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Entre liberté et destin, le libre arbitre conscient et inconscient de l'homme: Une guerre nucléaire entre les USA et la Corée du Nord ? (3ème partie)

par Medjdoub Hamed*

Prenons un autre exemple parmi des cas qui sont légion - sauf qu'ils ne sont pas analysés à leur juste sens, un boxeur professionnel qui s'acharne à lutter pour un titre ou à le défendre, et puis meurt. Son libre-arbitre est-il conscient ? Si on prend l'histoire du champion sud-coréen Kim Duk-koo, champion de Corée du Sud et champion d'Asie, catégorie poids légers, au début des années1980, et son combat contre l'Américain Ray Mancini, pour le championnat du monde, à Las Vegas, le 13 novembre 1982. Il s'est terminé tragiquement par la mort du boxeur asiatique des suites de ses blessures après son KO au 14e round. La question qui se pose: «le libre-arbitre était-il totalement conscient, avant son combat ? N'allait-il pas déjà vers la mort, une mort pensée déjà par le boxeur lui-même?»

Comme on le lit: «La mort de Kim ne fut pas vaine. Les dommages que lui et Mancini se sont faits ce jour-là ont incité la boxe à arrêter les combats en 15 rounds pour les titres de champions, les limitant à 12, comme pour les combats normaux. Mancini semble s'être reconstruit tout en restant conscient de son passé: «Le 13 novembre est un jour de deuil pour moi, expliquait-il dans un documentaire d'ESPN. Je me recueille en souvenir de Kim et de sa famille. Je continuerai toujours.» [...] Les boxeurs semblent accepter cette facette de leur sport. Selon Tom Rinaldi, lorsque George Khalid Jones voyageait pour son combat face à Beethavean Scottland, Jones se disait à lui-même «peu importe qui je combats, j'espère juste que je ne le tuerai pas». Le journaliste du Las Vegas Review-Journal Royce Feour raconta que quand il interviewa Kim dans sa chambre d'hôtel, il avait vu un post-it sur un abat-jour qui disait en coréen «Vis ou meurt». (2)

Ne voit-on pas là une forme de fatalité dans la conscience de Kim Duk-koo ? Peut-on être aveugle dans cette dédicace qu'il a laissée aux autres «Vis ou meurt». N'a-t-il pas assimilé la victoire à la vie, et la défaite à la mort. Etait-il rationnel en écrivant ces mots ? Avait-il toute sa raison ? N'était-il pas dans un certain sens inconscient d'assimiler la victoire à «Vis» ou la défaite à «Meurt». Il était certes conscient en écrivant ces mots mais il était inconscient sur la portée de leur sens. Il voulait mourir en cas de défaite, et mourir dans ce cas, il n'était pas conscient du sens de l'existence. Il a en quelque sorte pressenti sa mort puisque comme il l'a écrit «il est mort». Une dédicace prémonitoire. Il n'y a qu'une réponse à cette dédicace laissée à l'histoire, c'est qu'il relève d'un arbitre qui est conscient mais aussi inconscient qui lui a fait écrire ces mots. Tout en étant conscient, il était inconscient parce qu'il écrivait sa mort prochaine «Vis ou meurt» sans savoir qu'il allait réellement mourir. L'a-t-il écrit par bravade ? Peu probable ! Il l'a écrit parce qu'il sentait en lui une force qui le lui a fait écrire, il voulait en quelque sorte se transcender. Mais c'est aussi un moment de folie que de mettre en enjeu dans le combat sa vie ! Mais pouvait-il faire autrement ? Il n'était que ce qu'il était, pas plus. Et cet arbitre conscient inconscient d'où vient-il ? Sinon de l'Instance qu'il lui a concédé ce pourquoi il pense, ce pourquoi il a fait son choix de boxeur de vaincre ou mourir.

Le libre-arbitre conscient inconscient individuel et collectif: le drame d'un fellah qui tue trois membres de la famille de son frère

Un autre cas de libre-arbitre conscient-inconscient individuel et collectif qui finit comme une fatalité pour des membres d'une famille, qui les fait rencontrer leur destin, dont ils n'y ont jamais pensé. Dans le journal le Quotidien d'Oran du mardi 13 juin 2017, il est écrit en page 4 qu'un fellah (agriculteur), la soixantaine, a tué sa belle-sœur, son neveu (32 ans) et sa nièce (22 ans) à coup de fusil. Selon le journal, «une dispute entre l'auteur du crime et son frère au sujet d'un litige lié au foncier, serait à l'origine de ce drame. La famille des trois victimes aurait refusé que le sexagénaire traverse une piste devant leur domicile et qui mène à sa maison. [...] la dispute aurait eu lieu dans la matinée lorsque le sexagénaire a menacé de mort la famille en question, et avant le f'tour (repas de rupture du jeûne de Ramadhan), le mis en cause est passé à l'acte.» Que peut-on dire du comportement de cette famille ? D'emblée le motif de la dispute qui a dégénéré n'était pas sérieux pour arriver à ce drame. Si c'était le cas, le drame aurait survenu bien avant. Par conséquent, un accord à l'amiable, ou un détour pour arriver à sa maison aurait pu être trouvé. Le problème était plus profond et a touché les relations entre frères, donc un problème familial. Sur le plan du libre-arbitre, chacun en était doté. Et tous les membres de la famille en étaient conscients, et aucun n'a pensé que cette dispute va se terminer par trois tués et un oncle qui devient tueur. Et tous étaient montés les uns contre les autres.

Donc il y avait une perte de conscience de la réalité pour les uns comme pour les autres. Les membres de la famille tués étaient braqués dans leur position pour barrer la route, donc mus par un libre-arbitre conscient-inconscient collectif ne sachant pas qu'ils vont être tués. Ils pensaient probablement que leur nombre (un homme et deux femmes) était suffisant pour l'empêcher de passer. Quant au fellah, il a pris par son libre-arbitre à la fois conscient et inconscient un fusil de chasse, sans penser un instant qu'il va tuer, pensant probablement leur faire peur, pour les forcer à lui libérer le passage. C'était plutôt pour se défendre que pour agresser. Ce fellah n'était pas un criminel, un agriculteur. Le problème s'est posé lorsqu'il s'était trouvé en face d'eux, et probablement le fusil de chasse n'a pas fait peur. Le libre-arbitre conscient était tellement inconscient que l'homme et les deux femmes, n'ayant pas peur du fusil, se sont probablement mis au travers de la route poussant le fellah dans une impasse. Reculer ou passer. Et c'est très possible que, lui aussi mû par son libre-arbitre conscient inconscient, sans se rendre compte de son acte, sous l'effet d'une colère meurtrière, tira sur eux. Donc, par cet instant de conscience inconsciente, ou de semi-folie, le fellah est passé à l'acte. Puis, le forfait exécuté, prenant conscience de son acte, il fuit. En effet, sa seule pensée a été la fuite, non pas fuir pour fuir, il n'a pas où aller, il sera pris sauf suicide, il a fui se réveillant de l'horreur du triple crime qu'il a commis. D'avoir écouté son être négatif. Et, en chaque homme, il y a le bien et le mal. Et c'est cette lutte contre le mal en soi et en dehors de soi qui rend les gens soient bons et sociables, soient mauvais et méchants s'ils écoutent leurs instincts inconscients.

Raisonnons aussi en termes de cause juste. Le neveu, la nièce et la belle-sœur avaient-ils raison de se dresser contre le fellah qui était à la fois l'oncle paternel et beau-frère de l'épouse ? Non, ils n'avaient pas raison, leur cause était injuste. D'autre part, ne pensaient-ils pas du danger qu'ils pouvaient être tués ? Ne savaient-ils pas qu'ils allaient être tués ? Non, ils n'en étaient pas conscients. De même, la cause du fellah qui a pris son fusil de chasse pour aller au-devant d'eux était-elle juste ? Non ! Elle n'était pas juste, on ne peut menacer des membres de la famille de son frère qui était aussi sa famille avec une arme à feu pour passer de force au risque de provoquer un drame. Donc on avait deux causes injustes en face l'une de l'autre. Et voilà le résultat de deux causes injustes: trois morts et un fellah en fuite. Un drame par la faute d'un libre-arbitre de part et d'autre insuffisamment maîtrisé qui a brisé toute une famille, comme si c'était marqué dans leur destin. Et si c'était leur destin ?

Mais peut-on dire que c'était leur destin ? Que c'était fatal ? On peut dire que le destin est le résultat de nos actions dans l'existence ? Mais le destin ne nous dit pas de suivre nos actes irréfléchis, inconscients. Si les membres de cette famille avaient fait preuve de souplesse, tenté de comprendre leurs torts, compris que leurs litiges pouvaient se résoudre sans haine et sans passion, bref avaient été plus raisonnables et donc plus conscients de leur situation illogique, rien ne leur serait arrivé. Donc on ne peut incriminer le destin. Et c'est la raison pour laquelle le libre-arbitre conscient et inconscient joue un peu comme le curseur de la raison dans la conduite sereine ou non sereine dans l'existence. Plus on est inconscient, plus on est déraisonnable, plus on est conscient, plus on est raisonnable, et on retire le meilleur de la vie. Quant aux vicissitudes de l'existence, on les prend comme elles sont, on les affronte avec le moins de peur possible. Car la peur est un trait de profonde humanité pour l'homme. Tout humain qui n'a pas peur est tout simplement inconscient, et va à sa perte. La peur aussi se raisonne. On ne peut pas avoir peur de la peur si on a compris son fondement.

D'autre part les déterministes qui disent qu'il n'y a pas de libre-arbitre conscient ou ceux qui mettent en avant le destin immuable ou le mektoub pour les Musulmans sont libres de le penser parce que c'est un acte de pensée et de conviction qu'ils ont de leur pensée, et que leur pensée est ouverte à tous les possibles. Il y a certes un certain déterminisme dans les événements qui arrivent à l'homme, mais il demeure que l'homme est aussi acteur dans son devenir, sa destinée. L'homme qui fait du bien par sa propre volonté et l'homme qui fait du mal par sa propre volonté ne sont pas identiques au regard des hommes comme au regard de l'Intelligence suprême, quand bien même ils viennent de la même Essence. Tous deux ont un libre-arbitre, sauf que l'un est conscient de ses actes et est poussé vers le bien, et l'autre, mû par une inconscience de sa conscience des lois morales dans la société où il vit, i.e. conscient des lois morales mais les empiète parce qu'il est commandé par ses instincts qu'il ne maîtrise pas, le rendant inconscient envers autrui. C'est ce qui différentie, par exemple, l'homme honnête de l'homme corrompu prêt à tout. Et la nécessité de la justice de sévir.

Et sans ce libre-arbitre, l'homme ne peut avoir une véritable pensée, ni une véritable existence. S'il était prédéterminé dans tous ses actes, sa vie serait sans sens. Aussi peut-on dire qu'il y a l'Intelligence universelle qui Dirige le monde, mais Elle le Dirige «Avec le Monde qui est une Partie d'Elle-même», dans le sens qu'Elle a octroyé une certaine liberté à l'homme dans ce monde. Un libre-arbitre certes réel et limité qui lui fait prendre conscience du sens de son existence.

Dès lors, on peut dire que cette famille a fait son destin. Parce que cela devrait être ainsi, selon de ce que les membres de cette famille ont eu, ont fait de leur être et ce qui a fait résulter leur destinée. Une précision cependant, dès lors que l'Intelligence universelle intellige le monde, guide le monde, et elle le fait avec le monde, Elle aurait pu sauver cette famille en simplement leur apporter par une voie détournée le désir de paix. Mais Elle ne l'a pas fait. Peut-être qu'Elle avait en face deux causes injustes, et qu'Elle a laissé faire «leurs actes injustes», i.e. arriver au drame sanglant. Cependant, ici nous ne faisons que conjecturer, nous ne pouvons savoir dans l'absolu. Parce que ce qui s'est passé relève d'une «Vision» à laquelle l'homme ne peut accéder, l'homme de par son essence est créé faible, inaccompli. Il ne peut savoir que ce qu'il est lui ait donné par la pensée de savoir.

Ce drame montre que tout homme, par cette faculté de libre-arbitre conscient inconscient, peut être amené à commettre des actes graves. En tout homme existe une certaine forme d'aliénation qui le rend dans son acte de penser, dans son acte d'agir, étranger à lui-même. Et c'est la raison pour laquelle l'homme doit se comprendre, comprendre son comportement, maîtriser mieux ses pulsions, ses tendances innées, inconscientes, irraisonnées. Et il ne le peut faire que par la remise en cause de ses actes, par le jugement qu'il a de sa conscience et sa raison.

Que serait l'Asie si les Etats-Unis avaient quitté dans les années 1950 la Corée du Sud et le Japon ?

Prenons cette fois-ci non pas un homme, mais un groupe humain, et dans leur archétype inconscient commun qui les unit, qui leur donne, par leur histoire commune, par leur langue, par leur culture, par leur religion, par leur régime politiques..., une identité propre, une identité nationale. Ce qu'on peut appeler des universaux qui ont façonné ces groupes humains ou peuples au cours du temps. A l'instar de l'inconscient collectif, qu'a émis le psychiatre suisse Carl Gustave Jung dans la psychologie analytique, conceptualisons cette identité nationale et appelons-la le «libre-arbitre collectif». On dira d'un libre-arbitre d'un peuple, une faculté libre d'un ego commun qui vise une action commune pour atteindre un objectif commun. Par exemple, un peuple qui lutte pour son indépendance a un libre-arbitre collectif. Il est prêt, par cette instance mémorisée, inscrite dans la conscience de ce peuple, comme dans l'instance sous-jacente, i.e. l'inconscient collectif junguien, à tous les sacrifices pour atteindre cet objectif, cet idéal, cet archétype qu'est l'indépendance. Parce que celle-ci lui apporte dignité, humanité, fin de la sujétion forcée, respect d'être-nation libre et respect que lui doivent les autres nations libres.

Pour expliciter un problème qui concerne toute l'humanité, et peut avoir un impact sur son devenir, réfléchissons sur la crise coréenne. Aujourd'hui, le monde entier semble craindre un embrasement sur la péninsule coréenne avec l'escalade verbale entre les Etats-Unis et Pyongyang. Une guerre entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. Qu'en est-il de la Corée du Nord et de son histoire ? Elle est devenue depuis 2006 la huitième puissance nucléaire déclarée dans le monde.

Deux peuples issus d'un même peuple divisé vivent côte à côte depuis la fin du Deuxième conflit mondial. La frontière est ce qu'on appelle le 38e parallèle. Par leur division, on doit penser que les peuples des deux Corées laissent entrevoir des libres-arbitres collectifs difficilement cernables. Un démocratique, l'autre communiste. Pour comprendre, rappelons brièvement l'histoire de la Corée, avant sa partition. A la fin du XIXe siècle, après une alliance avec le Japon, la Corée est finalement mise sous protectorat en 1905 (fin de la dynastie des Joseon), puis «annexée». Elle devient, en 1910, une province japonaise. Comme l'Algérie, rappelons-le, l'a été après son annexion en 1848 par la France, et divisée administrativement en trois provinces (départements français), et plus tard en cinq départements. En 1919, le peuple coréen s'est soulevé contre l'occupant, mais ce mouvement d'indépendance vite réprimé par les forces japonaises ne dura part. Il fit, selon les données occidentales, 7.000 morts et 40.000 prisonniers.

A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, après la victoire des Alliés et la libération de la Corée, les Etats-Unis occupent le pays au sud du 38e parallèle, et l'URSS, la partie nord. Le 15 août 1948, la Corée du Sud, soutenue par les Américains, déclare son indépendance et se proclame République de Corée, fixant comme capitale Séoul. La Corée du Nord proclame, à son tour, le 9 septembre 1948, la République populaire démocratique de Corée (RPDC).

Le 12 mars 1947, les Etats-Unis, pour faire barrage au communisme soviétique, adoptaient la politique de l'«endiguement» (containment). C'est la «doctrine Truman», proclamant que les Etats-Unis interviendront économiquement ou militairement lorsqu'ils le jugeront nécessaire afin de préserver leurs intérêts stratégiques ou économiques en Asie.

A suivre...

*Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective.

Notes :

2. «Tragédies du sport. Contre-attaque: comment les boxeurs surmontent la mort de leur adversaire» 20 juillet 2016

https://sports.vice.com/fr/article/fighting-back-how-boxers-recover-from-the-death-of-an-opponent