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«Toute révolution doit être
porteuse de valeurs nobles, brandir des principes-cadre de hautes portées
humaines et politiques qui lui seront une sorte de signature propre. Elles
baliseront la voie de l'édification d'un État de droit, humain, social et
pluriel. Liberté, pluralité, égalité et citoyenneté éclaireront le sentier aux
Algériens de demain qui seront plus unis et plus libres que jamais. Ce label
sera la seule, l'immuable et l'inamovible, déclaration du Hirak
du 22 février et sa Carta libertatum».
À force de mentir et de se mentir, le régime découvre, stupéfié, le vrai peuple, celui de la rue ! Lui, qui ne connaissait que le peuple virtuel des urnes, qu'il bourrait, en son nom, lieu et place et qui lui conférait une légitimité fallacieuse. Désormais, le propriétaire des lieux, Son Excellence le peuple algérien, toutes régions et cultures confondues, vient réclamer les clés de son pays. Il est décidé à exercer sa citoyenneté confisquée et à récupérer sa souveraineté usurpée. Les divisions des Algériens sur des bases idéologiques, ethniques ou régionalistes ont permis au pouvoir de nous opposer les uns aux autres, ce qui est navrant ! Une grande partie d'Algérie n'a pas soutenu le combat des Amazighs contre l'injustice et l'arbitraire, en Kabylie, au Mzab ou même en région touareg. Ils ont mené seuls le combat pacifique pour la justice, la dignité et la liberté, par ricochet à toute l'Algérie. Une Algérie qui vivait les mêmes misères, les mêmes injustices et les mêmes inepties, voire plus. Ce sentiment de solitude et d'isolement du réceptacle national, resté un observateur passif, par rapport à ce qui se passait chez eux et à leurs revendications légitimes, a offert un alibi en or à une dissidence amazighe endogène et en extra-muros, pleine de fougue, encore plus virulente et plus radicale que jamais. Celle-ci, qui cherche à s'accaparer les revendications de base des Amazighs et en détourner l'objet vers des terrains dangereux pour l'unité nationale et territoriale du pays. Ce régime autiste, qui ne respectait plus personne et n'observait ni le minimum de la dignité humaine, n'incarnait plus le rêve d'une Algérie libre et unie. Par sa stupidité, le régime, lui-même en carence de légitimité, a, en quelque sorte, légitimé les thèses des séparatistes. Nonobstant, il ne faut pas avoir honte de le dire ! C'est grâce au combat des Amazighs et à leurs sacrifices que le cercle des droits civiques et des libertés a été élargi dans ce pays. Hormis quelques voix aberrantes, ce combat s'est toujours inscrit dans un cadre plus large, celui des revendications de base de tous les Algériens, sous toutes les couleurs du spectre culturel et cultuel, et que le Hirak venait justement le confirmer et le traduire si merveilleusement. Le parolier de l'hymne national Quassamen, Moufdi Zakarya, originaire du Mzab, et avec qui Boumediene entretenait, dit-on, une sorte de concurrence d'image et de représentation révolutionnaire, a fini ses jours exilé à Tunis. Le Dr Kamel Eddine Fekhar, qui, lui aussi, est natif de cette région, avait des positons politiques bien connues. Il appartient donc à la seconde génération qui a subi tout le poids de l'injustice politique, historique avec ses accumulations et ses aphtes du présent. Kamel Eddine Fekhar, fut l'un des fervents défenseurs de la cause amazighe et des droits de l'homme. Il est décédé en détention, suite à une grève de la faim, lui, qui avait plus faim de liberté politique que d'autre chose. Il est mort avant même de voir l'issue de ce Hirak de l'espoir. Il est vrai que la frustration politique, la désillusion, générées par cette forme de gouvernance exclusive de pans importants de la nation ont été un facteur aggravant dans la radicalisation de certains discours. Encore plus que les droits de l'homme ou culturels, ces activistes défendaient donc les droits politiques de leurs communautés. En effet, et même s'ils sont parfois réduits à de vulgaires aspects folkloriques réducteurs, leurs droits culturels n'ont jamais été niés. Personne n'est venu demander à un Chaoui, à un Kabyle, à un Mozabite ou à un Arabe d'être autre chose que ce qu'il est vraiment, et ce dont il est fier. Par ailleurs, des droits politiques légitimes qui doivent leur être reconnus afin de pouvoir participer à la destinée de leur pays et façonner l'Algérie plurielle et unie de demain, teintée aux couleurs de l'arc-en ciel. Un Pouvoir qui branlait l'arabité pour frapper les Amazighs et branle l'amazighité pour frapper les Arabes. Il branlait la laïcité pour frapper l'islamisme et l'islam pour frapper les laïcs et les autres. Et bien souvent, il frappait les Amazighs par eux-mêmes. Ce pourquoi, les adeptes du radicalisme ethnique véhiculent l'idée erronée, selon laquelle les Arabes les étouffent et les persécutent. De leur côté, les Arabes croient, faussement, que tous les défenseurs de l'amazighité sont adeptes de la règle du tout ou rien ! Qu'ils ne reconnaissent qu'une seule et unique dimension culturelle, la leur. Qu'ils veulent avoir toute l'Algérie pour eux seuls et la teinter de leurs propres couleurs, une sorte de droit d'aînesse. Ce régime nous a divisés, en une Algérie qui doit gouverner et une autre qui doit être gouvernée, en une Algérie utile et une autre inutile. Ses agissements ont poussé une partie des activistes de la cause amazighe à la radicalisation jusqu'à la naissance d'un courant ultra, le Mak, qui cherche à en découdre complètement d'avec l'Algérie et ce qu'elle représente. L'alternative à un vrai processus démocratique en Algérie serait donc fatale pour le vivre ensemble, la cohésion sociale et l'unité nationale et, donc, de l'avenir même de notre État-nation. Elle réconfortera l'un des arguments majeurs des séparatistes, celui de l'impossibilité de vivre ensemble sous le joug d'une gouvernance décrite comme despotique et dominante. Le Hirak venait, et à juste titre, d'exprimer merveilleusement la volonté de tout un peuple à vivre ensemble sous un Etat de droit, pluriel et social. Ce projet reste le seul à même de rassembler tous les Algériens sous sa coupole. Si ce rêve est avorté, il faut s'attendre au pire, et ça ne sera pas la faute au peuple. En effet, l'instrumentalisation des mosquées et des zaouïas par le régime Boutefika a fait perdre son pouvoir fédérateur à la religion. Une culture polarisée jusqu'aux os, qui divise encore plus les Algériens au lieu de les unir. Une armée ambiguë dans ses positions, pas assez claire dans ses intentions et qui n'arrive plus à rassurer les Algériens qui n'arrêtent pas de manifester. La patrie reste, donc, la seule valeur refuge et solide pour tous les Algériens. L'armée ne peut garantir l'unité nationale par les armes, cela ne fera que pousser le radicalisme à des limites dangereuses et alimenter, encore plus, la «victimisation» politique et ethnique. En effet, la dissidence amazighe radicale joue sur la fibre de la minorité pour tromper les Amazighs qui, de majorité dans leur pays, redeviennent, dans leur discours, une minorité parmi d'autres. Seuls un projet et un discours politique différents, unificateurs et prometteurs d'une Algérie libre, juste et civile, peuvent être fédérateurs et couperont la route aux discours de la peur et du rejet de l'autre. Se trompe, donc, celui qui pense que le combat du peuple algérien à travers ce Hirak est pour l'amazighité, l'arabité, l'islam ou la laïcité. Le vrai combat du Hirak national est d'arriver à une Algérie de droit et des libertés, où tous les Algériens peuvent vivre ensemble, en tant que citoyens, de plein droit et d'égal devoir, sans se cracher aux visages ni se maudire les uns les autres. Un pays où aucune institution, quels que soient son rang et son statut constitutionnel, n'aura à dominer les autres institutions ou s'accaparer la volonté du peuple. Les plus pessimistes nous avertissent à ne pas succomber au romantisme révolutionnaire, car dans ce Hirak, tout le monde a besoin de tout le monde, disent-ils. Les divergences idéologiques sont justes mises en sourdine. La hache de guerre est temporairement enterrée entre laïcs, berbéristes, islamistes et ultras de tous bords. Tous veulent voir la bête à terre ! Beaucoup viendront ensuite réclamer la paternité du Hirak pour le récupérer et encaisser les dividendes. Qu'ils se calment donc ! Car le Hirak ne reconnaîtra qu'une seule mère, la rue et un seul père, le ras-le-bol de ce peuple qui a trop souffert ! L'Algérie de demain doit rester plurielle et polychrome, aux couleurs de l'arc-en-ciel. Elle doit accorder à chacun le droit à la différence, sans lui reconnaître pour autant un droit différent de celui que lui autorise la citoyenneté. Toute autre projection, vision ou filigrane n'engage que ses adeptes. Il est vrai que tout le monde aspire à une nouvelle Constitution du pays où chacun voudrait voir sa teinte plus voyante et plus criarde que celle des autres. Pour les Arabes et les islamistes, ça ne sera jamais assez arabo-islamique, pour les ultras berbéristes et les laïcs orthodoxes, ça ne sera jamais assez amazigh ni assez laïc. C'est l'occasion pour toute cette myriade de revendicateurs, nés pour revendiquer même ce qui est déjà acquis et qui n'a jamais été sujet de controverses entre Algériens, de venir tirer, plus fort encore, sur la cloche de la discorde. À défaut de se faire la guérilla de rue en rue, ils la feront d'article en article de la prochaine Constitution. Le peuple doit rester donc très vigilant et protéger l'unité de son mouvement et de ses nobles aspirations de la récupération, car l'histoire s'écrit maintenant et chacun doit choisir son camp et son rôle. L'Algérie de demain doit être impérativement décomplexée par rapport à la question identitaire ou même religieuse. La citoyenneté algérienne doit être reconfigurée avec prise en charge effective de toutes les spécificités culturelles et cultuelles, sans dominants ni dominés. Une Algérie qui doit gouverner et une autre qui doit applaudir, une Algérie utile et l'autre inutile, n'aura plus de place dans l'Algérie de demain. Désormais, il est du devoir du peuple d'être garant de sa propre souveraineté et de refuser toute forme de tutelle ou d'ingérence. Il doit prendre garde des discours de la discorde et le chant des sirènes des ultras qui nous feront tous chavirer. Résolument, ce Hirak offre une occasion historique aux Algériens pour déminer le champ politique dans leur pays et réaffirmer leur citoyenneté. Le génie de notre peuple va devoir, une fois encore, éblouir le monde par sa grandeur d'esprit et sa souplesse. Les forces vives de la nation doivent veiller, au péril de leur vie, à ce qu'aucune autre partie non représentative de la volonté réelle du peuple et forte de sa légitimité, n'aura à décider sur qui devra présider à sa destinée, ni avoir le dernier mot quant au choix du système de gouvernance, qui est du seul ressort du peuple souverain. Cette génération, qui a rendu l'honneur à l'Algérie, ne connut pas le terrorisme pour en être traumatisée et ne se laissa pas endormir par le discours sur les invariants (thawabit). Ces jeunes nous posent une question toute simple : sommes-nous résolus à devenir libres dans nos choix politiques et économiques ou rester définitivement dans cette configuration de servitude ? C'est le moment pour nous tous de choisir entre vouloir être un peuple ou une peuplade ou pire encore, une plèbe (ghachi) ! Pour elle, la question est tranchée, les seuls invariants sont sa liberté et sa dignité sur lesquelles elle n'est nullement disposée à marchander. Il est temps donc pour l'élite de prendre la parole, de s'exprimer clairement ou se taire à jamais ! |
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