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Beaucoup d'historiens
s'accordent à dire que si le monde arabo-musulman a prolongé sa décadence,
c'est aussi à cause de son indifférence, sa négligence, voire son hostilité
affichée face à cette nouvelle découverte du 14e siècle, que fut L'IMPRIMERIE.
En effet, des théologiens refusèrent cette technique innovante au nom du sacro-saint respect de la tradition et, surtout, pour la préservation de leur notoriété et autorité sans limites sur la masse populaire. Aussi, les copistes ont rapidement formé une puissante corporation, ils sont 80.000 à Istanbul au 17e siècle, fort peu encline à renoncer à ses privilèges lucratifs, ce qui conduisit les sultans ottomans, Bayazid II (1485) et Sélim Ier (1515) à en interdire l'usage. Un vrai paradoxe pour une nation dont l'écriture sainte recommande fortement la lecture à chacun de ses membres notamment par le premier verset révélé, ÅÞÑÃ, mais qui s'obstine, néanmoins, à refuser de promouvoir une découverte qui devait, justement, mettre le livre à la portée de tous. Une attitude régressive, mercantile, à l'horizon étroit, dont nous payons, sans doute, le prix fort jusqu'à aujourd'hui. Car, si les ouvrages théologiques ont connu un essor important grâce à l'impératif religieux qui leur a garanti une meilleure préservation, voire même une diffusion importante, ceux dédiés aux sciences profanes : astronomie, mécanique, médecine et botanique, n'ont pas eu la même chance. C'est ainsi que la diffusion du savoir cumulé durant plus de huit siècles, ne semblait pas constituer une priorité pour les califes et les rois de cette époque. D'ailleurs comment pouvait-il en être autrement, des sociétés où de telles sentences : «ABSTIENS-TOI D'APPRENDRE UN MÉTIER SANS MAÎTRE», ou encore, «TON ENNEMI EST CELUI QUI EXERCE TON MÉTIER», sont tenues pour des règles que tout le monde accepte et applique sans réfléchir. Ainsi, le principe qui consiste à garder jalousement pour soi la connaissance, et à ne la transmettre qu'avec beaucoup de parcimonie, de préférence à son disciple direct, était scrupuleusement appliqué et perpétué d'une génération à l'autre. C'est ainsi qu'on créa sciemment la rareté du livre, et par conséquent la rareté du savoir, aussi, celui-ci devenant le monopole de quelques nantis il ne pouvait que péricliter avec le temps. Nous avons, donc, raté cette révolution culturelle et par ricochet la révolution industrielle que l'Europe avait connue à la fin du 18e siècle avec l'invention de la machine à vapeur de James Watt. Il faut attendre le 19e siècle et la Nahda (Renaissance) pour voir se développer réellement la typographie, au Caire et à Beyrouth. ENTRE-TEMPS, QUE S'EST-IL PASSÉ EN OCCIDENT ? En Occident, en revanche, nombreux furent ceux qui cherchaient un moyen de fabrication permettant la multiplication rapide et à moindre coût de tout genre de publications. Cette découverte va contribuer largement à la diffusion rapide des connaissances techniques et scientifiques, de la pensée philosophique, et de l'art littéraire pendant la Renaissance. Des textes anciens ou plus récents, dans les domaines de la religion, de la littérature, de l'histoire et de la philosophie, connurent une large diffusion. Ainsi, les fidèles furent incités à lire la Bible, désormais facile d'accès. Le mot d'ordre porté par Luther fut d'encourager l'étude personnelle et, notamment, la confiance de chacun en ses propres capacités intellectuelles pour comprendre les écritures sacrées. Le monde assista donc pour la première fois au Royaume-Uni et en France à la diffusion des premières encyclopédies regroupant tout le savoir humain dans divers domaines, compilé en plusieurs volumes. Diderot et Dalambert entreprirent l'élaboration de la version française de ce travail colossal, qui leur a coûté 24 années de leur vie. Ces derniers défendaient avec zèle, et à juste titre : LE DROIT DE CHAQUE HOMME À LA CONNAISSANCE ET LA LIBERTÉ DE PENSER. À L'ÈRE DE LA NUMÉRISATION DE LA CONNAISSANCE, SOMMES-NOUS À NOUVEAU EN TRAIN DE RÉÉDITER LES ERREURS DU PASSÉ ? Aujourd'hui, la numérisation informatique, une nouvelle révolution dans le domaine de la préservation et la diffusion du savoir humain, ne se limite plus aux objets en 2D (deux dimensions), comme les textes et les images, elle est passée aux objets 3D ; des objets volumiques, à l'image des œuvres archéologique ou techniques, témoins de l'évolution culturelle et industrielle de l'humanité. Ces nouvelles techniques de protection et de diffusion du patrimoine universel, permettent non seulement l'examen à distance par une approche tridimensionnelle de ces œuvres, mais aussi, lorsqu'elles sont jumelées aux technologies de l'impression 3D, une reconstitution volumique fidèle de ces œuvres, que des visiteurs pourront voir ou, encore mieux, manipuler dans d'autres lieux d'exposition, sans que cela ne présente le moindre risque pour les oeuvres originales, demeurant désormais en lieux sûrs. C'est ainsi que des établissements d'enseignement secondaire et supérieur, peuvent aujourd'hui bénéficier de l'emprunt temporaire de ces répliques d'oeuvres originales, pour servir de support d'étude aux étudiants et lycéens, comme le fait régulièrement le musée du Louvre à Paris, et d'autres également. Smartphones, tablettes et liseuses, le support de lecture connaît depuis les années 2000 une mutation fulgurante. Les nouvelles générations lisant de moins en moins les livres sous leur format papier. En effet, les supports numériques semblent détrôner les supports papier, puisqu'ils permettent aujourd'hui d'avoir à portée de quelques clics des milliers d'ouvrages et tous autres produits numériques : journaux, périodiques, documents audios et vidéos... Une véritable médiathèque ambulante tenant entre le pousse et l'auriculaire, avec de surcroît, en matière de recherche documentaire, l'avantage incontournable qu'offre les multiples liens hypertextes. Le monde occidental a pris, encore une fois, conscience, contrairement à nous, de l'importance de cette mutation vers le numérique pour l'archivage et la diffusion du savoir et de la culture universelle. Beaucoup de pays n'ont pas lésiné à mettre les moyens idoines pour ne pas enregistrer de retard par rapport aux autres. Le gigantesque marché du WORLD WIDE WEB est devenu un espace de brassage des cultures du monde entier, une AGORA à la taille de la planète, où des milliards d'idées voyages, se croisent, se côtoient, et se fécondent mutuellement. Même les barrières de la langue sont tombées grâce aux algorithmes de traduction en temps réel. SI LE 18e SIÈCLE FUT CELUI DE LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE, LE 21e SIÈCLE SERA INCONTESTABLEMENT CELUI DE LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE Des bibliothèques et médiathèques numériques voient le jour un peu partout, depuis plus de quinze ans. Précurseur dans le domaine, l'entreprise Google lance en 2004 «Google Books» qui propose aujourd'hui pas moins de 25 millions d'ouvrages, d'autres institutions lui emboîtent le pas à leur tour, en proposant en libre consultation et téléchargement leurs collections d'ouvrages numérisés, à l'instar de «Gallica», le pôle numérique de la Bibliothèque nationale de France en 1997, qui propose à l'heure actuelle pas moins de 5 millions de documents numériques «Europeana», une plateforme d'accès aux bibliothèques numériques des pays européens en 2008, avec plus de 50 millions de produits numériques mis à disposition des internautes, la «British Library» en 2012, une des plus fournies, avec pas moins de 170 millions de références et 14 millions de livres archivés, la «Digital Library of America» en 2010, offrant un libre accès à plus de 36 millions d'objets numériques, et d'autres encore. Ainsi, Wikipedia recense, aujourd'hui, pas moins de 190 institutions dans le monde offrant un accès libre à des contenus informatifs numériques. ET SOUS LE CIEL ALGÉRIEN, QUOI DE NEUF ? Très peu d'initiatives ont vu le jour sous le ciel algérien, comme «Khizana algérienne du patrimoine», ou «Nooobooks» ; encore dans un stade embryonnaire puisque le nombre d'ouvrages numérisés reste très faible, quelques milliers seulement. Les sites en ligne dédiés, censés proposer des services de consultation et de téléchargement d'ouvrages, sont très souvent inaccessibles. Quelle place allons-nous réserver à ces nouvelles technologies de préservation et de diffusion du savoir ? Quelles garanties avons-nous de préserver notre patrimoine culturel et nos valeurs pour la postérité, si nous prenions le risque de faire abstraction de ces nouveaux modes de conservation et de transmission de notre mémoire collective ? Quelle place aurons-nous dans ce monde si notre pensée est absente dans le Big Data qui s'offre à notre jeunesse et au monde entier ? Quelles attaches nos enfants auront-ils avec leur passé si celui-ci n'a plus sa place dans la modernité et se laisse ensevelir sous les strates du temps qui passe ? Nos enfants sont happés par les pays qui ont fait de la modernité leur crédo, comme le sont nos richesses naturelles à l'état brut, d'ailleurs. Allons-nous rester passifs devant cette hémorragie qui nous vide de notre substance, faisant de nous un tronc d'arbre creux dont les racines ne sont plus connectées aux feuilles, à tel enseigne qu'ils ne donnent naissance qu'à des fruits insuffisamment mûrs, ou au contraire, allons-nous provoquer ce sursaut qualitatif tant espéré, afin de susciter un éveil collectif de la conscience citoyenne qui, pour le moment, a pris la forme d'un HIRAK agrégeant toutes les générations, et provoquant un volume d'échange inédit d'informations sur les réseaux sociaux ? CETTE EFFERVESCENCE NUMÉRIQUE VA-T-ELLE ENFIN ACCOUCHER D'UNE CONSCIENCE CITOYENNE ET ÉVEILLÉE, POUR ASSUMER PLEINEMENT SON DESTIN ? |
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