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Le
départ annoncé du groupe Emaar ne suscite pas beaucoup de regrets mais donne
lieu à des discussions sur la réalité de l'engagement d'investisseurs portés
vers des secteurs spéculatifs, l'immobilier de luxe étant le domaine par
excellence de ce profil d'entrepreneurs.
Le débat porte également sur les conditions objectives de l'investissement dans notre pays. Dans les dépêches d'agence, on a passé en revue les lourdeurs bureaucratiques, le «climat des affaires», les conséquences des dernières circulaires sur l'investissement étranger et la participation algérienne dans le capital des sociétés commerciales étrangères... Mais en Algérie, ceux qui suivent la chose économique ne sont ni surpris ni peinés par le départ du groupe émirati. Contrairement à ce que croient certains journaux arabophones, il n'y a dans cette attitude indifférente ni «anti-arabisme» ni ostracisme. La nature même et la forme des investissements «abandonnés» expliquent cette prise de distance d'une bonne partie de l'opinion. Le développement de mégaprojets de prestige par des intérêts étrangers ne répond ni aux besoins immobiliers prioritaires du pays, ni à une rationalité primordiale de mobilisation des compétences nationales. Il ne s'agit pas en l'occurrence de nationalisme obtus ou de patriotisme économique à connotation populiste. Comment admettre que les architectes, les urbanistes et les ingénieurs algériens ne soient pas associés, dès la conception, à des projets qui marqueront durablement les paysages de leur pays ? L'importation clés en main de tels projets peut s'expliquer dans les pays du Golfe, où le savoir-faire local est rare et où la faible population autochtone dispose de moyens considérables. Ces petits pays riches ont besoin pour exister d'une façade clinquante, comme un mirage durable sur les sables du désert. Rien de tel sous nos cieux. Aucune façade, aussi mirifique soit-elle, ne peut dissimuler l'urgence des chantiers sociaux. La relance de l'activité interne et le partenariat public-privé pourraient trouver dans le secteur de l'immobilier, y compris celui de luxe et de prestige, une authentique base de développement. C'est sur ce terrain, plus qu'en matière d'infrastructures complexes, que des résultats peuvent être rapidement atteints. Le soutien aux entreprises de réalisation et la stimulation de leurs capacités créatives devraient être un axe privilégié de réflexion et d'action des pouvoirs publics. La mobilisation des compétences nationales, la confiance dans le potentiel des cadres formés par le pays auront certainement des effets d'entraînement et d'émulation sur le reste de l'économie. La lutte contre la propension toujours plus marquée aux importations pour pallier les déficiences internes passe également par la voie indirecte mais puissante du recours à des actions à forte charge symbolique. Montrer que des entreprises algériennes, dirigées et encadrées par une expertise nationale, sont à même de prendre en charge de manière originale et novatrice des chantiers particulièrement représentatifs, serait assurément plus que bénéfique. Rien n'est plus démoralisant que l'aveu d'incompétence et la défiance vis-à-vis d'une réelle expertise trop souvent condamnée à aller chercher une reconnaissance sous d'autres cieux. De ce point de vue, le départ d'Emaar, s'il contribue à une prise de conscience salutaire, ne sera pas le moins du monde négatif. |
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