autres modes de financement pour dynamiser le tissu productif et de lever la rigidité de la gestion, les banques privilégiant l'importation au détriment des producteurs de richesses. Ce qui suppose d'autres modes de financement, sans bien entendu renier les instruments classiques, afin de dynamiser les projets facteurs de croissance dont le retour du capital est lent. Le crédit-bail, qui est en fait une sous-traitance dans l'achat de biens et la gestion de prêts, peut être considéré comme un substitut de l'endettement tant des entreprises que des particuliers écartées des formes traditionnelles d'emprunt en raison de leur risque. Les financements bancaires à long terme habituels sont généralement inaccessibles pour les PME, faute de garanties, ce qui rend les actifs mobiliers peu sûrs pour l'accès au crédit. Cette situation, ajoutée au niveau élevé des coûts de transaction liés à l'obligation de vigilance, amène les banques commerciales à continuer de privilégier les prêts aux entreprises bien établies. Dès lors, le crédit-bail pourrait être un complément comme moyen de financement pour certains biens d'équipements en particulier pour les entreprises qui n'ont pas une tradition de crédit ou qui ne disposent pas des garanties requises. Mais le plus grand obstacle, c'est la bureaucratie centrale et locale néfaste renvoyant au climat des affaires en Algérie où le pouvoir bureaucratique décourage les véritables investisseurs (note interview le Mondefr / Paris avril 2022). En résumé, le compromis et les objectifs stratégiques des années 2022/2030 devront concilier l'impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d'une société ouverte et le devoir de solidarité, en un mot l'efficacité et l'équité. Mais il ne faut pas être utopique, Sonatrach sera pour longtemps la principale société pourvoyeur de devises. D'où l'importance de l'installation du Conseil National de l'Energie, seul organe habilité à tracer la politique énergétique. Il faut éviter toute ambiguïté, l'égalité n'est pas celle du modèle de l963-2019 mais recouvre la nécessité d'une transformation de l'Etat gestionnaire à l'Etat régulateur, par la formulation d'un nouveau contrat social. Aussi, si certaines conditions sont remplies, à savoir adaptation aux nouvelles mutations mondiales, la bonne gouvernance et la valorisation du savoir, l'Algérie, forte de ses importantes potentialités, et cela est reconnu par les grandes puissances et plusieurs rapports internationaux de défense/sécurité, 2018/2020, peut asseoir une économie diversifiée et devenir un pays pivot et facteur de stabilité de la région méditerranéenne et africaine. *Professeur des universités, expert international, Docteur |
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