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Affaire des moines : affaires d’Etats !

par Larbi Ghrieb

Ça commence par les déclarations d’un général, retraité de la DGSE, les services secrets français, ancien attaché de défense à Alger, puis s’enchaîne l’intervention d’un ancien chef du gouvernement, Jean-Pierre Raffarin, et, enfin, la déclaration de Sarkozy sur le mensonge et la vérité entre grands Etats et sur la levée du secret-défense.

Ça ressemble à une orchestration de haute voltige ! Mais, c’est avant tout l’ouverture des hostilités, dans le silence accablant des autorités algériennes.

Mais que dit le témoignage du général Buchwalter ? Qu’un officier algérien lui a raconté que son frère lui a raconté... De même, sur le meurtre de l’évêque d’Oran, Mgr Claverie, en 1996, qu’il lie, sans preuves, aux auteurs du même crime : «L’armée algérienne !». Voilà que la manipulation sub-sensorielle de l’opinion chemine vers la schématique du «qui tue qui !», où les réseaux islamistes de Genève, Paris, Berlin, Madrid et Londres ont été exploités à souhait. Bientôt, ce sera le tour des «attentats de Paris», «le détournement de l’avion d’Air France, les massacres...».

S’il n’y a aucune nouvelle preuve tangible dans ce dossier, une certitude est maintenant soulignée d’un trait officiel qui ne souffre plus d’aucun doute : les autorités françaises, ses services d’intelligence en premier ordre, étaient dès le début acquises aux thèses de la fameuse nouvelle «question ! » du «qui tue qui ?».

Souvenons-nous du premier rapport condamnant les autorités algériennes de l’organisation de défense des droits de l’Homme, qui n’est venu... qu’en 1997. Souvenons-nous aussi du témoignage de «Nicole Chevillard (journaliste, Risques internationaux) : «Après les attentats de Paris, j’ai été appelée pour consultation par la DST dirigée officiellement par Philippe Parent. Raymond Marthe, un spécialiste des questions algériennes, qui était présent, défendait les positions des services algériens. Philippe Parent, proche de Juppé, me demande, en 1995, une étude pour voir comment faire fléchir les généraux algériens et leur faire accepter les accords de Rome» [Voir : Débat sur Françalgérie à Paris : la France accusée de complicité

http://www.algerie-dz.com/article839.html]. Ensuite, toute la déferlante de témoins qui obtenaient quasi automatiquement le statut de réfugié en France, qui était refusé à des intellectuels algériens menacés par les islamistes, témoins devenus auteurs de livres, célèbres, sur la thèse du «qui tue qui ?»... La liste est longue mais elle atteste du double jeu de la politique française : une position officielle quasi neutre ou affichant un «soutien au peuple algérien contre le terrorisme» et une autre officieuse derrière les ONG et certains groupuscules pour faire avancer la thèse de l’implication «organisée» et «délibérée» de l’armée algérienne dans les exactions contre la population... et, par extension, l’Etat algérien auquel il a été désormais taillé, par un travail de longue haleine, un costume sur mesure de «pouvoir militarisé».

En parallèle, c’est toute la rhétorique sur les «bienfaits de la colonisation» avec la relégation au degré de simples erreurs - et peut-être sous forme de dommages collatéraux, voire de «bavures» - de cette «mission civilisatrice de la France» qui est déployée pour couvrir les véritables chefs d’inculpation que retient encore l’Histoire et qu’une rive de la Méditerranée reproche à l’autre : les innommables crimes contre l’humanité de la colonisation !

Que des individus, quel que soit leur habit, leur culte ou leur origine, eurent été assassinés et qu’on veuille connaître toute la vérité et faire appliquer la justice est une chose, que les jeux de pouvoir, les manigances des services d’intelligence et les intrigues à peine feutrées des grandeurs nationalistes s’en mêlent pour des objectifs inavoués, c’en est une autre !

Mais si, coup pour coup, il fallait répondre : souvenons-nous aussi du huitième mort de Tibéhirine, le journaliste David Contant, de la campagne de calomnie organisée par les mêmes officines dont il est établi qu’il eut été victime... Posons-nous aussi la question sur les circonstances de sa mort. Car, s’il y a des journalistes qui ont la conscience de chercher à savoir ce dont a été vraiment victime leur confrère, ils se rendraient sur le lieu de son dit suicide. L’immeuble est fait d’une façade raide, qui ne permet pas à une personne qui se jette de tomber chez le voisin du dessous. Et même si les secrets de la physique ne nous ont peut-être pas tout révélé, comment peut-on envisager qu’une personne qui se jette de son balcon et tombe chez le voisin du dessous se relève pour retenter ce geste si dur et si impensable qui est de mettre fin à sa vie ? Cela ressemble au suicide à deux balles dans la tête ! Comment peut-on ignorer que le défunt avait fait état d’être suivi par les services secrets français juste avant le drame ? Alors qu’il revenait d’un voyage et comptait publier une enquête contre la thèse officieuse qui faisait rage dans les cercles maîtres-penseurs parisiens ?

Ainsi soit-il, puisque des journalistes comme la justice d’un Etat dit de droit et des lumières (!) accordent le rôle de témoin à des personnes qui avouent n’avoir rien vu et puisqu’ainsi les plus grandes enquêtes se battissent sur les plus simples polémiques...
 


*Algérien résidant en France