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«La considération
n'est pas la réputation, encore moins la célébrité, l'illustration ou la gloire; elle ne s'attache pas au savoir-faire et ne suit pas
toujours le talent ou le génie. Elle est la récompense accordée à la constance
dans le devoir, à la probité de la conduite». Henri Frédéric Amiel
Considérée comme un axe de gestion incontournable dans l'entreprise, la fonction ressources humaines s'inscrit dans cette optique stratégique, qui consiste à créer de la valeur par la mobilisation des énergies et le développement de l'intelligence de tous ces hommes et toutes ces femmes, qui constituent la plus grande richesse de l'entreprise. Mais sa vocation et sa place, éminemment conférées par le besoin de valoriser le potentiel humain, sont souvent confinées au second rang, contraintes à exécuter des tâches routinières; ce qui entrave lourdement sa substance première, celle d'accompagner le changement nécessaire pour relever les défis de l'heure. Historiquement, l'émergence de la fonction RH est à situer à partir de la fin du XIXe siècle pour connaître par la suite une évolution en étroite liaison avec celle des entreprises. Toutefois, c'est aux Etats-Unis que revient la paternité de créer les premiers services du personnel, qui sont en quelque sorte les balbutiements de l'intronisation de la fonction ressources humaines, chargées d'embaucher et d'affecter les travailleurs au niveau des usines, en quête d'une force de travail, à bon marché et docile, pour accumuler et accroître de larges profits. Ces services du personnel vont se propager à travers l'Europe après la Première Guerre mondiale (1914-1918) pour venir en aide aux entreprises en perte de vitesse suite à l'effondrement de la production industrielle et surtout pour dénicher une main-d'œuvre de plus en plus rare, à cause des lourdes pertes humaines et les conséquences démographiques générées par le conflit. Après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), la fonction du personnel va connaître d'importantes mutations lui permettant d'aller crescendo, en termes de reconnaissance, avec l'introduction de la dimension humaine, en tant que facteur non négligeable dans l'amélioration de la performance des entreprises mais surtout avec l'apport d'un arsenal juridique qui garantit plus de protections dans le monde du travail, mis en place en raison de nombreuses revendications et de mouvements de manifestations des travailleurs (création de la sécurité sociale, instauration de la médecine du travail, établissement des conventions collectives?). A partir de la fin des années 1980, une nouvelle terminologie fait son apparition; désormais, on parle de la fonction ressources humaines, ce qui confirme tout l'intérêt que doit revêtir la gestion du personnel dans la concrétisation des objectifs assignés à l'entreprise. En Algérie, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le processus de libéralisation de l'économie amorcé dans les années 1990, impliquant nos différentes et nombreuses entreprises, n'a pas permis à la fonction ressources humaines de se libérer pour réaliser sa mue professionnelle et s'adapter à un environnement concurrentiel, de plus en plus complexe. En effet, à y regarder de plus près, on s'aperçoit que le champ d'intervention de la fonction ressources humaines est resté enfermé dans des tâches chronophages, obnubilant toute volonté de concevoir ou d'imaginer de nouvelles idées, qui pourraient apporter réconfort et amélioration pour en subir, du coup, la prééminence des impératifs de rentabilité et l'obsession des résultats imposés par la logique du marché, en tant que règles cardinales à ne pas transgresser par les entreprises, au risque d'encourir des répercussions préjudiciables. Incontestablement, la fonction RH est plongée dans une léthargie profonde Ainsi, la reconnaissance et la considération de la fonction ressources humaines sont souvent perçues à travers ses tâches administratives étroitement cantonnées qui n'ont aucune valeur ajoutée, sinon conforter la tendance de sa marginalisation et de son rôle subsidiaire. Sans conteste, consacrer 60% ou plus du temps à assurer la rémunération du personnel, gérer l'absentéisme (le présentéisme est plus significatif en termes d'impact sur la masse salariale) des travailleurs, classer les dossiers administratifs, programmer des réunions de la commission de discipline, préparer un plan de formation exigé par le budget annuel ou pluriannuel? est une présomption irréfragable qui plaide en défaveur d'une fonction, censée servir de catalyseur à la réussite du changement au niveau de toute la chaîne managériale. Cette marginalisation est d'autant plus accentuée quand le DRH se rend à l'évidence, à son corps défendant, de l'impact psychologique de sa solitude, à l'image de Robinson Crusoé perdu sur une île déserte en Amérique du Sud, en tant qu'acteur isolé de la gestion de la ressource humaine, sans soutien des managers de proximité, qui théoriquement sont appelés à jouer un rôle actif dans cette fonction partagée. Ainsi, le slogan «Tous DRH» (1), exhortant les responsables hiérarchiques à s'impliquer et s'investir dans la gestion de la ressource humaine afin de mieux maîtriser les outils leur permettant de mobiliser leurs collaborateurs, est renvoyé aux calendes grecques et? mis au rancart. Mais alors, faut-il dans ce sens accréditer la thèse des tenants de la suppression du poste de DRH et le fractionnement de la structure y afférente en deux entités; l'une à caractère administratif, chargée de gérer les avantages sociaux et la rémunération sous le contrôle de la structure Finances, et l'autre, à vocation organisationnelle, se focalisant sur l'amélioration des compétences, liée directement au PDG, au motif que les politiques RH sont inadaptées aux enjeux réels de l'entreprise et incapables d'augmenter sa performance financière ? (2) Incontestablement, la fonction RH est plongée dans une léthargie profonde, qui annihile toute initiative porteuse de changement, nécessitant une prescription thérapeutique de la part des professionnels en la matière, afin de sortir et se débarrasser des limites qui freinent sa croissance. Toutefois, outre son état fébrile à se positionner en tant qu'activité dynamique et faire valoir ses atouts, force est de constater que la fonction RH est particulièrement minée par d'autres agents qui impactent négativement sur son devenir, tels que la place accessoire qui lui est réservée dans l'échelle hiérarchique de l'organisation de l'entreprise, de son statut tenu en tutelle par les décideurs, de son rôle tombé en désuétude et surtout le profil de formation de sa composante humaine, souvent en inadéquation avec les attentes à concrétiser. Toutes ces vicissitudes, une fois conjuguées, concourent inexorablement à sa déchéance et doivent être, à cet égard, scrupuleusement repensées, revues et corrigées pour lui permettre de connaître un sort meilleur, d'acquérir son droit d'activer de manière professionnelle et autonome, en accord avec sa raison d'être et, in fine, assumer pleinement ses responsabilités en cas de réussite ou d'échec. Il ne suffit pas d'adopter un règlement intérieur ou approuver un code d'éthique pour cimenter la cohésion du groupe L'autre source génératrice d'inquiétude qui secoue la fonction RH, créant une furieuse épine au pied, réside dans la lancinante problématique de préparer la relève de ceux et celles qui sont au crépuscule de leur carrière professionnelle, qui ont prodigué, avec dévouement et consciencieusement, leur savoir, leur savoir-faire et leur savoir-être à ceux qui ont trouvé une issue heureuse en épousant cette fonction. Il s'agit en fait de détecter les dignes successeurs de toutes ces compétences, en vue de régénérer l'énergie davantage compétitive, cette sève nourricière nécessaire et indispensable à la survie de la fonction. L'absence ou l'inexistence d'un dispositif de capitalisation des connaissances et de transfert de l'expérience des aînés aux générations émergeantes, au sein de la fonction, est cruellement ressentie, de surcroît lorsque l'espace professionnel dans lequel on exerce, soumis à des conditionnements imposés, ne permet pas de créer les conditions idoines, capables de transcender ces barrières. Et de ce fait, la transmission générationnelle des connaissances, de la collecte d'information, de la règlementation, en liaison avec la fonction, voire l'interaction entre les collègues de travail, jadis considérées comme un ensemble de valeurs partagées entre anciens et nouvelles recrues, ont perdu de leur substance pour laisser place à des idées reçues, des pratiques spontanées, qui se heurtent souvent à la difficulté d'apporter des solutions convaincantes aux problèmes posés et aboutissent fatalement à un déficit en crédibilité. Cette crédibilité est d'autant plus entachée d'irrégularité, lorsque les jeunes cadres découvrent qu'en plus de la gestion du stress qu'ils doivent gérer au quotidien, ils sont contraints de faire face à la gestion des contradictions dans l'exercice de leurs fonctions : des injonctions imprévues, des orientations inopportunes ou des sollicitations informelles se substituent au lieu et place des procédures bien définies, des règles précises et des directives explicites. C'est là une situation embrouillée où des facteurs perturbateurs surgissent intempestivement et viennent polluer la sérénité d'un milieu qui devrait, théoriquement, témoigner respect et estime du travail à accomplir et, au-delà, lui donner un sens. En d'autres termes, tout travail doit s'inscrire dans un projet collectif qui sert les intérêts du bien commun et s'effectuer dans un environnement animé d'une ouverture d'esprit qui ouvre de réelles perspectives quant au développement de la fonction. Car, il ne suffit pas d'adopter un règlement intérieur ou approuver un code d'éthique pour cimenter la cohésion du groupe, à travers des règles, des droits et des devoirs, mais encore faudrait-il asseoir un véritable socle de conditions de travail qui permettent une émulation de l'intelligence, qui recommandent des avis et des idées et encouragent des initiatives pouvant aisément annoncer potentiellement d'importants changements positifs en faveur de cette fonction. Les jeunes cadres, qui ont suivi leur cursus universitaire en langue arabe, trouvent une gêne lorsqu'ils découvrent que le français est omniprésent dans le quotidien des relations de travail En fait, l'insuffisance ou la rareté des compétences des RH ne s'explique pas uniquement par ce rapport asymétrique entre une formation universitaire académique souvent décriée et les exigences de l'entreprise qui doit faire face à des enjeux stratégiques pour assurer sa pérennité (3), mais découle également d'autres obstacles d'ordre linguistique liés à la traduction et à la compréhension des concepts de management des ressources humaines, considérés comme des outils de travail en milieu professionnel. En bousculant la porte d'entrée de l'entreprise, les jeunes cadres, qui ont suivi leur cursus universitaire en langue arabe, trouvent une gêne lorsqu'ils découvrent que le français est omniprésent dans le quotidien des relations de travail. Les contraintes de l'utilisation d'une langue non maîtrisée se répercutent alors négativement, notamment en ce qui concerne la qualité du travail fourni. La traduction, souvent hypothétique, peut s'avérer incohérente et peu utile, car dans le domaine de l'acquisition des connaissances, comme celles qui ont trait à la gestion de la ressource humaine, un langage rigoureux, dépourvu de toute altération, s'impose pour nous aider à mieux aérer notre champ de réflexion et pouvoir par la suite récolter des solutions à même de nous ouvrir de nouvelles perspectives en adéquation avec nos objectifs. La modernisation de l'entreprise est avant tout actionnée par son potentiel humain, qui constitue le moteur du changement et sans lequel toute action visant à accroître la richesse est vouée à l'échec. La fonction RH, en tant que levier de ce changement, doit sortir des sentiers battus, se dévêtir de sa rigidité procédurière et s'adapter au plus vite aux transformations économiques et technologiques auxquelles l'entreprise est obligée de s'y souscrire. Cependant, il est primordial aussi de réhabiliter cette fonction dans les missions qui lui sont dévolues, monter en compétence ses différents acteurs, considérer son autonomie à gérer sans emprise, parce que son rôle est plus que jamais au cœur de l'évolution de l'entreprise et de l'évaluation des risques que celle-ci peut affronter. Un juste équilibre est donc à rechercher pour éviter les écueils qui jalonnent le chemin de l'entreprise sur fond de mondialisation. A contrario, l'avenir de la fonction RH sera son passé, c'est-à-dire une fonction purement administrative, sans âme et? sans état d'âme (4) *Responsable GRH (Constantine) (1- cf. le livre de Jean-Marie Peretti «Tous DRH» (2- cf. Ram Charan in Harvard Business Review Février/Mars 2015 (3- cf. Article de A. Rouadjia «Repenser le partenariat université-entreprise» in El Watan Week-end du 13.04.2018 (4- cf. Didier Bille «DRH, la machine à broyer» |
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