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3ème partie
L'Algérie peut-elle faire le saut du «prendre» à «l'entreprendre» ? L'entreprise est entreprise par sa dynamique, les opportunités et les risques, c'est-à-dire ce qui relève de sa responsabilité (celle de son sommet stratégique). Quand le sommet est ailleurs et le terrain très loin (le lieu des opportunités et des risques), il y a forcément dysfonctionnement ne serait-ce que par l'asymétrie de l'information. L'information n'est information qu'au moment où elle parvient à son destinataire pour l'informer justement d'un changement survenu dans sa base de données à partir de laquelle il décide. Quand l'information a pris le temps de devenir une donnée, les choses ont certainement évolué, et la décision porte sur le passé, et non sur le présent. C'est ce schéma qui a été préféré en mettant l'entreprise sous tutelle depuis l'époque des grands ministères qui coiffaient les sociétés nationales, aux fonds de participation (qui participaient à quoi ?), aux holdings dans leurs deux versions et aux actuelles SGP (Société de Gestion des Participations). Toutes ces structures bureaucratiques ne font en fait qu'allonger les délais, masquer la responsabilité par la multiplication des intervenants, et forcément augmenter les dépenses, donc les charges et les coûts. Loin du champ d'action que représentent ces tutelles pratiquement ? Les garants de la propriété ? Peuvent-elles le prouver ? Des agences de transfert du patrimoine public, les résultats ne plaident pas en leur faveur; des instances étalon du professionnalisme ? Loin s'en faut. Ces tutelles sont-elles en mesure de répondre aux multiples questions que ne cessent de poser les pratiques du commerce et des contrats internationaux ? Peuvent-elles nous présenter chacune en ce qui concerne son secteur les stratégies des firmes internationales et que peut représenter la destination Algérie par filière ou par produit au moins au niveau méditerranéen. Peuvent-elles faire face aux experts des groupes internationaux ? Peuvent-elles cerner les stratégies de ces groupes et conseiller une conduite stratégique en réponse ? Le constat est simple, il y a démesure entre le pouvoir et la compétence. Il serait plus indiqué de laisser aux cadres de l'entreprise la gestion courante et stratégique de leur affaire, au moins ils sont à la source de l'information. Ne serait-il pas temps de réfléchir à l'emploi Senior pour la catégorie de cadres prématurément partis à la retraite avec un immense capital en savoir et savoir-faire; alors que nous assistons au déclin des compétences dans l'entreprise. Aucune logique économique moderne ne peut justifier la tutelle sur l'entreprise. Elle est entreprise ou ne l'est pas. S'il est exigé comme le dit Mr Benachenhou de Sonelgaz la garantie du Trésor algérien pour les emprunts levés à l'extérieur, c'est peut-être que ses partenaires savent que Sonelgaz n'est rien sans sa tutelle. Alors que depuis son existence les équipementiers connaissent ce que cette entreprise leur a fourni comme débouché qui se compte en milliards de dollars et qu'elle a honoré ses créances comme convenu. Un groupe autonome aurait certainement été considéré autrement. Que peut décider avec précision et la célérité voulue le Conseil des Participations de l'Etat (CPE) si l'on considère les étapes de préparation d'une décision : le diagnostic qui s'établit quelque part dans le pays et qui va, vient et revient entre, l'unité, la DG, la SGP et le Ministère ; les enjeux (si on peut les appréhender) et les hypothèses et scénarios ; la comparaison des solutions ; puis l'option et l'attente de la décision à une prochaine réunion. Si on prend en considération le nombre d'informations nécessaires à chaque étape, qu'arrive-t-il de précis dans le dossier de synthèse qui est préparé pour le décideur et combien a-t-il fallu de temps pour que la question puisse être supposée claire et le choix rationnel ? Il en est de même de la SGP avec en plus le problème des compétences nécessaires au traitement du dossier. Le Business n'attend pas. La preuve de l'entreprise libérée et autonome est là devant nous, le succès de l'usine d'El-Hadjar débarrassée de le bureaucratie et devenue ISPAT Annaba, elle fait même des rentes de situation, celui de la cimenterie de Béni-Saf sous contrat de management étranger, et de la cimenterie de M'sila Lafarge et enfin le succès de l'usine de plaque de plâtre Knauf à Oran. Les cadres algériens au fait des sciences de gestion ayant vécu la période de l'entreprise publique ne manquent pas de souligner qu'avec le même degré de liberté imparti aux nouveaux acquéreurs, ils auraient pu réaliser les mêmes scores. Une preuve encore que l'entreprise ne fut jamais libre de ses mouvements d'où le turn over des compétences. Des entreprises de la taille d'Air Algérie et d'Algérie Télécom connaissent de vrais problèmes. Il y a vraiment lieu de s'interroger sur le pouvoir et la capacité de décision. À La question de la privatisation des entreprises Le redéploiement des actifs pour passer de l'inefficience à l'efficacité n'est pas simple et n'admet pas de solution globale comme recette. Les choses sont à examiner au cas par cas et quand une affaire est traitée le dossier ne doit pas être fermé, le suivi est plus que nécessaire pour l'accompagnement et le contrôle de l'activité. S'il y a des exemples de réussite, il est à constater d'autres situations moins satisfaisantes. Mais ce qui est frappant c'est la démarche envisagée. L'image projetée est celle d'une Algérie bradant ses entreprises (tournées à l'étranger, Show Room). En réalité, il s'agit d'affaires dans un pays où de nombreux avantages et non des moindres sont de nature à garantir la réussite. Dans le climat de surliquidité dans les banques non placées et d'épargne des entreprises riches telles que la SNTA, il aurait été judicieux d'ouvrir un marché strictement public pour une première phase pour le rachat d'entreprises rentables pour ne pas déstructurer les banques et les entreprises acquéreuses. La SNTA, par exemple, au lieu de payer les salaires en retard aurait pu acquérir et filialiser des entreprises qui l'intéressaient pour diversifier son activité. Les banques auraient pu le faire tout aussi. S'agissant d'un marché strictement public, le Trésor aurait pu accompagner cette restructuration quitte à recourir au fonds de régulation des recettes. Les résultats auraient été que ces entreprises auraient enfin un vrai propriétaire (son ou ses actionnaires) et que les organes sociaux auraient été définitivement fixés. Le Conseil d'Administration aurait été composé de véritables actionnaires rémunérés pour ce faire et tenus de réaliser la performance de l'institution qu'ils ont en portefeuille. Le P-DG ou le DG aurait été désigné en toute responsabilité. L'entreprise serait alors statutairement autonome dans les faits et non par décret. Dans une deuxième phase, le capital ainsi délimité et devenant réel aurait été ouvert aux investisseurs éventuels. Il vaut mieux des solutions de ce genre que l'épouvantail qui est offert à tout repreneur par les départements ministériels de gestion des entreprises. Tel département qui veut créer plus d'une dizaine d'entreprises publiques comme si l'on était en 1970, tel autre qui remet sous sa tutelle 40 entreprises, les lenteurs de traitement des dossiers, et si l'on ajoute le climat généralisé de corruption, le tableau est on ne peut plus sombre pour un investisseur qui a surtout besoin de voir clair et d'anticiper. Les hommes d'affaires veulent retrouver des responsables d'entreprises en face d'eux c'est ainsi qu'ils peuvent traiter, donc faire l'entreprise est aujourd'hui une nécessité économique. L'administration régule et doit s'en tenir à cela. À L'écrasante domination des hydrocarbures Avec 44 % du PIB, 98 % des recettes des exportations et jusqu'à 75 % des revenus de l'Etat, les hydrocarbures justifient la «Dutch desease» qui empêcherait la diversification de l'économie. La spécialisation du pays date en fait depuis la découverte du pétrole en Algérie. Cette tendance lourde a commencé dès l'ère coloniale. La place considérable du secteur des hydrocarbures est relevée par A. Benachenhou «Si on admet que les investissements du secteur public (1959-1962) le sont pour la plupart dans les infrastructures économiques et sociales, on constate que durant la période le secteur pétrolier a réalisé près de 60 % de l'investissement productif global»(4). De 1967 à 1977 l'allocation à la section des hydrocarbures des investissements planifiés dans l'industrie totale sera de 47 %, au détriment des biens intermédiaires, de consommation et d'équipements. On dit même «qu'il existait un projet de Plan «CEMEL» qui s'inspirait du modèle déployé en Corée du Sud et qui s'appuyait sur une industrie de biens mécaniques et électroniques. Ce projet n'a jamais vu le jour, contrairement au plan VALHYD de valorisation des hydrocarbures» (5). L'industrie manufacturière qui contribuait à près de 15 % du PIB en 1985 fait aujourd'hui à peine 7% le secteur privé compris. - Cependant, si les hydrocarbures n'exercent pas ou très peu d'effets inputs-outputs sur le reste de l'économie, ils contribuent largement au financement à travers l'épargne budgétaire. Il faut dire que la politique d'exportation de plus grandes quantités a été bénéfique à plus d'un titre quand les prix ont plafonné (remboursement de la dette extérieure et ce n'est pas rien, des milliards de dollars engrangés et les effets de la crise bien que présents sont amoindris quelque peu). Mais, en tant que richesse commune, les hydrocarbures doivent être soumis à une gestion démocratique. Le débat citoyen autour de la question doit être sérieux et respectueux. - Partout dans le monde on a observé un regain de l'intérêt national pour le pétrole et le gaz et un renforcement du contrôle de l'Etat et des entreprises de l'Etat. - Toute chose restant égale par ailleurs les réserves prouvées limitent l'offre du pays. - Il est vrai que le niveau d'exploration du champ minier reste très faible, ce qui plaide pour une participation étrangère, elle est nécessaire. La question qui reste posée est celle du comment ? - La condition fondamentale est que l'entreprise Sonatrach se renforce et qu'elle devienne une des grandes compagnies d'exploration et de production. C'est la clé pour qu'elle soit le chaînon central du processus d'investissement dans le secteur et de l'activité. C'est dans ce sens que le Président de la République, à juste titre, a fait amender la loi sur les hydrocarbures pour maintenir la majorité à l'opérateur national (51 %) le reste est affaire de management. Sonatrach, débarrassée de la mission de puissance publique, doit savoir redevenir une entreprise sur laquelle il faut compter dans l'arène internationale, les partenariats dépendent de cette dynamique. - L'expérience à capitaliser de toutes ces péripéties est que ce secteur est si vital pour notre pays qu'il faudrait probablement instituer un Haut Conseil national de l'Energie qui aurait à statuer sur les grandes lignes de la stratégie dans ce domaine. Avec une structure de réflexion et de dialogue, l'aval n'aurait pas été abandonné au profit de l'amont même si ce dernier est la clé du système. Doit-on condamner la pétrochimie des engrais ou celle des plastiques parce qu'elles sont grosses consommatrices de gaz et qu'il vaille mieux le valoriser en l'état sur le marché international ? Le faire c'est accepter que le pays soit un exportateur net de matières premières. Un simple calcul économique montrerait les avantages de la transformation du gaz naturel sur place. Le marché est une autre affaire. - Il faut s'industrialiser c'est ce que démontre la voie empruntée par les pays émergents. Non, notre pays n'est pas condamné à vivre de la «TIJARA» et notre population n'est pas vouée à produire des «TOUJARS». Cette tendance lourde doit être sérieusement prise en compte dans l'analyse de l'activité économique du pays. La «stratégie et les politiques de développement industriel» pèche par défaut. Ce dont il devrait s'agir c'est «une stratégie de développement du pays» qui vise par secteur et par filière un niveau de hiérarchisation mondiale de départ en tenant compte de notre condition et de nos moyens propres et un rythme de progression de chaque segment à travers une logique : - De définition du segment avec son analyse des conditions de l'offre et de la demande. - L'évaluation de son environnement. - L'analyse des conditions concrètes de la concurrence et des facteurs de l'avantage compétitif. - Les tendances d'évolution (analyse prospective) - Et la formulation d'une stratégie. Ce n'est qu'à la suite de cet examen que doivent être définies les filières porteuses (en partant de l'analyse de notre situation) et plus précisément le repérage du niveau d'activité qui nous intéresse dans l'enchaînement de mise à disposition d'un produit, c'est-à-dire dans quel réseau est-il plus rentable de s'insérer. C'est celle-là l'arène mondiale aujourd'hui. Cela nécessite une capacité de pénétration dans l'économie mondiale que ne peuvent préparer que des centres de réflexion stratégique. La séparation chez nous des départements de la promotion de l'investissement, de l'industrie, de la PME et du commerce est contre-productive, elle ne permet pas une vision d'ensemble, et il faut y ajouter un département spécial pour l'entreprise. À L'investissement :Depuis le temps que nous investissons, il serait de bon sens de nous poser la question si nous avons investi ou alors n'avons-nous fait que dépenser : un investissement suppose nécessairement un retour sur investissement (R.O.I). Si une dépense est dans les infrastructures il faut qu'elle se conclut par des externalités positives qui diminuent les coûts de toute activité économique. A suivre * Universitaire Bibliographie : 4) Benachenhou "Planification et développement en Algérie 1962-1980". p3. 5) Anton Brender "Socialisme et Cybernétique". Calman Lévy. p.10. |
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