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L’investissement étranger est déjà insignifiant en Algérie. Imposer de nouvelles restrictions va l’anéantir. Choix politique ou inconscience ? L’information était d’une ampleur exceptionnelle. Un investissement de 35, voire 50 milliards de dollars, a été abandonné. En ces temps de crise, aucun pays du Sud ne pourrait se relever d’un tel échec. «Cela équivaut à un point de croissance sur plusieurs années», estime un économiste. C’est aussi le signe que tous les paramètres économiques du pays sont au rouge, que toutes les structures sont défaillantes : ce qui va faire fuir capitaux et investisseurs étrangers, ajoute-t-il. Mais en Algérie, cette information n’a suscité que peu d’intérêt. Pour dire vrai, les gens étaient plus intrigués par la lutte de clans qui avait lieu en arrière-fond que par l’évènement lui-même. Car, pour le commun des Algériens, le patron du groupe émirati Eemar, promoteur de cet investissement, était considéré comme le protégé du président Abdelaziz Bouteflika et seuls de puissants ennemis pouvaient s’opposer à lui. Par contre, l’évènement a eu peu d’écho dans la sphère économique. Comme si le pays ne se rendait pas compte de ce qu’il pouvait signifier. Car, ce qui pouvait constituer une hécatombe économique n’est, en fin de compte, qu’un retour au réel. Et la décision du groupe émirati Eemar n’est qu’une banalité dans un pays qui parle à longueur d’année d’investir, mais qui a, en réalité, oublié ce qu’est l’investissement. Après des années de négociations, de tours de table et de démarches bureaucratiques improductives, le groupe émirati Eemar s’est rendu à l’évidence. Il a annoncé cette semaine qu’il se retirait d’Algérie, mettant fin à des années de divagations partagées. Des divagations qui avaient amené des responsables algériens à tenir un discours sans aucune consistance. L’ancien chef du gouvernement, M. Abdelaziz Belkhadem, avait ainsi annoncé que les investissements directs étrangers avaient frôlé les vingt milliards de dollars, quand ils atteignaient à peine le milliard. D’un côté, on avait donc un groupe qui multipliait les effets d’annonce, alignant les milliards de dollars, comme M. Djamel Ould Abbès aligne les promesses. D’un autre côté, on avait des bureaucrates algériens qui traitaient avec une puissance financière comme on traite avec un jeune chômeur présentant un dossier ANSEJ. Il est d’ailleurs difficile de dire si les dirigeants algériens ont, à un moment, pris au sérieux le groupe émirati, y compris quand son patron a été reçu par M. Abdelaziz Bouteflika. Car, si l’Algérie n’arrive pas à dépasser le milliard de dollars d’investissements par an, comment pourrait-elle absorber, en une seule fois, un investissement de cette envergure ? Il semble, au demeurant, que le groupe Eemar faisait semblant de vouloir investir et que les responsables algériens faisaient semblant d’être intéressés. Jusqu’au moment où la réalité s’est imposée : l’administration algérienne n’est pas capable de dégager un lot de terrain en cinq ans. Comment pourrait-elle accompagner une entreprise qui navigue dans une autre dimension ? C’est comme si on demandait à l’épicier du coin de racheter General Motors ! Face à cette hécatombe Eemar, que peut représenter l’abandon du projet Nakhoil visant à fabriquer du méthanol à partir des dattes ? Peu, très peu de chose. Des spécialistes de l’énergie ont refusé de se prononcer sur la viabilité du procédé. Mais on retrouve dans les propos de M. Brahim Zitouni, l’initiateur du projet, les mêmes formules typiquement algériennes. Un ministre a donné son accord puis s’est rétracté. Ensuite, le projet a été adressé au président de la République. Comme si le chef de l’Etat avait pour mission d’étudier les dossiers technico-économiques des projets d’investissements ! Mais au-delà de cet amateurisme révélé par les affaires Eemar et Nakhoil, c’est l’inaptitude totale de l’administration algérienne à valider et à accompagner les projets, qui est de nouveau mise en avant. Alors que des pays comme le Brésil et la Chine ont respectivement absorbé trente et quatre-vingts milliards de dollars en 2008, l’Algérie végète encore à des niveaux ridicules. Cela n’empêche pas le ministre de faire des discours, ni le chef du gouvernement de signer des décisions dont le résultat est de réduire les investissements étrangers. Comme si le pays croulait sous les propositions d’investissements et qu’il avait en même temps le choix et la possibilité de trier ses partenaires. Cela étant, ces restrictions ne se limitent pas aux entreprises de production ou de commerce. Elles incluent désormais les banques. Une dizaine de banques attendent leur agrément depuis plusieurs années. Elles ne savent pas quoi faire. Celles qui sont déjà installées traînent, de leur côté, un lourd contentieux qui peut entraîner certaines d’entre elles à fermer boutique. La justice algérienne les a condamnées à un total de 1,5 milliard de dollars d’infractions cumulées, révèle un spécialiste de la finance. Excès de zèle ? Bêtise ? Volonté délibérée d’en finir avec ces banques et avec la présence du capital étranger en Algérie ? On ne le sait. Mais le résultat est le même. L’Algérie est un pays où il ne fait pas bon investir. Du moins pour les étrangers. Peut-être faudra-il tout de même accorder un bon point à cette indigence de l’administration algérienne. Sa lenteur à agréer des banques étrangères aura pour effet de ralentir la mainmise de ces établissements sur la finance algérienne. Car les banques publiques sont incapables d’assurer leur mutation et les banques privées à capitaux algériens sont pratiquement interdites d’existence, depuis l’affaire Khalifa. On ne peut pas bâtir un projet économique en s’appuyant sur les bêtises de la bureaucratie. |
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