Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Un Algérien chez les Zoulous (3)

par Reportage Réalisé Par Réda Brixi

Quittant Cap Town vers les vastes étendues du Karoo, cet itinéraire vous mènera sur les traces des voortrekkers (Pionniers), partis en 1835 en quête d'un espace vital : c'est le grand Trek (1835-1939) ou la grande marche. Au cap, l'instabilité de la frontière et l'activité

des missionnaires décident un certain nombre de clans boers à renoncer à la protection ambivalente des Anglais et à partir vers l'intérieur du pays.

Des colonnes de dizaines, et dans certains cas de centaines de chariots, chacun tiré par 14 énormes bœufs de la race afrikaner, franchissent rivières, plaines et montagnes. C'est la dernière des grandes migrations de l'Afrique australe. Leurs chefs ne sont pas des aventuriers, mais des pères de familles, de stricte obédience calvinsite, acculés à l'aventure. Si leur mode de production est africain, leurs mentalités le sont nettement moins : pas question de mariages mixtes, voire de polygamie : pas de mélange. Leur cohésion sociale est un facteur essentiel de survie. Au pays du Natal, ils se heurtent à la puissance zouloue. Celle-ci est écartée malgré la présence du demi-frère du célèbre stratège Tcjaka. Ailleurs, les Boers « fermiers » contournent et isolent les ultimes résistances. Le résultat de cette longue période d'interaction sera la partition du territoire (Natal, république Boers de l'orange et du transvaall) la route du grand trek passe près du petit Karoo ou Kral (terme dérivé du portugais corral, désignant un enclos pour bétail ou un village indigène), îlot placé en avant-poste près des forêts luxuriantes de la route des jarins. La sécheresse a entraîné le développement d'une flore et d'une faune passionnante dont la quintessence se retrouve au Parc national du Karro.

Cet exode pour reprendre le terme public, est, encore aujourd'hui, la pierre de tou tce de l'histoire et de la conscience des Africaners » leur cause était la cause de dieu et leur peuple un peuple choisi parmi ceux de la région pour accomplir une tâche unique, à la fois politique, raciale et théologique. Certains vont encore plus loin et pour eux le grand trek devient une sorte de croisade folle. La colonisation était une sorte de mission historique des peuples civilisés envers les peuples restés sauvages. Cette idéologie qui devient dominante, en Afrique du Sud, en 1948, affirme que si les peuples sont inégaux, sur le plan de la civilisation, ce n'est pas une question d'évolution mais une volonté divine.

Ghandhi en Afrique du Sud : en 1893 Mohandas ghandhi quitte l'Inde pour Durban. ce jeune avocat s'éveille à l'anticolonialiste au Natal où il défend les droits des immigrés indiens. En 1894 il fonde le ?Natal indian Party', qui jouera un rôle-clé dans l'histoire de l'Afrique du Sud. Son implication au transvaal, à partir de 1802, lui vaut de fréquents emprisonnements. Il développe, alors, sa doctrine de résistance passive ou pacifique. A propos de la lutte des classes. En juin 1893, Mohandas ghandhi, se rendait en train à Prétoria pour plaider. A plietermaritzberg, un passager se plaignit au contrôleur de voir un indien en 1re classe. Malgré un titre de transport en règle, le contrôleur intima l'ordre à Ghandhi de gagner la 3ème classe. Refus du jeune avocat qui se fit expulser et finit la nuit dans la gare, ce fut pour lui le début de la « désobéissance civile ». Des vagues de grèves en 1973 et 1976 mettent fin à cette sombre époque. Le mouvement de la conscience noire, conduit par le jeune Steve Biko, assassiné par la police, en 1977, est devenu l'icône de la Libération (un Che Guevara africain). En février 1990 De Klerk, Premier ministre, annonce la levée de toutes les restrictions aux activités politiques. Une semaine plus tard, après 28 ans et 180 jours d'incarcération Nelson Mandela retrouve la liberté.

Les Sud-Africains tiennent les shebeens ou (bar clandesin) pour des lieux imprégnés d'une certaine magie. Alors que le régime de l'Apartheid interdisait aux Noirs, toute activité économique indépendante, les plus ingénieux des townships transformaient leurs maisons en débits de boissons et y servaient des breuvages concoctés dans leur arrière-cour. La prohibition a, ainsi, favorisé le rapide développement d'une nouvelle expression culturelle. Les shebeens sont vite devenus des endroits, à la mode, où l'on organisait des soirées festives comme des réunions politiques. Entreprises risquées, à la merci des descentes de police. Las de lutter, le régime de l'Apartheid concéda des licences. Aujourd'hui, ce sont des centaines de shebeens, dûment enregistrés. La plupart des visites guidées dans les townships incluent une halte. Petite particularité du baiser amical ou familial, il se fait sur la bouche (on embrasse assez peu). Ne vous méprenez pas? La culture de la canne à sucre requiert une main-d'œuvre abondante. La population zouloue ne marque aucun intérêt pour cette culture pénible et une véritable crise éclate à la fin de 1860. La main-d'œuvre indispensable est alors recrutée en Inde. Ils s'engagent à travailler, pendant 5 ans, dans une plantation.

Le pays ne possède que deux grand fleuves : le Limpopo, frontière naturelle avec le Botswana et le Zimbabwe et l'Orange qui arrose les plateaux intérieurs, Il délimite le désert du Kalahari, un vaste et impitoyable désert qui longe la frontière de la Nambie, peuple de nomades San ou busmen. Les bochimans (San u Khoisan sont un peuple de chasseurs-cueilleurs depuis le paléothique supérieur. Leurs terrains de chasse et de cueillette ayant été considérablement réduits, nombre de bochimans vivent, aujourd'hui, dans des campements (où règnent les casquettes, bleue de jeans, lunettes de soleil, miroir, coca-cola et même les iphones). Cependant, certaines tribus du kalahari perpétuent, encore, le mode de vie qu'ils ont observé depuis des millénaires, recherchant des plantes des racines et chassant avec un arc. Ils utilisent des coquilles d'œufs d'autruches pour la conservation des aliments. Les melons du désert, les racines et le cœur de certaines plantes leur fournissent de l'eau du fait de leur vie nomade, les bouchimans ne possèdent pas grand-chose, hormis des bâtons pour creuser, du bois pour faire du feu, des frondes et des flèches. La langue clic : certaines langues bantous dont font partie le xhosa, le zoulou, le san, utilisent les clics, comme phonèmes. Il existe plusieurs types de clic : le bilabial, ressemblant au bruit d'un baiser, le dental, qui fait tss-tss, etc. Certains pensent que chez les bochimans, les clics rappelant le craquement des branchages leur permettraient de rester en immersion, les animaux s'en méfiant moins que le brouhaha habituel du langage humain. Chez les Zoulous. C'est à partir de Durban que je me suis dirigé vers le Zouzouland, en taxi de brousse, un moyen de transport le plus pratique mais le plus pénible, en attente seulement car il faut attendre deux à trois heures sous un soleil accablant. L'attente est ponctuée par une multitude de marchands de colifichets. En général ce sont des jeunes filles avec une sorte d'étal en sparte qu'elles portent sur leurs têtes. Leurs sourires sont délicats invitant l'achat d'un souvenir.

Entassée, la quinzaine de clients, dont je suis le seul blanc, dans le minibus, on se dirige vers le Kwazulu-natal, à Dundée, cœur du pays zoulou. Après une heure, on s?arrête pour me faire plaisir afin de considérer un mémorial du prince impérial de France, Louis Napoléon, qui fut tué, à cet endroit, par 17 coups de lance dans une embuscade zouloue. je déclare tout haut en anglais que je suis Algérien. Pas d'écho. On ne s'est pas compris ! On reprend la savane. C'est à Sainte Lucia qu'on va se sustenter dans un campement pour touristes. On écoute le ressac des vagues de l'Océan Indien, au lever du soleil à l'ombre des arbres, et voilà que l'on se croirait aux premiers matins du monde. Le silence dort sur le velours des mousses. Tout alentour du village des huttes alignées comme des soldats en faction. Une multitude d'enfants à moitié nus jouent dans un petit marécage. Les femmes à demi-nues s'activent autour de leurs cases. Je cherche la place des taxis pour sortir de ce trou. Pas de café, ce matin, mais je suis au cœur du pays zoulou.

Au centre de cet univers unique, ce sont des kilomètres de plages de sable et de dunes interminables, couverte de bois. De l'autre côté de ses dunes se nichent des étangs et des lacs d'eau douce où s'étendent des mangroves aux branches imbriquées. Un monde vierge préservé des diableries du progrès, un grand sanctuaire inviolable ou loi de la nature. Enfin vers midi, apparaît une moto toute bringuebalée qui me propose un tour. Je négocie le prochain village d'Eshowe, y compris mon sac. Heureusement que le Rand (monnaie sud-africaine est bien bas au change). Là, j'ai joué à la roulette russe en bravant le danger sur 20 km. A chaque virage, je me voyais dégringoler les pentes infinies. Un calvaire qui a duré 20 minutes.

Eshowe, capitale des Zoulous fut fondée en 1860 par le prince Cetswhayo. C'est aussi le berceau du roi Shaka (1787-1828), fondateur de la nation zouloue. Il fut le Napoléon des Zoulous, pugnace et énergique, réorganise avec efficacité. Il innove, en améliorant l'armement : il ajoute une sagaie courte à l'équipement utilisé, au corps à corps, et oblige les guerriers à l'offensive permanente. Son génie militaire (attaque par les flancs) le propulse à la tête d'une armée de 100.000 hommes.

En traversant la ville, capitale des Zoulous, je fus surpris de la normalité. Comme partout des feux de circulation, des sens interdits, mais une grande place réservée pour les fêtes et les danses quasi permanentes en tenues traditionnelles. Les Zoulous en conservant leurs traditions se servent pour en faire un registre de commerce. Chaque soir, la danse folklorique est annoncée par micro d'une voiture baladeuse. Les cars de touristes, s'allongent autour de la grande place. Les micros, à fond, distillent de la musique américaine. Les projecteurs s'allument et débouchent une armée de danseurs et danseuses zoulous. D'abord les danseuses dotées d'une très courte jupette, les seins en l'air qui ondulent comme des vagues, bariolées de quelques colliers en pierres. Elles s'agitent, au rythme de la musique. Tambours, flûtes enfin d'autres instruments qui accentuent le rythme. Les hommes, torses nus, jambes et mollets corsés, muscles arrondis et huilés. L'art de la danse s'y confond dans la perfection, mouvement en cercle, puis par vagues. Leurs sons personnels se mêlent à la grande clameur et une musique absorbante. Au bout de deux heures debout, nos jambes flagellent et tendent vers la désertion. Chacun rejoint ses pénates et le tour est joué. Le lendemain, j'amorce le retour. En fin de compte le tour chez les Zoulous me laisse sur ma faim. Les démonstrations touristiques masquent la vraie vie. Constat amer. Fin de la pensée primitive de Levi Strauss, la poussée consommatrice dévore tout sur son chemin.

(Fin)