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Entre l'aigle et
le rat, il y eut jadis comme à présent cet échange rapide d'amabilités
discrètes et bien secrètes. Ce fut au volatile drapé dans la tenue d'un vrai
vautour, en véritable pilleur et bon carnassier, de commencer, engageant à sa
faveur la discussion, avec le tout petit maigrichon castor :
- Vous êtes de la région, je suppose? ? - Ouiiiiii?. ! Et j'habite ce trou perdu. Bien caché des regards indiscrets de ce monde très méchant et très fainéant, par-dessus le marché. - Et vous, grand Seigneur? ? - Moi ? ! Hum?j'habite là-haut. Tout à fait en haut de ce gratte-ciel, pour mieux dominer mon monde tapi ici-bas. Ma demeure est dans les airs. C'est l'air du temps ; n'est-ce pas? ? - Je crois que nous ne sommes pas faits sinon nés pour vivre ensemble, l'un avec l'autre et donc tout naturellement l'un pour l'autre ! - Non? ! Pas vraiment. Là n'est pas la question. C'est une question de niveau, je suppose ! Et puis, c'est que chacun de nous dispose de son propre territoire dans ce grand univers. - Peut-être, oui? ! Mais bon? Que faites-vous dans la vie ? - Moi? Hum? C'est drôle ce que je vais vous dire : ? Je vole et je m'envole ! Et vous cher ami? ? - Moi. Je ne suis pas du tout comme vous un animal très riche. Et ben? je vis sur territoire tout en friche. Alors, je triche et je m'en fiche ! Après tout, lorsqu'il n'y a rien gratter ou si la situation venait par se gâter, et que rien ne va plus, je rentre dans mon petit trou, pour ne sortir après que la nuit venue ou le crépuscule arrivé. Je n'aime pas être vu à l'œuvre, tu sais? ? - Vous êtes comme moi alors? Vous volez, je suppose? ? - Non, Ah? ! si je pouvais réussir dans cet art des volatiles parcourant le ciel tel de vrais avions de chasse ! Tu vois bien que je ne dispose pas d'ailes bien longues et plumées comme toi pour bien réaliser cette magnifique balade dans les airs, non? ? - Je veux plutôt parler du voleur, tu sais ? De l'animal pilleur, en quelque sorte. - Ah ! Là, on l'est tous les deux. Et chacun à sa façon. De toute manière, lorsque le maitre des céans arrivera plus tard sur les lieux, il n'y trouvera plus personne. Tout le monde sera entre-temps bien rentré chez lui. L'un s'envolant très haut dans les cieux et probablement pour d'autres contrées ou magnifiques horizons, et l'autre s'enfermant à clef bien bas sous terre, allant se terrer ici-bas sinon traversant plus loin cette touffue broussaille parée de sa haie formée de ses nombreux roseaux. On aura tout de même bien gagné la partie, emportant chacun sa croute sous l'aile, entre les dents ou accrochée à son bec. De plus, ça a toujours été ainsi ou comme ça ! En attendant, bien sur, l'année prochaine? ! C'est sur cette note d'espoir que la discussion à bec mouvementé ou à museau reniflé, engagée tout à l'heure entre les deux animaux prit soudainement fin. Et dire qu'elle concernait la raison d'être des deux animaux, tous deux voleurs attitrés, chacun à sa manière, mais les deux au détriment de l'effort fourni par ce généreux Monsieur, leur assurant pourtant à longueur d'année, le gite et le couvert, bénédiction et protection, le brut de Hassi Messaoud étant sa vraie fortune. Des années passèrent et les dilapidations continuèrent, s'aggravant jour après jour, enrichis de ces nombreux détournements et autres considérables soustractions de bien à la volée et continus vols en souterrain par galeries interposées jusqu'au jour où le «brut» du Sahara n'exista plus, puisque ses généreux gisement devaient complètement tarir et à jamais. Ce jour-là, le jour venu ou celui convenu, celui d'entre-les-deux ayant le plus volé, détruit ou carrément pris, sans jamais se faire prendre ou attraper à son vilain jeu, s'est tout bonnement volatilisé dans la nature, son faramineux butin sous l'aile ou caché ailleurs bien loin des yeux, compté et escompté, en fafiots empaquetés ou en lingots d'or bien coffrés. Le rapace est donc bien parti, et de nuit. Bien avant même que le soleil soit levé. Ne laissant, bien évidemment pas la moindre trace ni dans le ciel sur son vol plané ni même au sujet de ce faramineux butin de deniers publics subtilisés à la nation et au préjudice de la communauté. Reste à présent le cas de ce rongeur-maison et son tout maigre butin sous terre caché, dont Dame nature ne l'aura pas doté de ces précieux ailes pour voler et s'envoler ailleurs, atteignant les cimes de l'azur et miroitant à dessein le plumage du joli et multicolore design du volatile. Le seul vol qu'il aura lui commis au préjudice du foyer qui l'abritait était plutôt bien resté à la maison, enfoui cependant parmi ses fondations. Il aura été fait à la tire et de nuit, mais jamais sur l'homme, bien que toujours effectué au préjudice du citoyen et de la nation. Il sait cependant qu'avec les maigres ressources de la personne avec laquelle il partage de force le même logis, les temps durs ne tarderont pas à bien arriver, et que sa réserve faite de victuailles ne le mettra pas en sécurité pour ses prochains ou vieux jours. Vivant bien au dépens de l'être humain besogneux, affable et très courtois, il aurait tout le temps su lui soutirer de quoi pouvoir manger à sa faine sans vraiment être contraint de travailler. En parfait et intelligent pic-Pocket, il a toujours vécu à l'ombre des lois de la république. Il sait que la situation très difficile que traverse le pays le privera tout juste de dessert, pour le moment, mais jamais de l'essentiel de son plat de résistance, se trouvant sur les lieux même de sa demeure, non loin de sa tanière. Quant à la consommation de la viande, cela fait bien longtemps qu'il aura divorcé avec elle, rentré bredouille dans son trou d'infortune. Mener la belle vie, c'est prendre sa proie à la volée et en faire avec tout un vol plané, afin de la dévorer bien seul et très loin des gens indiscrets. Quant à vouloir la consommer sur place ou même sous terre, c'est plutôt bien risquer sa vie sinon se contenter de ces toutes petites miettes de misère contre lesquelles la loi punit pourtant si sévèrement et les magistrats sont si souvent intransigeants. La sagesse populaire ne disait-elle pas qu' « il est souvent rare de réussir la prise des gros poissons ! ». Depuis, la nature semble avoir bien changé: le gros poisson ne vit plus uniquement sous l'eau. Il s'est fait, de nos jours, des ailes pour planer très haut dans le ciel, survolant son monde plus loin ou le prenant de haut ! Plus haut volera le gros poisson, plus longtemps restera encore impuni son abominable crime commis contre l'humanité et la nature ! Notre monde est devenu si égoïste et très fainéant ; bien tricheur sur les bords ou dans le fond, dans sa globalité. Corrompu et bien voleur, tout particulièrement ! |
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