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Doté
de la première réserve mondiale de pétrole (environ 302,25 Mds de barils), le
Venezuela est excessivement dépendant des fluctuations du prix du pétrole (qui
constitue 96% des exportations). Les matières premières n'ont jamais constitué
le facteur décisif du développement, l'exemple le plus frappant étant l'Afrique.
Or, la bonne gouvernance et la valorisation du savoir, constituent le pivot
d'un développement durable. C'est le paradoxe d'une économie rentière, le
Venezuela étant un pays riche en ressources naturelles mais avec une population
de plus en plus pauvre, le pays étant au bord de la faillite. L'Algérie, pour
ne pas renouveler cette expérience malheureuse, doit méditer la leçon
vénézuélienne. C'est que la baisse du déficit commercial, malgré toutes les
mesures souvent bureaucratiques de 2009 à 2017 (règle des 49/51%, Crédoc qui a remplacé le Remdoc) , les licences d'importation, pour le premier semestre
2018, environ 98/99%, est due aux recettes de Sonatrach
et non à la baisse des importations. En ce mois de juillet 2018, Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach.
1.-Le syndrome vénézuélien 1.1- D'une superficie de 912.050 km² avec comme capitale Caracas et des principales villes Maracaibo, Valencia, Barquisimeto, Maracay, Merida, Ciudad Bolivar avec environ 40 langues autochtones (wayuu, piaroa, pemón, guahibo, etc.), le Venezuela fait partie de la CEPALC (Commission économique pour l'Amérique Latine) et de la MCCA (Marché Commun d'Amérique Centrale). Il est partenaire du MERCOSUR, s'étant retiré de la Communauté andine, qui regroupe plusieurs pays du cône sud, en 2006. Le Venezuela a une population de 32,401 millions en janvier 2018 dont 93,4% urbaine et 6,6% rurale avec une densité de 28,5 habitants par km², une espérance de vie de plus de 72 ans, et un taux d'alphabétisation de 95,5%. Avec la crise pétrolière, le Produit intérieur brut (PIB), en milliards de dollars courants US a été estimé selon le FMI à 242 milliards de dollars en 2015, de 236 en 2016, de 215 en 2017 avec une prévision de 207 en 2018 et 184 en 2019. Les principaux secteurs d'activités dans le PIB : secteur agricole : 3,8 % ; secteur industriel : 45,8 % avec dominance des hydrocarbures (96% des exportations en devises) et le secteur des services : 50,4 % en 2015 qui est passé à 71% en 2017 avec la dominance de la sphère informelle. Les exportations de produits non pétroliers ne sont que marginales (4 à 5% du total) et sont en diminution constante en valeur et en volume en raison des difficultés croissantes rencontrées par l'appareil productif national. Elles sont dominées par les produits chimiques et minéraux (60/70% du total).La dette extérieure du Venezuela est estimée à 150 milliards de dollars. L'économie du Venezuela est intimement liée à sa production pétrolière, qui représente la quasi-totalité des exportations du pays et fournit au pays la première source de recettes en devises. Or, la production de pétrole a atteint son plus bas niveau depuis 30 ans, à 1,5 million de barils par jour, selon l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). La dette extérieure du Venezuela est estimée à 150 milliards de dollars en 2017. La population souffre de graves pénuries d'aliments et de médicaments, faute d'argent pour les importer. Le pays ne dispose plus que de 9,7 milliards de réserves et devait rembourser au moins 1,47 milliard avant fin 2017, puis 8 milliards en 2018. Utilisant à fond le financement non conventionnel qui par la suite n'a pas été maîtrisé faute de réformes structurelles, cela a entraîné une spirale inflationniste. Avec la chute des recettes d'hydrocarbures qui tiennent la cotation de la monnaie, cette baisse de la production a induit des dévaluations fréquentes du bolivar fuerte depuis 2013 qui ont entraîné le pays dans l'impasse sur le plan économique. Annoncé en mars 2016 et implémenté en mai 2017, le système de taux de change multiple du Venezuela a connu des changements la banque centrale ne cotant que les deux premiers taux. Les biens qualifiés d'»essentiels» peuvent être achetés au taux moyen officiel, appelé DIPRO, suite à une liste des biens «essentiels» qui peuvent prétendre à ce taux, notamment les importations de nourriture, de médicaments ainsi que certaines opérations d'entreprises pétrolières publiques. Fin 2017, ce taux était de 9,9875 VEF/USD. Les importations considérées comme non essentielles peuvent être échangées à un taux différent, le DICOM qui est un système d'enchères conçu pour permettre un taux théoriquement variable dans le temps. Courant 2017 le taux moyen de ce système était de 3340,82 VEF/USD. Il existe un troisième taux sur le marché parallèle très fluctuant, fonction du taux d'inflation très élevé ,où l'accès aux dollars américains étant limité au travers des deux systèmes officiels. La valeur du dollar américain sur ce marché noir coté fin 2017 à environ 40000 USD/VEF. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le PIB réel du Venezuela devrait se contracter de 18% en 2018. Cela représenterait un recul de 45% de l'activité économique vénézuélienne par rapport à son niveau de 2013 avec une hyperinflation. L'inflation a explosé, en un an, à 13 779 % (d'avril 2017 à avril 2018) et selon Alejandro Werner, chef du département Hémisphère Ouest au FMI, la croissance des prix à la consommation atteindra 1.000.000% à la fin de l'année 2018, « une situation similaire à l'Allemagne de 1923 et le Zimbabwe de la fin des années 2000 ». Dès lors nous assistons à une détérioration du pouvoir d'achat des couches les plus vulnérables et le nivellement par le bas des couches moyennes qui constituent la base du pouvoir. En 2018, près de 90% des habitants vivent ainsi sous le seuil de pauvreté selon l'enquête sur les conditions de vie au Venezuela (Encovi), contre 48% en 2014. 1.2.- Le constat est que le Venezuela est une économie rentière en semi faillite malgré ses fortes potentialités. Si le Venezuela a des réserves de pétrole, une des plus importantes du monde, c'est un pétrole lourd et coûteux à extraire. Par ailleurs, son principal marché par le passé étant les Etats-Unis d'Amérique, avec la révolution du pétrole et du gaz de schiste, les USA deviennent auto-suffisants et exportent même. Se disant victime d'une guerre économique, le président du Venezuela Nicolas Maduro, face à l'ampleur de la crise économique, a décidé d'opérer un resserrement de la politique budgétaire, décrétant en janvier 2016 «l'état d'urgence économique» d'une durée de 2 mois renouvelable, d'augmenter le prix de l'essence, une première depuis près de 20 ans (même si le prix reste particulièrement faible). Il a aussi autorisé une dévaluation très forte de la monnaie, avec plusieurs cotations, dont l'objectif serait de relancer la production locale, mais en réalité d'essayer de combler le déficit budgétaire au prix d'une inflation importée. En effet, selon une étude récente réalisée par BNP Paribas, le gouvernement a mis en place un système de rationnement. Chaque citoyen ne doit pas acheter plus que sa quote-part et il ne doit pas se rendre plus d'une fois par semaine dans les magasins publics. La banque centrale coordonne la mise à disposition des dollars issus, en grande partie, de la rente pétrolière en appliquant plusieurs taux de change, le plus faible concerne les produits de première nécessité. Le gouvernement de Nicolas Maduro accuse les spéculateurs, les entreprises privées et l'opposition de gonfler les prix et d'asphyxier économiquement et par là de déstabiliser le pays, entendu le régime en place. Ne s'attaquant pas aux réformes structurelles, avec des actions conjoncturelles, il décrète l'occupation temporaire de grandes usines et des expropriations, solutions conjoncturelles, qui amplifient les tensions. Les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, le ralentissement de l'investissement privé devrait se poursuivre malgré la probable élimination progressive des restrictions aux importations et aux devises. La méfiance des investisseurs locaux et étrangers face à l'insécurité du cadre juridique devrait encore favoriser les sorties de capitaux du pays. Ainsi, le Venezuela, économie rentière souffre avant tout d'une mauvaise gouvernance. 2.- Sans une nouvelle gouvernance 2018 / 2023, incidences inflationnistes et tensions sur le niveau des réserves de change et la cotation du dinar et risque du scénario vénézuélien 2.1.- La balance commerciale concernant les exportations et les importations de 2012 à 2017 a évolué ainsi. En 2012 les exportations ont été de 71,7 milliards de dollars dont 70,5 constituées d'hydrocarbures (H). - En 2013 : 64,8 milliards de dollars dont 63,8 (H), - En 2014 : 60,1 milliards de dollars dont 58,4 milliards de dollars (H), - En 2015 : 34,5 milliards de dollars dont 33,1(H) ; - En 2016 : 29,3 milliards de dollars dont 27,9 milliards de dollars (H), et en 2017 32,9 milliards USD dont 31,6 provenant des hydrocarbures (H). Parallèlement, les exportations de biens hors hydrocarbures entre 2012 et 2017 ont fluctué entre 1 et 1,5 milliard de dollars dont 1,3 pour 2017 mais concentrées sur trois catégories de biens, les engrais minéraux ou chimiques azotés, « les ammoniacs anhydres et les sucres qui représentent à eux seuls près 72 % du total. Quant aux importations elles ont évolué ainsi : - 51,5 milliards de dollars en 2012, - 54,9 milliards de dollars en 2013, - 59,6 milliards de dollars en 2014, - 52,6 milliards de dollars en 2015, - 49,7 milliards de dollars en 2016, -48,7 milliards de dollars en 2017. Quant à la sortie des revenus hors facteurs (débit) souvent oubliés pouvant facilement faire l'objet de surfacturations, constitués des services elles ont été de - 10,8 milliards de dollars en 2012, 10,7 milliards de dollars en 2013, -11,7 milliards de dollars en 2014, -10,9 milliards de dollars en 2015, -10,7 milliards de dollars en 2016, - environ 9/10 milliards de dollars en 2017 Ce qui nous donne le solde de la balance des paiements entre 2012 et 2017. - Pour 2012 : positif 12,05 milliards de dollars, - 2013 : positif 0,1 milliard de dollars, - 2014 : négatif(-) 5,8 milliards de dollars, - 2015 : négatif (-) 27,5 milliards de dollars, - 2016 : négatif (-) 26,3 milliard de dollars, -2017 : négatif (-) à 23,3 milliards de dollars. Le déficit commercial de l'Algérie au 1er semestre 2018, s'est chiffré à 2,956 milliards de dollars contre un déficit de 5,657 milliards de dollars durant la même période de 2017, soit un recul du déficit de 47,75%, selon le Centre national de l'informatique et des statistiques des Douanes (Cnis). Entre janvier et fin juin 2018, les exportations ont augmenté à 19,828 milliards de dollars (mds usd) contre 17,616 mds usd sur la même période de 2017, soit une hausse de 2,21 mds usd (+12,56%). Pour les importations, elles sont estimées à 22,784 mds usd contre 23,273 mds usd à la même période de l'année écoulée, soit une diminution de 489 millions de dollars (-2,1%).Les exportations ont assuré la couverture des importations à hauteur de 87% contre 76% à la même période de l'année précédente. Comme conséquence des indicateurs précédents, les réserves de change ont évolué ainsi : -2012 :190,6 milliards de dollars, -2013 :194,0 milliard de dollars, -2014 :178,9 milliards de dollars, -2015 :144,1 milliards de dollars, -2016 : 114,1 milliards de dollars, -2017 : 97,3 milliards de dollars -2018 (mars) 94,5 milliards de dollars. Au même rythme annuel les exportations devraient tendre fin 2018 vers 38/39 milliards de dollars, le chiffre d'affaires devant soustraire 25% pour avoir le profit net. Les importations devraient tendre vers 45 milliards de dollars fin 2018,(donc une baisse dérisoire restant presque au même niveau qu'en 2017)) auquelles il faudrait ajouter les services (9/10 milliards de dollars) et les transferts légaux de capitaux donnant une sortie de devises solde brut entre 57/58 milliards de dollars et un solde net tenant compte des exportations et entrées de devises de services légaux (2/3 milliards de dollars) entre 15/16 milliards. Si l'on soustrait aux réserves de change fin 2017 de 97 milliards de dollars cela donnerait 81/82 milliards de dollars de réserves de change fin 2018, ce montant dépendant essentiellement à la hausse ou à la baisse des recettes d'hydrocarbures, la réduction du déficit commercial de ce premier semestre 2018 étant due à 98/99% aux recettes d'hydrocarbures. Cela influe sur le taux de change corrélé aux réserves de change via les recettes d'hydrocarbures à plus de 70% qui est passé en 1970 de 4,94 dinars un dollar , en 2001 à 69,20 dinars un euro et 77,26 dinars un dollar, en 2012 , 102,16 dinars un euro et 77,55 dinars un dollar, en 2016, 116,57 dinars un euro et 109,43 dinars un dollar et la cotation du 25/27 juillet 2018 selon la banque d'Algérie (cours achat) à 137,59 dinars un euro et 117,73 dinars un dollar. A suivre... * Professeur des universités, expert international |
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