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Il y a peu, lors d'une
Université d'été (2008) le dirigeant d'un parti politique a déterré un sujet que
l'on croyait certes non définitivement enterré, mais classé pour raison,
assurément,... de Réconciliation nationale : celui de la non-utilisation
généralisée de la langue arabe, constitutionnellement nationale et officielle,
dans les amphis... la langue française étant le «barrage» et la cause de tous
les échecs.
Cette sortie n'a pas manqué de surprendre tous les observateurs qui l'ont traitée de «diversion» politicienne, tant il est vrai que le pays a d'autres «chats à fouetter» d'autant que, selon notre connaissance du terrain (dont l'enseignement universitaire), la langue française n'est plus cette «arme fatale» d'une invasion culturelle... née bien avant l'Indépendance et qui n'en finit pas. Et, par ailleurs, la plupart des Facultés sont, depuis bien longtemps, dirigées par ...des arabisants bon teint. Mis à part l'enseignement scientifique et technique qui reste (un peu ici, beaucoup là) à la traîne, surtout dans les disciplines des sciences dites «dures», tout le reste est, pour ce qui concerne les étudiants et pour les enseignants, «mis à niveau» ou en fin de «mise à niveau», à de très rares exceptions près concernant ceux que les «chasses francophobes aux sorcières» encore existantes çà et là, ne sont pas encore arrivées à débusquer et à remplacer (il paraît qu'avec la rentrée 2008, ça recommence de plus belle , mais, of course, cela reste à vérifier !). D'ailleurs, bien des docteurs d'Etat d'universités prestigieuses, presque émérites ou en fin de carrière, sont, pour la plupart, de plus en plus «parqués» dans l'enseignement du français aux premières années de fac. Une denrée pourtant de plus en plus rare et, par la suite, l'heure de la retraite venue, il faudra, immanquablement, en importer du Liban, d'Egypte ou ... de France. Il y a de cela quelques années, intervenant lors d'une rencontre sur «la pratique de la langue arabe dans le monde des finances et des affaires», un économiste de notre vénérable Université avait alors appelé les décideurs politiques à «imposer l'application de la loi portant généralisation de la langue arabe et à sanctionner tout contrevenant». Il est évident que l'Algérie a cumulé énormément de retard dans la récupération de sa langue nationale officielle, en l'occurrence l'arabe. Mais, cela est-il réellement dû à tous ceux... de plus en plus rares, disions-nous, qui enseignent, travaillent et dirigent en français. Loin s'en faut ! Les retards sont dus d'abord aux structures gouvernementales et de l'université qui ne sont pas arrivées, 46 ans après l'Indépendance du pays, à mettre en place et surtout à développer et à conserver des mécanismes et des moyens humains et matériels oeuvrant en arabe de manière continue (traduction immédiate et obligatoire, édition des documents dans deux ou trois ou quatre langues, formation et cours de perfectionnement, bibliothèques bien fournies... comme cela se faisait dans les années 70 et début 80). Les retards sont dus, ensuite, à l'activisme et la surenchère de certains «doktours» qui, actionnant des associations ou des individus au nationalisme linguistique exacerbé ou de organisations estudiantines politisant tout et ce à dessein, ont freiné beaucoup plus qu'accéléré le processus mis en branle dans les années 70. Un activisme qui avait, en son temps, dans les années 60, «immobilisé» l'immense Malek Haddad et qui, par la suite, avait fait certainement «perdre quelques belles œuvres» au grand Rachid Boudjedra, le premier ne voulant plus écrire en français, le second hésitant à le faire. Dib a préféré l'exil extérieur, Kateb l'exil intérieur, Djebar l'indifférence... et les nouvelles générations, plus universelles, la «harga». L'arabisation se faisait alors lentement, mais sûrement et solidement. Les francophones, alors ni laïcs, ni francophiles, ni assimilationnistes, ni... s'arabisaient sans trop de peine (ceci leur était plus facile étant donné leur fonds culturel et éducationnel arabisé) et sans complexe. Puis, vinrent donc la contrainte, les interdictions de s'exprimer, les obligations d'aller encore plus vite, encore plus loin, de faire mieux, et les menaces de sanctions. Il est vrai que des «places» devaient être prises rapidement avant que les francophones ne s' «adaptent», même si cela devait se faire aux dépens de la compétence. Même les bilingues «passèrent à la casserole», soupçonnés d'être passés à l' «ennemi» ou plus prosaïquement, considérés comme des concurrents sérieux. Résultat des courses : un univers éducation nel et culturel de bas niveau, une langue française devenue un «pataouète» imbuvable, pire que celui des «pieds-noirs « de Bab El Oued, une langue arabe précieuse, élitiste, et une troisième langue, comprise seulement par les Algériens, langue sans règles que l'on entend à la radio, que l'on «voit» à la télé, ainsi que dans des discours politiques, qu'on «lit» dans les journaux populaires... et que l'on rencontre à travers les Sms et la publicité : un étrange mélange de Dardja, d'arabe littéraire, de traductions approximatives avec des «querelles de clochers» à n'en plus finir, de transcriptions en lettres latines d'appellations et d'adjectifs souvent ridicules surtout lorsqu'elles sont reprises dans les écrits officiels et les discours, de français violenté, de tamazight... depuis quelques années (chacun voulant, tout d'un coup, assumer, publiquement et «fièrement», ses racines berbères)...et, depuis peu, de termes anglo-américains (beaucoup de nos universitaires arabophones ayant fait des études in England or in The States). Même pas un langage pouvant être ordonné. Un sous-langage. Ceci sans parler de la prolifération des sigles. Une langue de «mutants»... à laquelle échappent, bien sûr, les nantis du portefeuille et du «bouzellouf» (comme ont échappé les héritiers des décideurs des années 60-80 qui, tout en prônant l'arabisation accélérée de l'école algérienne, avaient envoyé leur progéniture au Lycée français Descartes puis en France, ou en Suisse ou en Grande-Bretagne ou aux States). Tout le reste «merdoie» dans un vocabulaire bien pauvre, mélange de très mauvais français et de très mauvais arabe, sans aucun échafaudage grammatical. Qui se dit mais ne s'écrit pas ! Ce qui est certain, c'est qu'il ne se comprend que difficilement. Notre homo politicus aurait dû demander, avant son intervention, aux étudiants et aux chercheurs, quelles sont les sources documentaires les plus disponibles dans les bibliothèques et sur le Net et si, en arabe, elles sont suffisamment pertinentes pour aborder le recherche moderne et contemporaine... en lettres comme en sciences, certes en sciences beaucoup plus qu'en lettres. Notre homo economicus, aurait dû (et devrait) beaucoup plus fournir les résultats de ses recherches scientifiques, de ses travaux (en n'importe quelle langue, nous sommes preneurs !) et de son enseignement scientifique. Quant aux langues, qui vivent au rythme de la société et du génie de cette dernière, elles trouveront, dans la bousculade contemporaine, toutes seules, le chemin de leur salut, celui de la «langue du fer et de l'acier» de Houari Boumédiène ou de «la langue du monde réel» de Merzag Bagtache. A condition, bien sûr, que les règles essentielles et de base de leur utilisation, surtout dans les cadres officiels et représentatifs du pays, soient respectées. Encore faut-il que ces règles soient sainement et simplement enseignées au niveau des écoles. Et, encore faut-il qu'il y ait, en dehors des sous-langages, un langage unifié... en Algérie et dans le monde arabe. Encore faut-il, pour ce qui nous concerne, que l'Académie algérienne de la langue arabe (déjà créée, mais dont les activités restent limitées, pour l'instant, à celles de son directeur au niveau de la Ligue arabe en tant que président du Comité supérieur du projet... encore un !... de «banque de données arabe») se réunisse et commence à travailler. Encore faut-il... Quant à l'arabisation, il n'y a qu'à suivre l'exemple de la presse écrite nationale qui, aujourd'hui, à peine en moins d'une décennie a réussi, dans la liberté, sans menaces ni contraintes ni sanctions, à s'arabiser et à s'imposer sur le marché (près de 60% pour la presse quotidienne et bien plus pour la presse périodique)... et ses journalistes et ses collaborateurs, écrivains ou poètes, véritables intellectuels, dont les noms sont bien connus et qu'il ne faut pas citer ici au risque de leur attirer des «ennuis» pour «complicité francophile», quelles que soient les critiques émises à leur endroit, sont devenus, sans menaces ni contraintes ni sanctions, les moins mauvais des multilingues du pays... (Article déjà publié in le magazine «Le Cap», n°10, 16-31 octobre 2008) |
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