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L'Algérie offrait ainsi
l'image d'un univers partagé entre deux mondes : l'un colonial, l'autre
indigène, mis au ban d'une profonde similitude avec la politique de séparation
de l'apartheid. Ce décret donnant bénéfice de la citoyenneté aux Juifs a joué
le rôle d'un marqueur clé, négatif dans ses effets de division en matière de
relations entre juifs et musulmans. Dans cette politique, les Algériens
ressentaient une sorte de frustration s'agaçant de voir aussi, les Juifs
minoritaires placés sur un pied d'égalité bénéficiant d'immunités et de
privilèges. Les liens ancestraux commencèrent alors à se désintégrer suscitant
par ailleurs l'intérêt des juifs pour la France fissurant les liens marqués par
la présence millénaire du judaïsme en Algérie et plus largement encore, au
Maghreb. Leur utopie a créé un climat de méfiance après une longue convivencia, les juifs y vivant leur foi dans la plus
grande liberté d'où le surnom de Tlemcen «La petite Jérusalem» autant aussi, la
ville de Constantine souvent même pressenties judéophiles.
Le passé de Tlemcen nous apprend en effet, comment les deux communautés Juifs
et Musulmans ont pendant des siècles vécus en harmonie.
La France coloniale oubliait qu'elle était en train d'avoir encore sur le dos les Algériens. «On ne peut humilier un peuple qui a laissé les siens dans sa résistance, face à l'occupant», répétait Messali dans ses discours. En 1936, à l'occasion de la visite de Cheikh Abdelhamid Ben Badis, à Paris, à la tête de la délégation des délégués du congrès musulman (1936-37) dont l'orientation politique était en faveur de l'assimilation, a tenu à rencontrer Messali Hadj pour lui faire part du contenu des doléances qu'il allait présenter au gouvernement français concernant le statut des Algériens musulmans. Ce tête à tête eut lieu à la demande de Cheikh Abdelhamid au grand hôtel, avenue Skrob à Paris en présence du militant nationaliste et compagnon de Messali Hadj Mustapha Yellès Chaouche, né à Damas, fils de Cheikh Yellès Chaouche, un des protagonistes religieux à l'origine de la grande «Hidjra» ou l'exode de 1911. Le relais des «Jeunes Algériens», clichés de «Ashab al- politic», était pris ensuite par le retour des expatriés ayant abjuré la conscription puis de retour et qui, fascinés par les progrès réalisés en Turquie propageaient des idées favorables à ce pays, véhiculant en termes de modernité les mots d'ordre de progrès et d'évolution. Dans leurs discours, ils exaltaient l'immense effort de rénovation nationale de la nouvelle Turquie. Les cercles particulièrement actifs, jouaient un peu, le rôle de quartier général des intellectuels. Ils mobilisaient l'opinion grâce aux «Nadis» écrins de patriotisme : «le cercle de la jeunesse patriotique algérienne» (1904), «La jeunesse littéraire musulmane» (1916) ... assumant un rôle social et culturel d'un nouveau genre et envisagés comme des outils de progrès et de prise de conscience. Messali Hadj se distinguait par sa distance hautaine et par son urbanité étant un pur produit de la société citadine d'une des plus vieilles capitales du «Tamaddoun» et de la «Hadara», au Maghreb. La maison où il est était mitoyenne à R'hiba à celle de Cheikh Mohamed Bensmail (m.1942) professeur à l'école supérieure de langue arabe et de dialectes berbères à Rabat, maître de la musique andalouse, fondateur de l'Association «Andaloussia» d'Oujda, ville d'adoption du grand poète-musicien Ahmed Bentriqui (XVIIe s.), et qui, en 1938, a représenté l'Algérie au IIème congrès sur la musique arabe tenu à Fès. Mohamed Guenanèche avec qui il partageait la cellule à la prison de Serkadji, humanise le récit de son extrême courage en confiant qu'il avait un faible pour la musique traditionnelle et la littérature, admiratif du talent des hommes et des femmes de l'art citant Cheikha Tetma ou encore de Cheikh Rédouane, fils de Cheikh Larbi Bensari encore très jeune dans une société qui a toujours favorisé l'intelligence, le talent et l'énergie. C'était le moment où émergeait également, la grande figure artistique et patrimoniale de la chanson andalouse Cheikha Tetma Bentab et qui a fait figure d'ovni dans le paysage culturel et artistique tlemcenien de l'époque laissant parler ses rêves, est allée jusqu'au bout de ses aspirations d'artiste. Libérée, sa présence sur la scène publique s'inscrit, sous les auspices des Jeunes -Algériens, dans un combat féministe de la première heure, au début du XXe siècle, dans cette vieille cité où la chanson a toujours fait partie du mode de vie de ses habitants. Les «Nadis», en s'implantant dans la vie sociale, mobilisaient très largement les nationalistes, les progressistes ouvert à l'esprit nouveau jusqu'aux Oulémas traditionnels. Sous le signe du renouveau culturel musulman il y eut l'impact d'avant-garde des mots tels «Watan, Taqaddoun, Horriya ...», a forte circulation des idées et des contenus et qui ont permis aux nouvelles expressions de s'élaborer s'appuyant sur des liens provoquant des solidarités et cela, dans cette phase remuée partout à travers le monde musulman et dans la même unité, par la trilogie «Tanzimat- Nahda - Réforme» amorçant une pensée neuve enclenchant, par là, un environnement de remises en question et de réhabilitation avec un idéal-guide, à savoir : la science en tant que facteur de libération et de décolonisation. C'est déjà la semence au discours des nationalistes cristallisé à ses débuts par le panislamisme appelant à l'union des musulmans réagissant face aux agressions de l'Occident et le réveil de la Turquie soumise à l'époque, au programme ambitieux des réformes ?'Tanzimat''. La Turquie exerçait à l'époque une réelle fascination auprès des jeunes évolués de pensée libre encore minoritaires. Ces écrins ou « Nadis » dévolus à la culture et aux rencontres qui ont illustré cette mobilisation enfin, les sociétés littéraires et artistiques, sportives et caritatives (Kheiriya) avec leurs côtés bonnes œuvres, actives aussi dans le domaine des droits civiques, ont figuré parmi les expériences ayant accompagné des changements qualitatifs dans la société, voire, par là aussi, ses tendances modernistes impliquant l'idée de liberté dans son cadre intellectuel. Une fois l'indépendance acquise, ces lieux de prise de parole qui faisaient partie de la tonalité du paysage culturel et politique ont cessé d'exister, car n'entrant pas dans le jeu politique, méfiant, du parti unique bridant la pensée libre, enfermant le pays dans des stéréotypes idéologiques nouveaux. L'indépendance qui a porté au pouvoir des démagogues, au pouvoir total, n'allait pas ranimer malheureusement cet engagement, bien plus, il l'a étouffé entraînant des angoisses essentielles de replis des gens de compétence, de l'esprit et de la raison dont le pays a besoin de tirer les compétences pour sa reconstruction. Les zaouïas, ces lieux de régularisation sociale Avec les zaouïas, lieux de la vie spirituelle, le jeu du sacral était resté bien ancré dans la régularisation sociale. La fibre patriotique des membres du cercle les « Jeunes - Algériens » se manifestait dès sa création en 1904, par la présence de l'étoile et du croissant sur tous ses documents officiels : bulletins d'adhésion, entêtes... Avec les « Jeunes-Algériens », la résistance commença dès le début du XXe siècle à prendre un tour politique après qu'elle eut cheminé par plusieurs étapes allant de la négociation, au désir d'entente et de cohabitation, à la lutte armée dont le peuple a brandi l'étendard sous l'impulsion du mouvement nationaliste. Aussi, faut-il faire remarquer que dans la logique coloniale, l'assimilation et tous les autres mots utilisés pour qualifier pudiquement la colonisation fut, plus une manœuvre qu'une exception républicaine de la France dominatrice dont la ?'mission civilisatrice» a servi de nouvelle religion pour légitimer son entreprise impériale. Que sait-on de l'œuvre inaugurée par l'élite nouvelle appelée ?'Jeunes-Algériens» et cela, en dehors du discours produit par les hommes politiques français dont le seul but était de maintenir la colonisation? Phagocytée par ses marges et ses frontières, l'analyse du sujet permet aujourd'hui la relecture d'une des pages intéressantes de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Ces membres qui avaient les yeux tournés vers Ankara, ont contribué énormément à mettre en place des idées nouvelles de transition vers la modernité synonyme de progrès et de démocratie. Nous noterons que l'impact de la révolution kémaliste fut plus puissant qu'ailleurs et qu'à la mort du ghazi ?'Ataturk», une délégation conduite par deux notables, Stili Bendimerad et son cousin, s'était même rendue à Ankara pour présenter à Ismet Pacha Inönü, compagnon d'armes de Mustapha Kemal (1881-1938) fondateur de la nouvelle Turquie républicaine, les condoléances au nom des habitants de Tlemcen. Pour les peuples musulmans sous domination, la mort du Ghazi fut considérée comme une perte déplorable pour la cause de leur indépendance. ?'Résister, donc. Ce n'est pas une affaire de mots mais d'actes», l'esprit de résistance était leur meilleure arme. C'est le début du militantisme des idées, de la revendication des droits qui vont tracer la voie à l'expression et à l'émergence du portique du dire politique. Cette phase empruntant les voies modernes sera ainsi marquée par l'apparition des premiers éléments d'une société civile nouvelle qui, en s'appropriant l'espace, allait participer à la création de la première association, celles des ?'Jeunes- Algériens?' ou ?'Fatyan-s-?', un épithète à l'air du temps, désignant, à l'époque, la jeune l'élite. Son nom est ?'Nadi Chabiba al-wataniya al-djazaïriya?' (cercle de la jeunesse nationaliste algérienne) calqué sur le parti Union et Progrès en Turquie où le sentiment national né de la résistance à l'oppression des colons utilisant au mieux le mépris poussant au contraire à la résignation et au cynisme est ostentatoirement affiché en arabe. L'administration coloniale, très inquiète, sollicita des personnalités intellectuelles en contact avec la société arabe dont le professeur William Marçais (1872-1956), linguiste et arabisant, directeur de la médersa de Tlemcen (1898-1904), pour tâter le pouls et comprendre par là, les buts de cette jeunesse algérienne motivée. Elle y voyait, à travers ce cercle, le profil d'une vie politique en pleine gestation», un parti pour la civilisation et le progrès» composé d'anciens médersiens, notait-il, cela dans un rapport adressé au gouverneur général d'Algérie, à la suite des évènements provoqués par la conscription un moment fort de solidarité avec les Marocains, contre la conquête coloniale de leur pays, n'osant pas entrer en guerre à l'instar de leurs voisins en Algérie. A travers le ?'Nadi», les Jeunes faisaient écho des évènements politiques conséquences de l'impérialisme et ses conséquences dans le monde musulman. Le rôle des Nadis Les premiers animateurs de ce cercle furent notamment des instituteurs, Mohamed Bouayad, Larbi et son frère cadet Bénali Fekar, Mohamed Bekhchi, Ghaouti Bouali et d'autres personnalités de la société civile dont également Mohamed Bendeddouche, Mohamed Ben Yadi, Mohamed Benturquia... qui avaient déjà une participation active dans la vie de la cité. Le premier président de ce cercle était Mohamed Bouayad dont le jeune Hadji fut l'élève à l'école franco-arabe. Lui succéda en 1919, un autre instituteur, Mohamed Bekhchi. Le cercle a reçu la visite de nombreuses personnalités dont, en 1921, l'émir Khaled (1875-1936) accueilli par la chorale des cercles les ?'Jeunes Algériens» et ?'Jeunesse littéraire musulmane» entonnant l'hymne à l'unité nationale chantant la patrie, un rêve rappelant la patrie et donnant la nostalgie : ?'Hiya bina nahyou el watan», (Allons-en, pour que vive la patrie) exaltant le sentiment national. La mémoire culturelle conservait encore ces poèmes patriotiques, « Wataniyat », chantés aussi dans la zaouïas, les écoles libres et les « Nadis », du vivier patriotique. Le mouvement des Jeunes allait profondément imbiber la société comme une force neuve, celle des idées. Avec les ?'Nadis», la pensée va se développer mettant à l'épreuve tant l'efficacité des formes que les pouvoirs de la parole. Les retards donnèrent lieu à de vives confrontations critiques. Tel est le temps de la prestigieuse génération des ?'Jeunes» brisant le mur d'airain imposé face aux aspirations des Algériens. Le militantisme au sein de ces espaces était devenu un marqueur distinguant le camp de l'élite et de sa jeune promotion, au tournant du XXe siècle. Ce front patriotique d'émancipation constitué par les ?'Nadis», les écoles libres... dont on pouvait tirer les leçons a été interrompu à l'indépendance, faisant les frais du parti unique avec ses conformismes, systématiquement dangereux pour les libertés et énergiquement opposé à toute approche politique pluraliste maintenant une situation de blocus médiatique. En raison de sa haute composante élitique, le cercle mythique des ?'Jeunes-Algériens?' était appelé « Sénat » comptant parmi ses ?'effendis'' hautains, des propriétaires, fonctionnaires, instituteurs... Composé d'honorables personnalités représentatives de la société traditionnelle, soupçonnés par les colons au contact avec les propagandistes de la mouvance panislamique. Cette période a vu l'émergence d'une élite motivée et parfaitement engagée sur des questions brûlantes concernant la modernité en tant que facteur d'émancipation, de progrès et d'évolution. Ce premier frémissement inaugural de cette quête de forte vitalité, sera accompagné par de nombreuses initiatives en vue de la relance de l'art et de la culture revendiquant une démocratisation de la société musulmane en vue d'un islam contemporain. Les Oulémas n'appréciaient pas leur libéralisme moderniste sous l'influence du courant ?'Jeunes-Turcs» qui avaient pour vocation de sauver l'empire opposés à une monarchie autocratique. Contrairement aux traditionalistes, le souci de ces ?'Jeunes» de l'élite incarnant la nouvelle Algérie, était le présent et l'avenir. L'effort tendant à renforcer l'identité sera motivé par le souci de ressusciter certaines traditions telle l'étude du recueil des hadits (paroles du prophète) de ?'Sahih al Boukhari» (810-870), tout au long du mois de Ramadhan, des ?'Madjma'e» pour les femmes... Sur le plan religieux toujours, les mosquées-écoles donnaient libre cours à des séances réservées à la lecture des Louanges libératoires (Mounfaridja) ou, à l'invocation du nom de Dieu. Au plan politique, c'est l'engagement de personnalités en vue, telles Bénali Fekar dont la parole politique unit réalisme et intellectualité raffinée au goût de l'action, suivant l'évolution des idées pendant cette période critique, sur les sujets liés à l'assimilation, la conscription, l'instruction. Si M'hamed ben Rahal (1858-1928), délégué financier, qui fut le premier à remplir un rôle politique, l'avocat Taleb Abdeslam, son suppléant, revendiquait, quant à lui, avec une tournure d'esprit moderne, une compensation du sang mêlé dans la défense de la France pendant la guerre 14/18 où 25.000 Algériens sont morts sur les champs de bataille à Verdun publiait, en 1919, un opus imprimé à Tlemcen aux éditions Médiouni, intitulé ?'Les ambitions algériennes et la question d'un Parlement algérien?' pour un self -gouvernement en Algérie revendiquant par là, le droit de se gouverner pour mettre l'Algérie au service du progrès social, économique, intellectuel et politique, premières manifestations explicites d'autonomie... étaient des figures de proue de ce mouvement d'engagement. Bénali Fekar et Taleb Abdeslam, gentlemen de la nouvelle société, ont été, en 1911, à Paris, fondateurs de la première alliance franco-algérienne avec d'autres membres, parmi eux, également, l'avocat Mohamed Bouderba de Constantine, le romancier français Pierre Loti (1859-1923), partisan de l'empire ottoman engagé dans un effort déterminant pour se moderniser et ami du sultan Abdelmadjid, le peintre Etienne Nasreddine Dinet (1861-1929) animé de sentiments favorables à l'islam et auteur d'une biographie du Prophète Mohamed dédiée aux musulmans mort au champ d'honneur de la grande guerre... A Constantinople où il s'est exilé avec son père, le professeur à la médersa franco-arabe Mohamed Méziane crée, dans cette ville, le comité d'accueil des Algériens émigrés et participe, en 1917, au congrès des peuples sous domination coloniale tenu à Berlin. Protagoniste algérien, il sera signataire, avec le tunisien Bach Hamba et Ahmed Biraz al-Djazaïri de la pétition adressée au président Wilson des Etats-Unis et aux membres du congrès de Versailles, réunis le 18 janvier 1919 à Paris avec la participation de trente deux pays dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, pour ratifier la paix, après la Première Guerre mondiale, et dans laquelle il était question d'autodétermination des peuples algériens et tunisiens, deux pays entrés très tôt dans l'histoire moderne du Maghreb. L'effervescence politique, culturelle et religieuse Dès la fin du XIXe siècle, l'effervescence politique, culturelle et religieuse est à son paroxysme. Elle est au rendez-vous prôné par l'élite du mouvement des Jeunes Algériens, dûment surveillé, représentatif d'une certaine pensée politique y apportant le langage des droits universels des droits de l'homme et envers lesquels la population va placer quelques espoirs. Créé dans le sillage connecté des ?'Jeunes-Egyptiens?' et des ?'Jeunes-Tunisiens?', avec ses icônes de la première génération du combat politique, ce mouvement était influencé par la jeune Turquie qui signait le début de l'ère des réformes. C'est le début de l'engagement de la société civile plaidant pour la mesure, le dialogue, les principes du droit. Dans l'histoire continue de notre pays, beaucoup craignent de voir tomber dans l'oubli l'héritage des ?'Jeunes-Algériens» dans leur rôle politique, au début du XXe siècle et qui apparaissaient encore comme modérés dans leurs exigences. Ce mouvement fut dynamisé avec le retour des nombreux exilés de la ?'Hidjra?' et qui ont partagé, ensuite avec lui, la même fibre patriotique. Leur discours favorable au progrès et à l'évolution dans tous les domaines, y compris celui de la femme, avait certes un impact très fort sur la population. En ce début du XXe siècle, à côté des conservateurs et leur retranchement enfin, les modernistes tentant d'adapter le libéralisme politique aux sociétés islamiques en montrant que modernité et islam ne sont pas incompatibles parlant d'un islam contemporain, le courant réformiste inaugurait un mouvement identitaire défendant l'orthodoxie sunnite imprégnée par l'enseignement dispensé par Cheikh Bachir al Ibrahimi (1889-1965) de l'association des oulémas promoteur du projet de ?'Dar al-hadith» , en 1937. C'est une page nouvelle qui s'écrit dès le début du nouveau siècle avec des personnalités très en vue, principaux acteurs de ce renouveau, prioritairement des gens du devoir mais si recueillis, tels Cadi Choaib Aboubekr ibn Abdeldjalil, Cheikh Abdelkrim Médjaoui, Mohamed Bouaroug al-Azhari, Cheikh Mohamed Yellès Chaouche parmi d'autres personnalités du réveil arabe; les intellectuels Ghaouti Bouali, Mohamed Bouayad, Larbi et son frère Bénali Fekar, Cheikh, Abdelaziz Zenagui qui refusa son incorporation lors de la première guerre traduit de ce fait devant un tribunal militaire et condamné... parmi les membres fondateurs de l'élan politique des Jeunes musulmans ébranlés, à l'époque, par les nouveaux courants de pensée cristallisant les Lumières soufflant l'éveil, l'émancipation de l'homme, débouchant sur le sentiment national. L'instant qui a ouvert l'ère nouvelle des Jeunes -Algériens s'est épanoui comme une rose, au tournant du XXe siècle, avec son âge d'or des cercles ou Nadis et qui a malheureusement connu un brutal coup d'arrêt à l'indépendance, en 1962. Ce mouvement des gens instruits inspiré des Jeunes-Turcs, du comité Union et progrès, apparaissait aux yeux de Messali Hadj modérés dans leurs exigences à un moment aussi les Oulémas accroissaient leurs obligations quant aux observances religieuses. Leur pensée religieuse réformatrice contestant l'image d'un islam rétrograde en faveur d'un islam de civilisation dégagé de toutes les scories, eut audience non seulement en Algérie, mais aussi dans le Maghreb, au Maroc et en Tunisie, notamment. Cheikh Abdelkrim Médjaoui s'affirma par ses idées réformatrices dont l'impact dans le milieu de la jeune élite marocaine de Fès, en tant que professeur à la médersa d'al-Qaraouyine, fut très important. De Tlemcen, où il occupa pendant près de vingt années le poste de « Cadi djamaa » (cadi de la communauté), à Tanger puis enfin à Fès au temps où il fut nommé cadi, puis professeur dans sa prestigieuse médersa Quarouiyine, son combat religieux réformiste d'avant-garde inspira une pléiade de savants dont Mohamed Bensouda, Mohamed Guenoun, Ahmed Alaoui, Djaafar Doukkali... Il eut également pour disciple son fils Abdelkader Medjaoui (1848-1914) dont l'enseignement à Constantine profita aux membres de la première élite réformiste dont Hamdane Ounissi, Mohamed Bachtarzi, Mohamed Mouhoub, Cheikh Zekri, Abdelhamid Ben Badis... Fondateur du journal « Al Maghrib », il est également l'auteur d'un idéal-guide « Irchad âliba », publié au Caire et destiné à l'élite dans lequel il met en valeur ses orientations en faveur d'un enseignement moderne orienté vers un humanisme musulman purifié et pacifié. L'énergie combative de l'élite A Tlemcen, la jeunesse de Messali Hadj s'est mêlée à d'autres icônes de la pensée réformiste, voire l'azharien Cheikh Mohamed Bouaroug et Cadi Choaïb Aboubekr, morts tous les deux en 1828, fondateurs d'écoles libres, la première installée à la vieille mosquée de Sidi al-Djabbar et l'autre à la mosquée léguée habous par ce dernier à destination de l'enseignement du Coran et à la prière. Cadi Choaïb, un maître d'école, président du Madjlis al-Ilmi de Tlemcen accueillit en 1919, Cheikh Abdelhamid Ben Badis, futur président de l'association des Oulémas algériens, à qui il décerna licence (Taqrîd ou Idjaza) reconnaissant dans un texte en prose rimée, selon la tradition, son autorité religieuse en matière de l'enseignement du «Fiqh». Le jeune « Hadji » avec une foi nationaliste inébranlable, affronta les moments difficiles. Sa culture politique émanait du milieu réel dans lequel il a vécu et dont ne s'est jamais détaché, ce qui explique ses attaches profondes avec le terroir algérien façonné par l'histoire, la culture et les résistances. Messali Hadj est aussi l'homme qui a enflammé l'imaginaire du Maghreb et de son unité. C'est au cours de son exil à Genève qu'il rencontra Chakib Arslan (1869-1946). Sa cure d'engagement en faveur du nationalisme arabe le rapprocha également, lors de sa tournée en Orient (Egypte et Arabie Saoudite), de Abderrahamane Hassan Azzam, premier secrétaire général de la Ligue arabe de 1942 à 1952. La zaouïa, les cerles (Nadis) de la littérature, de l'art et des amis éclectiques et qui ont tenu une large part dans sa vie, la ?'Hidjra'', la guerre du Rif sont parmi les repères politiques de Messali Hadj devenu avec la création de l'Etoile nord-africaine, en 1926, créée grâce à l'appui de travailleurs engagés, militants de terrain au sein du Parti communiste où il fit ses classes, une grande figure politique. Sa pensée rayonna ensuite comme porteuse du flambeau de la conscience maghrébine, en faveur des indépendances. La politique va dès lors demeurer dans l'engagement de toute sa vie. L'ENA allait, certes, affirmer sa volonté d'obtenir l'indépendance des trois pays du Maghreb avec un grand geste de confiance en l'avenir de cette construction chère aussi à Abdelkrim al-Khattabi (1882-1963). Le défi qui allait être engagé paraissait insurmontable, pour plus d'un. Ce que veut Messali Hadj porté dans son rôle de leader, c'est l'indépendance l'alpha oméga de sa pensée politique rendue illusoire par une bonne partie de ses compatriotes dont les Oulémas. Très imprégné par sa culture de base et évoluant dans le milieu des émigrés en Frane où il rencontre sa compagne Emilie Busquant (1901-1953), Messali Hadj n'est pas resté dans le conformisme idéologique ?'Jeune-Algérien» avec son parti de ?'la civilisation et du progrès?' créé à l'orée du XXe siècle se comportant de façon patriotique en continuant à réclamer les droits et les libertés. Influencé par le Parti communiste en France dont il était membre adhérent, il s'instruira, outre aussi de ses lectures infinies, beaucoup en politique mesurant le caractère décisif d'une lutte armée qui lui paraissait de plus en plus inéluctable, surtout après les évènements du 8 mai 1945. Soufflant l'esprit révolutionnaire, son carnet de bord étant l'indépendance de l'Algérie. Sa ferme position accrut d'autant sa popularité et son autorité. Trop confiant, il n'hésite pas sur la voie à suivre. Il sera fondateur du Parti du peuple algérien (PPA) matrice de la révolution, en 1937; du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), et de son bras armé l'Organisation secrète (OS), en 1947, dans son rôle dans la préparation de la révolution restera fidèle à sa vision politique de reconquête du pays, visant à terme l'unité du Maghreb. En 1954, il crée son nouveau parti le Mouvement national algérien (MNA), en 1954 et dont la crise avec le Front de libération nationale (FLN) se dénoua dans la révolution. Le fondateur de l'Etoile nord-africaine revendiqua publiquement, le 2 août 1836, l'indépendance sur le sol algérien et cela, lors d'une réunion du Congrès musulman de doctrine assimilationniste qui s'est déroulée au stade municipal d'Alger. Le leader de l'Etoile nord-africaine proclamera son refus de renoncer au droit du peuple algérien à disposer de lui-même. Il est alors porté en triomphe par la foule. Le 7 janvier 1937, l'ENA est interdite. Elle fut remplacée en mars de la même année par le Parti du peuple algérien (PPA) parti où ont éclot les jeunes, futurs grands noms de la révolution : Lamine Debbaghine, Larbi Ben Mhidi, Mohamed Boudiaf, Mohamed Belouizdad, Ahmed Benbella, Ait Ahmed... Un Comité clandestin d'action révolutionnaire nord-africain est constitué. En septembre 1946, Messali Hadj fonde le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), un parti qui se veut national, populaire et révolutionnaire, réclamant une Assemblée algérienne souveraine et le départ des troupes françaises. Ce mouvement se dotera, les 15 et 16 février 1947, d'une organisation spéciale (OS), organisation militaire clandestine destinée à préparer méthodiquement l'insurrection. Découverte par la police, elle sera dissoute en 1950. Messali Hadj qui effectue une tournée à travers l'Algérie inquiète les pouvoirs publics du fait de l'accueil fervent qui lui était réservé. Les difficultés françaises en Indochine incitent les nationalistes algériens à agir. Le 23 mars, le comité central du MTLD et les cadres de l'OS fondent le Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) symbolisant l'acte irréversible allant vers la Révolution. En raison du conflit entre Messali Hadj et la direction du parti, le MTLD éclate entre messalistes et centralistes. Trente trois activistes nationalistes du MTLD alors décident à l'unanimité d'engager la lutte armée le 1er novembre 1954. Ils désignent une direction collégiale de neuf membres qui proclament la naissance du Front de Libération Nationale (FLN) et appellent les Algériens à se mobiliser pour rejoindre l'armée de libération nationale (ALN). Messali Hadj déclarait, en ce moment, que la lutte armée, longtemps indécise encore, était devenue inéluctable. Ses positions éloignées sur la question de la direction révolution, il crée, en 1954, le Mouvement national algérien (MNA). Le 5 juillet 1962, le père de l'indépendance est mis à l'écart, en France. Grand acteur du récit national, le héros patriotique légitimé par sa fière allure et la ferveur populaire qui l'a accompagné tout au long de son combat mourra en 1974 sans avoir revu son pays et assister à la levée de ses couleurs, à l'indépendance. En refusant d'intégrer l'autre dans la culture politique commune, le régime du politiquement correct va échouer sur ce point, manifestant ainsi ses vraies pulsions uniformistes, dont les conséquences se prolongent encore aujourd'hui. Le père de notre drapeau dérangeant encore, jusqu'à aujourd'hui, qui a fait de sa vie un symbole insufflant l'idée de nation résistante avec d'autres hommes d'action incarnant cette volonté avec en extrémité politique l'indépendance du pays qui a épuré tous ses rêves. Il a ainsi payé cher sa résistance omniprésente, son entêtement nationaliste, sa détermination inflexible durant plus de cinquante années de lutte et cela au prix fort de comparutions devant les tribunaux, de résidences surveillées, d'incarcérations à la Santé de Paris, Serkadji, el-Harrach, Lambèze, prison militaire d'Alger, de condamnation à seize ans de travaux forcés avec confiscation des ses biens, de déportation au bagne de Bakouma au Congo Brazaville, Ain Salah, d'internements à Belle-île sur mer... En résidence surveillée de 1954 à 1959, il le restera jusqu'à sa mort. On ne lui connaîtra pas une seule lâcheté. Au-delà de ses sacrifices et de son rôle en faveur de l'indépendance, le chef historique avait déjà à son avantage, la conception du drapeau avec, au centre, ses insignes symboliques à la gloire de l'union nationale, la résistance enfin, la liberté de la patrie, le croissant et l'étoile dont il emprunte la symbolique au Maghreb, sur fond vert de l'identité et blanc de l'unité. L'emblème étoilé symbole de l'unité maghrébine retrouvée faisait son entrée, dès 1935, dans les réunions de l'ENA avec ses militants qui ont vécu aux côtés de Mohamed Mamchaoui, Mustapha Berrezoug, Boumédiène Maarouf, Mohamed Guenanèche... et dans toutes les manifestations de rue organisées, dès 1937, sous la bannière du PPA et plus tard, du FLN. Un monument de l'histoire nationale et maghrébine Messali ou Hadji, diminutif de Hadj (1898-1974), issu d'une famille couloughlie, sera la figure la plus marquante de l'histoire de l'indépendance de l'Algérie. En raison de son engagement et sa foi patriotique, il fut hissé par le peuple au rang de chef national. La liberté d'écrire l'histoire n'a appartenu malheureusement qu'à un camp, ce qui fait qu'aujourd'hui encore le jeu de la vérité et son âpreté reste encore très partagé. Placé pendant presque toute sa vie en étroite surveillance, exilé jusqu'à la mort, il ne fêtera pas avec tous les Algériens l'indépendance de son pays qu'il a tant rêvée et pour laquelle il a sacrifié les meilleurs moments de sa vie. Pour ses obsèques, son corps sera rapatrié trois jours après sa mort, le 3 juin 1974, à Gouvieux dans l'Oise, près de Paris, accompagné d'un passeport réservé aux apatrides. Cette injustice a ajouté un supplément d'attachement à l'homme interdit de retourner dans sa patrie, à l'indépendance. C'était là une manière de se débarrasser définitivement de son image historique, de son parcours politique. Certes, idéologiquement, le sage et visionnaire leader avait une autre idée de l'indépendance et de la construction démocratique de son pays. Toujours est-il que le message de Messali Hadj est encore d'actualité avec à quand à l'élection d'une constituante et l'instauration d'une vraie démocratie. Revendications qui étaient siennes en même temps que l'indépendance de l'Algérie formulée pour la première fois lors du congrès anti-impérialiste de Bruxelles, en 1927. En tant que patriote chevillé au corps, il paiera cher son différend avec le FLN pour la direction de la lutte armée. Il échappera alors à plusieurs scénarios de meurtre. L'histoire traumatique entre les deux camps est restée toujours présente. Abandonnant l'histoire de tout le mouvement national, le pouvoir en place depuis l'indépendance a institué un système basé sur l'oubli tournant le dos à ses élites nationalistes laissant place à une mémoire exclusiviste où même le passé ancien est à peine survolé, jusqu'à aujourd'hui. Les résistants de toute dernière minute ont ainsi institué une vision infuse, étrange et contradictoire, pour ternir l'image de cette grande figure et de prendre par là, en otage, toute l'histoire du pays débarrassée de ses grands hommes. Au pied de la tombe de Messali Hadj, Ahmed Ben Bella viendra s'y absoudre déclarant : ?'Nous nous sommes trompés, tu avais raison Sid el Hadj», en présence de vieux militants. Mohamed Boudiaf reconnaîtra plus tard ses errements et celui d'autres leaders à l'égard de Messali Hadj. Modestement, Messali Hadj fait partie de ces héros au parangon de l'histoire du combat du peuple algérien. Messali Hadj totalement dévoué, durant sa vie, à la cause de son peuple pour l'indépendance continue inflexiblement, en homme libre, son sacerdoce et sa pensée droite, fidèle toujours à son combat de toujours prenant fait et cause pour les peuples opprimés. En cela, il était en rupture avec la doxa idéologique des tenants du pouvoir post-indépendance. L'histoire ne peut liquider de cette manière le mouvement national en tant que moment générationnel important de l'histoire contemporaine du pays. Certes, aujourd'hui, le pays ressent fortement ce besoin d'en finir avec l'hégémonie du politiquement correct, confisquant le système politique, tendant à éradiquer son nom du mieux que pouvait le faire déconstruisant l'histoire du pays s'assurant aussi, qu'aucune information ne soit donnée rappelant son passé de lutte. La méfiance des messalistes rescapés, longtemps surveillés, a perduré longtemps payant le prix fort d'emprisonnements et d'exils. La mémoire gardera pour toujours le souvenir de ce moment poignant lorsque Messali Hadj en visite au Maroc chez sa fille Djenina qui, à Rabat, après l'indépendance, passa à côté de l'ambassade d'Algérie voyant flotter à l'entrée le drapeau dont il a dessiné lui-même les formes et choisi les couleurs s'est fondu en larmes envahi à la fois par un sentiment de fierté et de douleur profonde d'un pays qu'il n'allait plus revoir goûtant à sa liberté et enfin, d' y mourir après tant d'années de lutte et tant de sacrifices durant toute sa vie de lutte par un pouvoir déterminé à se débarrasser de son nom. Son cercueil couvert de l'emblème national fut, au-delà de l'ingratitude officielle, porté en reconnaissance à son œuvre de sacrifice par des milliers de personnes venues de tout le pays dont ses anciens avocats, des vieux militants nationalistes, pour un dernier hommage. Par ces funérailles grandioses, le peuple voulait ainsi honorer une mémoire que le peuple tient inlassablement à sa réécriture. Ce fut un grand jour parmi les grands que personne n'espérer voir réuni pour un dernier hommage. La crise que traverse aujourd'hui le pays est aussi celle de son histoire. L'admiration pour ce grand personnage de l'histoire de l'Algérie est restée entière. Les prières, les chants patriotiques et religieux firent de son enterrement, placé sous haute surveillance, cercueil couvert du drapeau national et hissé sur les épaules sur un parcours de près d'un demi kilomètre, un moment mémorable vécu. D'un autre côté, les troupes de sécurité étaient là partout massées sur son passage laissant croire que le régime en place continuait à craindre le leader même mort. Lui ont rendu un dernier hommage, les vieux militants et hommes historiques du PPA-MTLD, du FLN, du MNA s'y recueilleront pour un hommage. Les chefs historiques de l'organisation secrète (OS) et du mouvement national : Houcine Aït Ahmed, Ahmed Benbella... Les éloges funèbres prononcés à l'occasion de ses funérailles évoqueront son patriotisme sans failles au prix de sacrifices pour le pays au-delà du soutien, jusqu'à la fin de sa vie, qu'il apporta à la cause des peuples opprimés, dont la Palestine. Les hommes du coup d'Etat de 1965 avaient commencé tout d'abord par refuser sépulture au leader nationaliste sous le prétexte effarant qu'il était un opposant de l'indépendance de l'Algérie. Son enterrement qui a eu lieu au frais des citoyens, sans révérence officielle par les médias officiels, pratiquant la chasse aux sorcières, a mérité les honneurs du peuple lui réservant des funérailles grandioses. Le pouvoir qui avait très peur de l'émotion populaire avait soumis l'évènement à une grande surveillance en l'absence bien sûr des grands corps d'Etat. La foule était telle que lorsque la tête du cortège arrivait au cimetière ?'Cheikh Sanoussi?' la moitié du chemin qui était encore à faire pour le reste des citoyens venus en masse lui rendre un dernier hommage. |
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