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Suite et fin
EN Allemagne Le montant total d'exposition des banques allemandes aux dettes de pays périphériques se monte à 390 milliards de dollars, soit environ un dixième du PIB allemand (3 600 milliards de dollars). Les obligations souveraines des pays du sud de la Zone euro sont très loin d'être l'unique source d'inquiétude ? et de défaillance ? pour les banques allemandes. Selon, Niels Jensen d'Absolute Return Partners le niveau d'exposition global de la seule Deutsche Bank aux différentes catégories de produits dérivés atteint 55 000 milliards de dollars - à rapporter toujours avec le PIB allemand. Autant dire qu'en cas de problèmes sur la dette italienne - ou espagnole - l'Allemagne aura le plus grand mal à voler au secours de ses banques. C'est par l'Allemagne que l'euro chutera prédisent les analystes. Non pas que l'Allemagne le veuille, mais l'économie qui porte toute la zone à bout de bras est en train de flancher. Depuis quelques mois, les chiffres sont décevants. La croissance n'est pas tout à fait au rendez-vous et surtout le ralentissement chinois fait craindre pour les exportations germaniques. De plus, le 17 avril dernier, Egan-Jones, une petite agence de notation indépendante - la seule qui ne soit pas liée à Wall Street - a dégradé la note de l'Allemagne, dernière grande économie de la Zone euro à détenir le précieux sésame du ?AAA'. Or si les dégradations des notes financières des Etats-Unis, de la France ou de l'Italie n'ont pas eu de grands effets sur les économies de ces pays, la situation est différente avec l'Allemagne. Celle-ci joue tout d'abord le rôle de rempart pour les économies plus faibles de la Zone euro, elle n'a donc pas le droit de fléchir. EN EUROPE 2013 est une année chargée en refinancement. Au total, c'est 30% de la dette de long terme des pays de l'OCDE et donc de l'Europe qui doit être refinancée dans les trois prochaines années. Par «refinancer», comprenez que pour rembourser la dette venant à échéance, il faut en émettre une nouvelle. Le procédé passe comme une lettre à la poste lorsque les taux baissent... mais ce n'est plus du tout la même chose lorsque les taux d'intérêt augmentent. L'agence de notation Moody's a affirmé que si un des pays AAA de la Zone euro devait être dégradé, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) le serait aussi. Comme déjà 15 pays de la Zone euro sur 17 sont placés sous surveillance négative, cela provoquerait une réaction en chaîne : les taux d'émission de dette augmenteraient rapidement, empêchant les Etats de se refinancer et entraînant l'éclatement de la zone. BANQUES EUROPEENNES «Ce sont 1 000 milliards d'euros d'actifs pourris qui sont détenus par les ?bads banks' européennes.» in Les Echos. En 2012, les 15 premières d'entre elles ont vu leurs profits baisser de 29%, à 41 milliards d'euros contre 61 milliards en 2011 et même 84 milliards en 2010. Le problème est que les banques sont censées se préparer à appliquer les règles de Bâle III qui ? en résumant à traits grossiers ? renforcent les fonds propres qu'elles doivent posséder pour prêter de l'argent. Depuis 2009, cette recapitalisation a déjà atteint 230 milliards d'euros. Or d'après Goldman Sachs, les banques européennes auraient encore besoin de 298 milliards. Une estimation qui tient compte de la situation actuelle aussi bien sur les marchés actions que sur les marchés obligataires. Or c'est justement ces obligations d'Etat qui menacent aujourd'hui les banques européennes, des actifs qui échappent en grande partie à la réglementation de Bâle III. Grâce au tour de passe-passe qu'est le calcul des risques, les obligations souveraines ne sont pas entièrement prises en compte dans les calculs de fonds propres des banques, ce qui limite leurs besoins en recapitalisation. Car dans les faits, l'effet de levier (fonds propres / total des encours non pondérés des risques) est bien supérieur aux 8% fixé par Bâle III. Si les remous obligataires se poursuivent un peu trop longtemps, les banques françaises, allemandes et européennes en général vont devoir encaisser de nouvelles pertes, très importantes. EN CHINE Dans une interview accordée à Bloomberg le 29 mai dernier, la responsable senior de la branche institutions financières de Fitch Rating, Charlene Chu, révélait une situation explosive du secteur bancaire en Chine résumée comme suit : «Ces cinq dernières années, les banques chinoises ont engrangé des actifs égaux à ceux du système bancaire américain. Le montant total des prêts s'est monté à 198% du PIB contre 125% quatre ans plus tôt. Il ne peut y avoir de solution à ce problème, quand le crédit est deux fois plus élevé que le PIB et qu'il progresse deux fois plus vite. La hausse de 45 points au Japon de 1985 à 1990 et celle de 47 points en Corée de 1994 à 1998 ont toutes les deux déclenché des crises bancaires. Une telle hausse du ratio crédit/PIB de 75% est sans précédent. C'est l'un des indicateurs avancés les plus fiables en matière de crises financières. Les entreprises ont accumulé des dettes, le ralentissement de la croissance entraîne une baisse de la rentabilité des investissements et à un moment donné, elles auront des difficultés à rembourser leurs dettes.» En faisant simple, les Chinois, ne pouvant plus honorer leurs dettes, vont devoir vendre les produits spéculatifs, puis leurs actifs les plus solides. C'est ce qui s'était passé de 2007 à fin 2008. Les bourses avaient chuté lentement, puis de manière accélérée jusqu'à provoquer un sell-off complet notamment sur les mines, les juniors aurifères ou pétrolières, qui avaient chuté pour certaines de plus de 90%. Actuellement, le ratio du service de la dette des entreprises chinoises correspondrait à 30% du PIB. Pour la Banque des règlements internationaux (BRI), «les pays ayant eu un tel ratio (même inférieur) ont été confrontés à une crise financière et économique de grande ampleur». La spécialiste de la Chine, chez SG Cross Asset Research, Wei Yao, est très affirmative : «une part non négligeable des entreprises n'est pas en mesure de rembourser ni le principal ni les intérêts, ce qui revient à un financement (pyramidal) de type Ponzi.» Si la reprise économique chinoise de 2009 à 2011 a permis aux emprunteurs de faire face à leurs emprunts, une prolongation de la crise amènerait des défauts en série, des saisies de garantie et des liquidations de plus en plus brutales d'actifs. Pour l'instant, le gouvernement chinois soutient le système (la PBOC aurait injecté d'urgence 150 milliards de yuans) mais jusqu'où et jusqu'à quand ? AU JAPON Bien déterminée à relancer la consommation, la Banque centrale japonaise (BoJ) n'arrive cependant pas à ré-inverser durablement la balance commerciale courante. La (BoJ) déstabilise les marchés financiers mondiaux, a constaté Convictions AM dans son Point mensuel de gestion de juin 2013. «Elle veut faire en quelques mois ce que la Fed a fait en cinq ans», résume Alexandre Hezez, expert pour qui la question de la crédibilité de l'institution nippone se pose plus que jamais. «Sortir de la déflation n'est pas chose aisée, mais avoir des taux réels négatifs encore moins», souligne le gérant, qui estime en outre que «le niveau des taux d'intérêt japonais est aujourd'hui le principal défi pour les marchés». Il faut souligner (à l'encre rouge) que le problème auquel est confronté aujourd'hui le Japon est de taille. Ce pays est tout simplement insolvable. Même avec une croissance de 3%, 4% ou même 5%, une dette à hauteur de 235% du PIB ne peut pas être remboursée. Si la majeure partie de la dette est achetée en interne (90%), il faut savoir que c'est essentiellement des investisseurs institutionnels qui sont acheteurs. Seulement voilà, jusqu'à présent, les investisseurs japonais acceptaient des rendements obligataires très bas (autour de 0,5%) parce que l'inflation était négative, à environ -0,5%. Au final, le rendement réel atteignait donc 1%. Mais maintenant que l'objectif officiel d'inflation est de 2%... un rendement de 0,5% devient beaucoup moins attractif, voire carrément dissuasif. Pour retrouver un rendement réel de 1%, il faudrait donc que le rendement non corrigé de l'inflation des obligations japonaises dépasse les 2%. Ce qui rend la situation particulièrement dangereuse, c'est que le Japon est coincé : - si les rendements n'augmentent pas ? et c'est ce qui semble être le cas actuellement ?, les acheteurs de dettes nippones vont s'en détourner pour préférer des placements plus intéressants. - si les rendements augmentent, le poids de la dette va devenir très difficile à gérer pour le pays. Pour faire face à ses obligations, le Japon sera tenté d'imprimer encore plus... déclenchant un véritable cycle obligataire infernal. Le 11 juin dernier, la (BoJ) a décidé de ne pas amplifier son récent programme d'assouplissement monétaire destiné à stimuler la croissance du pays. Cette décision a alimenté les craintes des acteurs du marché de voir la Fed, elle aussi, commencer à revenir sur ses propres mesures de soutien. A Tokyo, les cours se sont effondrés le jeudi 13 juin. L'indice Nikkei a plongé de 6,35%. Il s'agit de la deuxième plus importante chute de l'année après celle observée le 23 mai. Sont mis en cause : un net regain du yen ; la forte volatilité générée par les soubresauts des monnaies ; et les spéculations sur les politiques monétaires et économiques des banques centrales et du gouvernement japonais. DIAGNOSTIC DE LA SITUATION - Une reprise autonome capable de remettre à zéro tous les compteurs est illusoire. Les gouvernements auront encore besoin des banques centrales pour le refinancement. - Les politiques monétaires profitent bien évidemment aux etats exsangues et impuissants et au système bancaire chargé de mauvaises dettes qui ne seront jamais remboursées? - Le comité de Bâle regroupe les grandes banques centrales, celles-là mêmes qui rachètent les dettes souveraines douteuses après avoir incité les banques commerciales à les acheter... - Les bilans des banques centrales augmentent considérablement. Le montant des titres détenus par la Fed va passer de moins de 1 000 milliards de dollars en 2007 à 6 000 milliards en 2016. Au cours de la même période, le montant des titres détenus par la Banque du Japon sera passé de 20% du PIB à 60% et pour la BCE de 15% à 45%. Dans ces conditions, comment peut-on imaginer que les banques centrales pourront revenir à une structure «normale» des taux, sans provoquer une crise extrêmement grave ? - Actuellement, les réserves de change mondiales ont atteint le niveau record d'environ 10 953 milliards de dollars. Or le statut de monnaie de réserve nécessite des fondamentaux économiques solides et une forte stabilité des prix, du système financier, du commerce extérieur, de la situation politique, etc. Au regard du surendettement des Etats, aucune monnaie de réserve ne remplit ces exigences. -La capitalisation boursière du marché obligataire est de 98 000 milliards de dollars à comparer aux 60 000 milliards de PIB mondial. - Le montant du marché des dérivés OTC (*) pour «over the counter» (le plus souvent des dérivés d'intérêt) exprimé en valeur notionnelle atteint l'incroyable montant de 700 000 milliards de dollars (source : BRI) (*)Un marché OTC est un marché sur lequel les titres financiers s'échangent de gré à gré. - Les bulles sur les actifs boursiers ou immobiliers découlent directement de la création monétaire à outrance de la Fed car l'argent du QE n'alimente pas l'économie réelle (qui est de fait manipulée) mais les marchés financiers. - La Fed risque de perdre le contrôle de son marché obligataire. Les marchés pourraient exiger une gratification plus en rapport avec le risque qu'ils encourent... et envoyer les rendements des bons du Trésor à des sommets insoutenables pour le gouvernement américain. EVOLUTION DE LA CRISE Un autre acte de la crise commence à se jouer. Il se résume en quatre points : Les investissements sur les marchés monétaires et obligataires qui financent théoriquement les nouveaux équipements industriels subissent une moins-value puisqu'ils ne compensent même pas l'inflation et les impôts. Toute la courbe des taux est déformée. Les crédits ne vont plus de manière optimale vers les investissements productifs et prometteurs. Le ralentissement de la croissance mondiale va devenir de plus en plus patent. L'ensemble des matières premières va en pâtir car dans certains domaines (métaux de base) les investissements passés portent leurs fruits et les capacités de production arrivent à contretemps. La manipulation des marchés par le maintien de taux d'intérêt anormalement bas et la création monétaire va introduire des distorsions de plus en plus flagrantes entre l'économie réelle et les marchés physiques d'un côté et l'économie financière et les marchés des contrats à terme de l'autre. DILEMME Mais que peuvent faire les banques centrales ? Laisser les taux d'intérêt monter et contrôler la masse monétaire ou limiter la montée des taux d'intérêt et pour cela laisser gonfler la masse monétaire. Ayant perdu leur indépendance, elles choisiront certainement la solution la plus facile et laisseront les taux d'intérêt directeurs encore longtemps à 0% afin de maintenir les rendements obligataires bas. Cependant cette « solution » n'est pas tenable car la masse monétaire est de plus en plus incontrôlable. Une remontée des taux à un niveau «normal» conduirait rapidement plusieurs pays à la faillite. En laissant croître la masse monétaire, les banques centrales gagnent du temps mais mettent en péril la stabilité du système financier dans son ensemble. CONCLUSION L'effondrement sec et brutal de la pyramide de la dette pourrait être imminent. Quand la bulle des dettes publiques éclatera, que ce soit en yen, en euro ou en dollar, les dégâts seront énormes. Un krach obligataire déclencherait une nouvelle crise de financement des pays les plus fragiles. Pour contrecarrer cette chute aux enfers, il ne restera plus qu'une solution : toujours plus d'impression monétaire (John Williams, de Shadow Stats, prévoit l'hyper inflation pour fin 2014 aux Etats-Unis)... et d'une manière ou d'une autre, la faillite des systèmes bancaires et des états. Principales références Simone WAPLER (ingénieur, économiste et rédactrice aux Publications Agora), Adrian ASH (directeur de recherche de Bullion Vault), Eberhardt UNGER (économiste), Michel SANTI (économiste) et Cyrille JUBERT (analyste économique). * Consultant en management |
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