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L'initiative
citoyenne des jeunes bénévoles pour la réhabilitation d'un des plus vieux
quartiers faisant partie de la vieille Médina de Tlemcen n'est pas restée
inaperçue. Dans le cri de colère de la rue, il y a, aussi, un état de
conscience. Le temps de grands débats devant le chaos de nos institutions issus
d'une sorte d'obsession du pouvoir unique avec ses dérapages, conséquence de
l'affaissement de l'état de droit à l'origine d'un état de mécontentement
latent. C'est une Algérie blessée qui se réveille avec un sursaut des jeunes
avant-gardistes qui réclament la démocratisation du pays en appelant aux
compétences et aux mains propres. Elle continue encore à susciter de nombreux
débats parmi les jeunes conscients, aujourd'hui, de la nécessité de grands
changements avec un appel révocatoire du système, hérité depuis l'indépendance.
Une manière de célébrer la liberté, démarche importante pour la circularité du
combat pour l'évolution.
La jeunesse motivée a pris la mesure de défi donnant l'exemple de ce qui peut être réalisé ciblant dans les faits une opération inattendue d'embellissement esthétisant et réanimant l'héritage des vieux quartiers portant en eux la mémoire de la ville, se trouvant dans un état avancé de délabrement. Le volontariat des jeunes pour l'embellissement des vieux quartiers est vécu comme une fête de la liberté. C'est là tout un symbole de la volonté des jeunes à participer au renouveau du pays. Au même moment l'APC de Tlemcen entreprenait de détruire une œuvre d'artistes locaux symbolisant la ville avec ses heurtoirs et un mur d'eau, au carrefour à l'entrée de la ville, pour la remplacer par un espace fleuri... aux plantes artificielles. L'acte de bénévolat des jeunes est lisible politiquement, aussi, marquant le début d'un renouveau de participation citoyenne de la société civile consciente de l'effort dont a besoin le pays pour relever le défi de sa construction. Le quartier de Sidi Al-Yaddoun témoin emblématique du premier noyau urbain de la cité nouvelle qui a remplacé, à partir du 11ème siècle l'ancienne cité des Djidars, Agadir. Dégageant une histoire, il compte parmi les lieux de mémoire de la ville. Il évoque le souvenir de nobles familles qui les ont habités et aussi les métiers qui ont fait leur vitalité d'antan : Sebbaghine (teinturiers), Balaghdjia (babouchiers), seyyaghine (orfèvres), saffarine (dinandiers)... Ils font partie de ce qu'on peut considérer comme étant l'âme de la ville. Quelques demeures construites à l'ancienne y conservent encore leurs intérieurs élégants : patios, péristyles avec décors ajourés en appareillages de brisques, coudes, portes à double vantaux... Les ruelles offrent des parcours destinés à redécouvrir l'histoire de la ville avec la présence de lieux symboliques : oratoires, hammams, fondouks, les mausolées de l'astrolabiste al-Habbak, du mathématicien Amrane al-Machdali du XIVème siècle, entre autres, aussi, les nombreux oratoires dont celui du grand théologien cheikh Benyoussef Sanoussi (XVème siècle.) auteur de l'œuvre universelle intitulée ?Akida' (article de la foi), en quarante cahiers ou manuscrits étudiés partout à travers le monde musulman. La médina haut lieu de méditation historique Rappelons que le passé médiéval de la cité ?Zianide' s'est illustré de grands noms de familles savantes dont les «Zaghou», «Maraziqa», «Maqqari»... ces deux dernières originaires respectivement de Tunis et de Magra dans la région de M'Sila sont venues de Bejaïa pour accompagner jusqu'à la mort leur maitre le savant-saint Soufi Sidi Abou Madyan (1126-1197), perpétuant ensuite sa pensée. On oublie souvent de rappeler que la famille du célèbre historien Abderrahmane Ibn Khaldoun s'y est installée, en 1374. Durant toute son histoire, Tlemcen siège du pouvoir de la dynastie berbère des Zianides (1232-1516), a , à travers ces quartiers, été a enduré des épreuves difficiles entre autres d' un siège de plus de sept années par les Mérinides, au début du XIII e siècle, réduisant la population à la famine et que les historiens qualifient d'unique, dans les annales de l'humanité toute entière (Brosselard) et qui a inspiré plus tard, en 1972, Kateb Yacine dans sa pièce de théâtre ?Saout enniça' (La voix des femmes). Un évènement parmi les plus marquants, à la fin du royaume zianide, fut aussi la prise de Tlemcen par les troupes espagnoles conduites par la comte d'Alcaudète et qui a contraint, la seconde moitié du XVIème siècle, les habitants à un combat de rue et dans les ruelles de la Médina qui a fait plus de 2000 morts en une journée, laissant un souvenir sanglant, sans oublier, aussi, le pillage de la grande mosquée et des bibliothèques privées dont celle du célèbre savant tlemcenien Ahmed al-Wancharissi auteur du ?Mi'yar' dans sa maison qui se situait à Béni Djamla, notent les historiens. Le passé de ces quartiers est raconté dans les œuvres des grands versificateurs connus pour leur surprenante dualité « zadjal » et « beldi » reflets d'épopées littéraires à l'origine d'une vitalité culturelle exceptionnelle en tant que poètes mais aussi en tant que musiciens compositeurs d'œuvres dont on continue à saluer la beauté musicale dans le genre péjoré, avec un glissement sémantique de « Haouzi » et qui se fragmente entre Alger, Constantine et Blida, étant né au cœur de la cité mais aussi, en tant que « khlassate », entrées tardivement dans la « sana'a » d'où le rayonnement exceptionnel de son legs musical dit « Sana'a-gharnata » devenu ensuite, un art polycentrique avec ses variantes et dont l'école de l'art musical revendique une longue et intense tradition. Cette musique à textes jardin des muses conserve la mémoire de grands poètes Said al-Mandassi, Ahmed Bentriqui dit Benzengli, Mohamed Ben M'saib, Mohamed et Boumédiène Bensahla, Mohamed Bendebbah ont favorisé l'émergence d'autres thématiques musicales et courants artistiques majeurs tels le « Aroubi », le « Gherbi » répondant à des nuances dialectales géographiques ou linguistiques, maniant le cru, l'éthéré sous ses aphorismes tentant des aventures poétiques et artistiques audacieuses leur conférant une dimension maghrébine... Cette épopée en vers avec ses résonances historiques constitue encore un remarquable chantier en archéologie littéraire en friche et qui a besoin encore d'être fouillé et enrichi par des études profondes. Dans le domaine de la musique, la Médina de Tlemcen fut, déjà, bien avant la ?reconquista' espagnole de 1492, un formidable vivier de poètes et de musiciens d'où le rayonnement de son école musicale dite « Gharnati » mais en tant que creuset fécond d'une vie culturelle et artistique séculaire qui attend toujours un beau musée de l'art, une école des Beaux-arts, un conservatoire, un théâtre régional. Ces reliques d'habitat ancien datant de l'époque médiévale rescapées d'une démolition à laquelle elles n'ont pu échapper en partie, en même temps que de nombreux monuments dont la célèbre médersa « Tachfiniya », voulue par les Zianides pour rehausser leur prestige la couvrant de magnificence afin de rivaliser avec ses consœurs d'al?Qaraouiyine de Fès et de Zitouna de Tunis. Des monuments ont été rasés pour laisser place à l'aménagement d'espaces publics par l'occupant cherchant à imprimer sa marque coloniale et d'autres quartiers détruisant leur système d'égout et d'adduction d'eau avec le percements de rues nouvelles et cela, au lendemain de son occupation coloniale, en 1842. Avec le chantier symétrique ouvert, la ville a payé au prix de grandes opérations portant le fer et la destruction, sous l'occupation coloniale. La participation citoyenne en faveur du patrimoine L'effort de sauvetage des vieux quartiers qui font l'objet de squattages de tous genres, a besoin, pour sa réhabilitation, en priorité de démarches multiformes visant l'identification et la classification des lieux les transformant en centres culturels ou artisanaux. C'est ainsi la seule voie pouvant entraîner sa protection et c'est à cette condition qu'elle peut devenir une curiosité parmi tant d'autres aussi marquants pour le paysage à valoriser, renforçant sa vocation touristique pouvant créer autour du palais du Méchouar, ses sites et monuments , la « Qaïssariya » un surplus d'attractivité culturelle et touristique. L'alternative est importante, tant les efforts sont attendus pour améliorer la vie quotidienne dans les quartiers de la ville ancienne. L'on ne comprend toujours pas pourquoi l'Université, à travers ses départements d'Histoire et d'Archéologie ne s'est toujours pas impliquée, en accompagnant par la recherche la politique de développement de la région alors que le terrain de la wilaya foisonne de sites à grande valeur historique et archéologique pouvant offrir la possibilité d'ouverture de chantiers ?écoles voire Altava, Lac Karar, Chiguer, Agadir... de différents âges allant de la préhistoire passant par le néolithique et les époques punique, berbère et arabe. A peine franchi le vieux quartier de Sidi al-Yeddoun, on subi le choc par la clarté de ruelles peintes tout en blanc avec tout au long des maisons traditionnelles qui s'égaient aujourd'hui, grâce aux jeunes dans l'action, de fleurs et dont les murs portent l'empreinte d'œuvres d'art réalisées des mains de jeunes artistes dans le bénévolat. Les familles patriciennes habitant les vieux quartiers prenaient plus de soin à ravaler chaque année les façades. Le moindre détail architectural appareillages de briques de frontispice, parements est mis en valeur dans un esprit de conservation. Le tout dénote l'esprit des jeunes dans cette belle et exaltante entreprise parmi eux des futurs architectes soucieux de connaître davantage des vieilles techniques de construction en briques ou en terre crue, pisé. Dans les corridors de ce vieux derb, dit aussi des Andalous, s'égrènent par-ci, des mosquées funéraires (Jamaa Chorfa, Sidi Ouazzane, Lalla Raya, Sidi al-Djebar...) par-là encore, des échoppes qui perpétuent ce qui reste encore des vieux métiers rescapés... Les enjeux visant la protection du patrimoine Cette entreprise de volontariat donne tout lieu à espérer qu'elle servira de prélude à une action plus vaste de mobilisation au milieu de laquelle le plus grand absent aujourd'hui, c'est-à-dire l'APC, sera de la partie et cela, pour rendre à ces quartiers non seulement leur image traditionnelle mais aussi de garantir aussi de meilleures conditions d'hygiène aux citoyens. Des polémiques pointent, aujourd'hui, sur l'état de vétusté du tissu urbain traditionnel, son délabrement accentué par les squattages étant devenu un chantier ouvert à tous types de constructions incontrôlées. Dommage pour ce qui reste de l'antique cité a fait rêvé tant de poètes parmi eux les grands poètes andalous Ibn Hayyan de Séville, les grenado-tlemceniens Lissane eddine Ibn Khatib, Ibn Zomrok, Ibn Khamis, Quaîssi al-andaloussi de l'époque médiévale et la pléiade des poètes populaires dont les œuvres enrichissent notre patrimoine... Le projet de développement urbain équilibré doit, normalement, avoir pour enjeu de veiller à leur statut de tissu ancien à préserver mais aussi de les préserver face aux tendances à leur « taudification ». La défaillance des services concernés de l'APC et de la direction de la Culture est frappante. Leurs services n'ont aucune lecture, ni visibilité en l'absence aussi d'une politique culturelle claire et bien définie visant des objectifs dynamiques de valorisation et de protection du patrimoine, dans ses différents faciès culturels et artistiques. Le manque de formation dans le domaine de la Culture est frappant. Il traduit exactement le vide que traverse le secteur et cela, depuis de nombreuses années. Dans les années 70, et pour pallier à la carence des cadres spécialisés, le ministère de la Culture prenait en charge la formation des assistants et attachés de recherche en antiquités, monuments historiques, muséologie moderne... Les fouilles archéologiques étaient organisées dans de cadre de campagnes, partout en Algérie, à Agadir, Honaine, Siga (Tlemcen), Kalaa Béni Hammad (Béjaia) , Tassili (Tamanrasset), Hippone (Annaba)... financés en partie par le ministère de la Culture partie, localement avec la participation des APC. Notons que le chantier du musée prévu dans le cadre de l'évènement ?Tlemcen capitale islamique' est à l'abandon depuis 2010 date de lancement de ses travaux. Le trésor de pièces reste, depuis, confiné dans des caisses ou emmagasiné dans des conditions qui ne garantissent pas une bonne protection à certaines pièces, voire notamment les tableaux du peintre algérien figuratif Abdelhalim Hemch (1908-1979) « sauvés d'une perte fatale, en 1975 », tient à souligner le premier responsable des services des Antiquités et des Monuments historiques de la wilaya qui nous fait remarquer, par ailleurs, que la plus importante découverte numismatique eut lieu à Tlemcen, en 1975, soit près de 10.000 pièces en argent, de lieux de frappes différents (Tlemcen, Grenade, Bejaia...) mises à jour à l'emplacement d'un fort de surveillance, situé à Koudia, près d'une escale datant de la même époque, aujourd'hui à l'abandon, à l'intérieur du parc des Travaux publics et qui a attiré l'attention de nombreux historiens dont le professeur Rachid Bourouiba. Des hommes compétents, conscients de l'avenir La gestion urbaine ne peut être envisagée que dans le cadre d'une politique d'aménagement avec une vision claire et objective de l'ensemble de la ville. Les élus résignés à être plus dans le décor ont été, à ce jour, incapables d'apporter des réponses à la problématique de développement de la ville. Les élus-factotums du régime ont été, jusque-là, loin d'être à la mesure des défis de progrès et d'évolution. Leur échec est, à ce jour, emblématique de déboires stratégiques. Ont-ils réagi au sort de « Dar al-houkm » et d'autres lieux symboliques de l'histoire de la cité? Non, jamais. Ce dernier qui a survécu dans l'imaginaire des habitants, à la gloire du combat mené par l'Emir Abdelkader était le siège du pouvoir d'al-Bouhmidi, célèbre généralissime aux nombreux faits d'armes compagnon fidèle de notre héros national qui a associé son nom des moments mémorables dont la bataille de Sidi Yacoub, en 1836, mort assassiné à Fès... Le sauvetage de tels lieux liés à la mémoire historique et culturelle de la cité, à l'abandon, alors qu'ils sont prêts à servir de musées de l'Artisanat, de sièges pour des associations ou encore comme espaces de rencontres et d'expositions pouvant jouer un rôle dans le renouveau des quartiers anciens... Au début du XIXème siècle, en optant pour les clubs modernes, l'élite moderniste a fait le choix d'opter pour la création d'institutions nouvelles de sociabilité au lieu des mythiques « Masriyate » qui ont donné plus tard naissance au « carré magique » des cercles inspirés des clubs de la révolution turque au début du XXème siècle : « Les Jeunes Algériens », « Nadi Radja », « Nadi Saada », « Nadi Islami » qui, outre aussi les cafés de mémoire emblématique « Tizaoui », « Bouzidi » qui ont servi d'écrins très dynamiques à l'émergence de grands noms parmi eux Bénali et son frère Larbi Fekar, Mohamed Bouayed, Mohamed Mesli , Ghaouti Bouali, Mostéfa Aboura, Messali Hadj, Abdelkader Guerroudj, Mohamed Gnanèche, les peintres Abdelhalim Hemch, Bachir Yellès, Mesli, l'écrivain Mohamed Dib... d'une atmosphère d'un Tlemcen aujourd'hui disparu. De ces lieux vivants de la politique et de la culture est issue toute la jeunesse disciplinée par une étiquette rigoureuse qui a servi le mouvement national. La population ne s'attendait pas à la démolition du cercle mythique « Les Jeunes ? Algériens » parmi les clubs de l'élite qui y ont fleuri dans le passé où s'est aiguisé le nationalisme indépendantiste (fermés post- indépendance en raison du conformisme politique du FLN, instrumentalisant la mémoire des martyrs imposé par le régime policier de surveillance de l'opinion et qui a servi un pouvoir féodal faisant barrage à l'élite moderniste souvent assimilée à l'ennemi) marquant le début de la lutte politique des Jeunes de la nouvelle génération de l'élite algérienne, voire encore le détournement à ce jour du bien religieux « Habous » composé d' un jardin et une maison de maitre à El Eubbad legs émanant de l'avocat et grand nationaliste maître Omar Boukli Hacène mort en 1972, aux squats de demeures de personnages emblématiques de l'histoire ancienne contemporaine de la cité : Dar al-Maqqari, Dar Cadi Choaib Aboubekr Ibn Abdeldjalil, Dar Mohamed Bensmail à Djelissa. Dans le domaine de la protection et de la réhabilitation du patrimoine historique, Tlemcen de par ses spécialistes à l'œuvre ont montré leurs capacités de bâtisseurs-restaurateurs au-delà leurs connaissances en matière de traditions architecturales la réalisation du Centre des études andalouses un chef-d'œuvre de finesse et de savoir-faire aussi bien dans la distribution que l'ornementation... Incompétence et bureaucratie L'émergence d'associations de la citoyenneté continue de subir fortement la contrainte de domiciliation, sans solution envisagée par l'APC ou la wilaya pour mettre à la disposition des jeunes, des espaces quand on sait que des salles de cinéma et des locaux datant de l'ère coloniale sont à l'abandon, voire entre autres les minoteries fermées depuis. Il y a un déficit de gestion en matière de patrimoine. En dehors des activités proposées par les Associations de bénévolat qui s'évertuent, essentiellement, en musique dite andalouse, rehaussée par le prestige annuel de rencontres musicales, Tlemcen déchue de son Festival national après avoir été pendant plus de vingt années d'existence, un rendez-vous incontournable de la vie culturelle et artistique, est pendant presque toute l'année plongée dans un vide sidérant de ville morte alors que l'esprit créatif des jeunes est là, vivant dans tous les domaines: théâtre, cinéma... mais qui attend d'être encouragé. L'élan créatif est là, existant à profusion chez les jeunes qui attendent tout simplement une oreille attentive et une aide des pouvoirs publics souvent en rupture de ban avec la société, à défaut aussi d'une représentativité politique fiable pour communiquer, créer, animer, diffuser et même investir donnant l'exemple, d'un partenariat « développement/recherche » est bloquée dans cette wilaya coincée entre incompétence, opportunisme et bureaucratie. |
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