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Au moment de notre
indépendance, le secteur minier algérien était détenu par des entreprises
étrangères. L'État algérien avait pour rôle la régulation des activités de ce
secteur. Aucun Algérien ne possédait de gisement de matières premières.
En 1966, le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire décida de nationaliser les mines et ainsi rendre ces richesses minières à son véritable propriétaire : le peuple algérien. La SONAREM fut créée et chargée de la mise en valeur de ce patrimoine minier. Ce fut l'épopée de la recherche minière dans le Nord, dans le Hoggar et aux Églabs. Une nouvelle génération de spécialistes des Sciences de la Terre a été formée tant en Algérie qu'à l'étranger. Il faut souligner l'apport de la coopération des spécialistes des pays de l'Est dans la réalisation de ce programme. Une attention particulière doit être attribuée aux prospecteurs, techniciens et foreurs algériens de cette époque. Ces professionnels étaient formés à Aïn Taya, Miliana, etc. Ainsi, les noms de certains d'entre eux sont entrés dans l'histoire de cette période. Jusqu'à présent, les Algériens du Hoggar se rappellent les noms de Hassan Tahaggart, Mahmoud Etturki d'In Ouzal, Oukal de Bachir, Brahim de Tafassasset, Djamel Kitouni, etc. Vers les années soixante dix, les ingénieurs géologues algériens étaient très peu nombreux et pourtant ils relevèrent le défi de redémarrer l'exploitation des gisements miniers dans le nord de l'Algérie et démarrèrent le programme d'exploration du Grand Sud. Certains comme Si Abedelhamid Sloughi, Si Embarek El Aïa, Si Rabah Jaba, Si Baba Ahmed, etc., ont été à la base du développement de notre secteur minier. La deuxième vague de spécialistes algériens des Sciences de la Terre rentrant de l'étranger débarqua en Algérie en 1973. C'est à partir de cette époque que les jeunes ingénieurs algériens furent affectés dans les différentes équipes de recherche systématique sur tout le territoire national. Il s'agit de certains inoubliables spécialistes algériens comme Bendali Mohamed, Djamel Mériem, Lakhdar Boukhalfa. D'autres ingénieurs et docteurs algériens furent placés au niveau du management technique pour diriger et évaluer l'activité de prospection, exploration et développement des projets. Il s'agit de Touahri Belkacem, Madame Haddad, Mustapha Berrabah, Houfani Messaoud, Zorek Abdennour Ahmed Sabri, Lakhdar Ben Moussa, Mustapha Benzarga, Bencheikh Zoubir, etc. C'est à cette époque que les gisements d'or, d'uranium, de tungstène, de mercure, de baryte, de plomb-zinc et de fer furent découverts. Par la suite, la SONAREM fut déstructurée et on a vu la création d'une dizaine d'entreprises publiques activant dans le secteur minier. Le déclin de notre industrie minière a alors commencé, puis il fut aggravé par le remplacement de l'EREM par l'ORGM et le renvoi pur et simple de tous les spécialistes qui avaient une expérience dans ce domaine et qui avaient soixante ans et plus par l'innommable ministre de l'Énergie et des mines de l'époque : il s'agit de M. Chakib Khelil. Nous pouvons affirmer qu'il fut le fossoyeur du secteur minier algérien. Notre gouvernement actuel veut ressusciter le secteur minier et pour cela un ministère des mines fut créé, ce qui ne peut que réjouir les professionnels de ce secteur. Nous souhaitons bon vent pour ce ministère pour le bien de notre pays. La question cruciale se pose : que faire ? La principale réponse à cette question c'est le personnel technique : les géologues, géophysiciens, géochimistes, minéralogistes, pétrographes, chimistes, économistes miniers, ingénieurs des mines, etc. Il est notable que notre industrie minière manque cruellement de managers expérimentés pour gérer un projet technique dans le domaine minier depuis la confection d'une fiche technique d'un projet de prospection, exploration, exploitation de gisement jusqu'à la réalisation sur le terrain de ce projet et puis le développement de ce projet. Il est connu qu'à partir du moment où on commence un projet de prospection jusqu'au moment où on commence à exploiter cet éventuel gisement, il faut environ dix ans. Le capital à investir est à risques : on peut trouver un gisement ou rien du tout. Il faut noter qu'un gisement est une notion économique : on peut trouver une minéralisation mais son exploitation s'avère non rentable pour des raisons objectives : éloignement, absence d'infrastructures, eau, électricité, etc. Notre gouvernement veut lancer à titre d'exemple l'exploitation des gisements de fer de Gara Djebilet et Méchri Abed El Aziz. Ces gisements sont très éloignés de toute infrastructure de base. Le traitement du minerai extrait pose problème, ainsi que son transport vers le nord du pays pour son utilisation. Il faut un important investissement pour développer ce projet. La question qui se pose : est-ce qu'une étude de faisabilité bancale a été réalisée? Dans ce cas, quel sera le prix de revient d'une tonne de fer produite à partir de ces gisements et est-il comparable à celui de la tonne de fer sur le marché. De grandes compagnies minières ont dû arrêter actuellement la mise en valeur de gisement de fer dans le monde à cause de la rentabilité de ces projets. Pour le problème du gisement de plomb -zinc d'Amizour : l'exploitation de gisement se fera-t-elle en souterrain ou en Open Pit? L'exploitation en carrière est moins onéreuse mais plus polluante. Les habitants de la région seront-ils d'accord avec le choix économique et la pollution de la région par le plomb et le cadmium? Que dit l'étude d'impacts sur le milieu si celle-ci a été faite? Les futures coopératives de jeunes seront autorisées à exploiter des indices aurifères. Il faut savoir que la plupart de ces indices sont localisés dans le Hoggar ou dans le Yetti -Églabs. L'exploitation artisanale de ces indices exige un minimum d'équipement et de savoir-faire. Le traitement du minerai d'or demande l'emploi du cyanure ou du mercure. Seule l'entreprise ENOR est actuellement capable de faire ce traitement. On suppose que le minerai extrait par les coopératives sera remis à l'ENOR pour son traitement puis revendu à l'État. On oublie que certains indices d'or sont situés à des centaines de km de l'ENOR, aussi le problème de l'extraction du minerai (absence d'eau) et son transport jusqu'à Amesmessa revient très cher. Dans ces conditions, le prix de revient de l'once d'or sera-t-il rentable? L'or dans ces indices est localisé dans des filons de quartz. À ma connaissance, il n'existe pas de placers. La teneur d'or dans ces indices varie entre 1 à 10 g/tonne. Il faudra extraire des tonnes de roches pour obtenir quelques grammes d'or après le concassage-broyage et traitement du minerai. Pour avoir vu comment travaillent les ?'creuseurs'' au Burundi, au Congo et Rwanda, je peux dire que ce sont des conditions extrêmement dures avec beaucoup d'accidents. Les conditions de vie de ces ?'artisans'' sont lamentables. Il ne faut pas oublier le problème de sécurité de ces futures exploitations artisanales. L'autre question qui se pose: pourquoi des coopératives seulement de jeunes? Les Algériens sont-ils discriminés sur la base de l'âge? A mon humble avis, il faut permettre aux géologues algériens quel que soit leur âge de créer des entreprises et exploiter les indices d'or et des pierres précieuses. Sans le personnel technique qualifié, tout projet minier est voué à l'échec, aussi une attention particulière devra être accordée de ce côté. Pour redémarrer le secteur minier algérien sur de bases solides, que faut-il faire? Il faut réorganiser le secteur. Pour cela, il faut éliminer les résultats désastreux issus de la déstructuration de la SONAREM, c'est-à-dire l'augmentation du personnel non productif en limitant au strict nécessaire le personnel de soutien. La première chose à faire est de dissoudre l'entreprise MANAL qui est un verrou entre la prise de décision au niveau du terrain et de la direction des mines du ministère des Mines. Cela éliminera une bonne partie de la bureaucratie. Il faut créer une grande entreprise d'exploitation minière et une autre de recherche minière (Prospection-exploration). Toutes les entreprises publiques actuelles seront dissoutes et leurs patrimoines versés aux deux nouvelles entreprises qui seront créées. Les travaux de cartographie géologique, géophysique et géochimique devront être réalisés par les universités, instituts et un bureau de la recherche géologique et minière. L'exploitation de chaque gisement sera opérée par une unité de gestion locale. La prospection et l'exploration seront gérées par des unités de gestion régionales. Les entreprises privées algériennes ou étrangères ne risqueront pas leur capital en prospection. Elles doivent avoir accès au fonds documentaire national. La réalisation d'un cadastre minier national est impérative à la bonne gestion du secteur. Il est évident que le secteur manque cruellement de spécialistes, aussi, il faut songer à : soit envoyer les jeunes Algériens étudier à l'étranger et leur faire signer un contrat de travail dans le secteur à leur retour au pays, soit recruter des enseignants expérimentés de l'étranger. Pour garder en Algérie les spécialistes formés, il faut revoir la politique des salaires. Un ingénieur ou technicien doit être en mesure d'assurer une vie confortable à sa famille. Sinon, il sera attiré par les pays étrangers où il pourra s'épanouir culturellement et financièrement. Est-il concevable qu'un ingénieur travaillant dans un gisement d'or se trouvant à 500 km de tout lieu habité ne soit pas payé durant 3 mois et vivre dans des conditions très difficiles? Que fait-on pour retenir nos spécialistes (médecins, ingénieurs, docteurs, etc.) au pays? Pour bâtir une industrie minière digne de ce nom, il faut du temps, une volonté et beaucoup de moyens financiers. Il est absolument nécessaire de se baser sur des données objectives, réelles, pour élaborer une politique industrielle conséquente. Nous souhaitons beaucoup de succès à nos ingénieurs des Sciences de la Terre, en particulier à mes collègues qui travaillent sur le terrain dans le Hoggar ainsi qu'à ceux du nouveau ministère des mines pour le bien de notre beau pays. Bon vent ! *Docteur - Ph.d en sciences géologiques et minéralogiques - Maître de recherches en géologie minière - Consultant international en industrie minière |
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