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Le «Que sais-je ?» français est aujourd'hui une question
collective algérienne. Le peuple, sa tête, ses yeux et ses sources proches ne
savent aujourd'hui presque rien de ce que fait, veut et décide Bouteflika. Ou son
frère. Ou son autre frère. Ou ses ministres les plus parents. On sait qu'il
s'appelle Bouteflika. Qu'il a été élu par lui-même pour un 3e mandat. Qu'il
n'est pas content tout le temps. Mais à part cela, c'est le vent qui fait
l'information en Algérie. Le peuple en sait autant que ce que sait Belkhadem,
c'est-à-dire rien.
Faute donc de mieux, on se contente de ces grands classiques qui meublent les vides estivaux de la communication institutionnelle : des listes, des enquêtes, de nouveaux généraux, un probable discours hydraulique et des nominations en stand-by. Et c'est tout. Pour le reste, achetez des journaux ou prenez un long café dans votre quartier ou regardez le JT de l'ENTV pour décrypter d'hypothétiques non-dits. L'opacité est tellement dure aujourd'hui qu'elle frappe de ridicule les hommes du Président, c'est-à-dire ce fatras d'employés indéfinissables entre l'obligation du youyou et le devoir de faire du commentaire. Car, quand un ex-chef de gouvernement est remercié par téléphone et qu'un autre est nommé par le même appareil, il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils en sachent plus que vous sur les intentions de cet homme qui refuse de descendre de son maquis ou de se confier à d'autres que son propre Destin. Souffrant de l'obligation mondaine d'avoir des courtisans et des ministres, Bouteflika a toujours aimé ces exercices traditionnels de la royauté : décapiter, honorer brusquement, exclure sans raison, laisser entendre, décider seul et laisser le reste s'essouffler dans l'exercice du rattrapage. D'où cette obscurité sur ses intentions finales qui inquiète même les chancelleries les mieux informées sur nos intestins et leurs sérails. La raison étant que Bouteflika fait partie de ce courant de néo-boumediénisme qui croit qu'il n'existe que deux entités dans un pays comme le nôtre : le peuple et son chef. Les autres, tous les autres, des Belkhadem en séries ou des opérateurs économiques, sont perçus à travers le prisme du complot permanent, de la concurrence déloyale et de la course à la tétine de l'Etat. La seule déception dans cette fable de la monarchie rêvée, c'est qu'elle n'aboutit jamais à rien d'autre qu'à des toussotements. Bouteflika ayant l'habitude de cultiver les suspenses, de laisser grandir les attentes ou de préparer des révolutions, puis de ne rien faire d'autre que de tirer des balles à blanc en nommant un directeur des forêts à El-Bayadh, là où en attendait un rajeunissement radical de l'ANP, par exemple. La réponse à la question du «Que sais-je ?» est simple : «On sait qu'il ne fera rien». |
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