|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Il est regrettable que, dans
certains milieux, minoritaires démographiquement certes, mais très présents sur
la scène médiatique, tant au niveau des medias lourds et écrits que dans le
cirque des conférences à destination de différents auditoires, on persiste à
donner une interprétation totalement erronée du Hirak,
qui n'est pas une insurrection, comme le prétendent certains, mais une
résurrection marquant la volonté du peuple algérien de se définir comme une
Nation au-delà de la crise institutionnelle actuelle.
L'habitude détestable d'étiqueter ses adversaires ne remplace pas l'analyse sérieuse et objective Les titres et diplômes universitaires, tout comme l'occupation passée de postes politiques prestigieux, qu'arborent ces analystes, ne parviennent pas à contrebalancer la pauvreté de leur argumentation. L'argument d'autorité ne suffit pas à rendre convaincantes des analyses qui ignorent les réalités du terrain et leur substituent des chaînes de slogans en guise d'arguments. Ces analystes usent et abusent du raisonnement par analogie, généralisant un aspect superficiel de tel ou tel évènement, et tentant d'en tirer des conclusions généralisables à des situations présentant des similitudes partielles avec lui. Ainsi, ils font parfois référence aux mouvements de masse de tel ou tel pays arabe, et dans d'autres cas à la poussée populiste raciste, xénophobe et islamophobe, dans tous les pays occidentaux, sans exception. Le raisonnement par analogie fausse les analyses les plus brillantes Ils tentent de retrouver dans ces phénomènes socio-historiques et culturels nés et développés dans des contextes qui n'ont rien à voir avec celui où a éclos le Hirak, des similitudes avec ce mouvement qui, selon eux, permettraient d'en tirer des leçons pour sortir le pays de la crise que ce mouvement exprime. Mais, au lieu de mieux aider à comprendre cette crise et à en permettre le traitement sur la base de l'environnement où elle a éclaté, ces analystes ne font qu'obscurcir le débat autour d'elle. L'étiquetage de ceux qui ne partagent ni leurs visions du mouvement, ni leur idéologie arabophobe et islamophobe, partagée avec les « Lepen » de toutes nationalités européennes, ne peut que les rendre encore moins crédibles auprès de l'écrasante majorité du peuple algérien Pourquoi ce refus d'analyser le Hirak tel qu'il se présente ? La raison se trouve simplement dans le fait que ces analystes n'ont pas pour objectif de comprendre ce mouvement, mais de l'exploiter soit pour justifier leurs propres choix politiques, leurs propres tendances idéologiques, soit pour faire avancer leur carrière politique et assouvir leurs ambitions en exploitant les postes de pouvoir qu'ils ont occupés dans le système qui, qu'on le veuille ou non, est à l'agonie. Un mouvement populaire qui dévalorise toute la classe politique et l'élite intellectuelle la plus visible Il faut souligner que ce mouvement populaire ne doit rien, ni dans sa naissance, ni dans ses manifestations, ni dans ses slogans, à cette foule d'analystes de tous bords, totalement ignorés de lui, mais qu'ils tentent à tout prix d'exploiter pour faire avancer leurs propres causes, sans tenir compte de ce qu'il revendique. Ce qui les intéresse, c'est que le Hirak représente la première et la plus forte manifestation du rejet populaire du système politique actuel, et qu'il leur donne l'occasion de mettre en avant leurs propres revendications qui n'on rien à voir avec les demandes du Hirak. Ils tentent plus de l'exploiter que de le servir ; incapables qu'ils sont de trouver des thèmes mobilisateurs sur la base desquels ils peuvent attirer les mêmes masses que le Hirak. Quand on n'a pas d'argent, on fait appel à la banque. Quand on n'a pas de groupe qu'on est capable de mobiliser autour de ses propres choix politiques, on profite du mécontentement de la population pour tenter de tirer un chèque en blanc sur elle. La proposition d'une période transitoire ou comment confisquer un mouvement populaire spontané et profond Et c'est là qu'apparaît cette insistance unanime sur l'organisation d'une période transitoire, gérée par des personnalités « propres et intègres », idée dont on ne peut pas affirmer qu'elle est le résultat d'une concertation, mais dont on peut constater qu'elle constitue la meilleure solution pour ces « contrebandiers de l'histoire » de rebondir politiquement ou de faire avancer leurs propres objectifs politiques, qui n'ont souvent rien à voir avec les intérêts de la Nation algérienne. Leur but, à travers cette idée de « période transitoire », n'est pas de contribuer à avancer des solutions pour sortir le pays de la crise, mais de profiter de la crise du régime pour placer leurs pions, si ce n'est leurs banderilles, soit pour atteindre leurs objectifs indiégoïstes, soit pour donner une assise plus puissante à leurs propres choix idéologiques. Le foisonnement de propositions de sortie de la crise, dont le commun dénominateur est cette fameuse période transitoire, révèle, non pas une dynamique sous-tendue par la volonté d'aider au changement politique sur la base des revendications du Hirak, mais un opportunisme généralisé de la part d'une classe politique et d'une élite qui se sont trouvées marginalisées par ce mouvement, et qui ne veulent pas rater l'occasion de se remettre en selle en l'exploitant. Cette idée de « période transitoire » veut, malgré son apparence de rupture avec le passé, en fait substituer au débat ouvert par le Hirak sur la signification de la Nation algérienne et sur le pourquoi de l'Etat algérien, la discussion stérile et inutile sur les procédures, donnant ainsi l'occation aux uns de satisfaire leur ambition de gérer le pays au plus haut niveau de la hiérarchie politique, aux autres d'intégrer leurs propres programmes sous couvert d'assurer l'unité nationale, mais en fait, avec l'arrière-pensée de consolider leur démarche sécessionniste. La «période transitoire», une solution procédurale bureaucratique et politiquement dangereuse C'est en cela que l'idée de « période transitoire » est une imposture. Chacun de ceux qui s'en réclame a ses propres arrière-pensées, qui n'ont rien à voir avec la signification profonde du Hirak ou ses revendications qui, d'ailleurs, n'intégrent pas cette idée de « période transitoire » dont le contenu, en terme de programme politique, est totalement évacué au profit d'une approche procédurale, reflétant la tournure d'esprit bureaucratique de ses auteurs, quels qu'ils soient. Les autorités publiques ne sont pas dupes On comprend pourquoi les autorités publiques sont, à juste titre, peu enclines à prendre au sérieux cette idée qui, d'ailleurs, est avancée sous différentes formes par des personnes et des groupes dont la représentativité est sujette à caution. Ces dernières années, et plus spécifiquement ces toutes dernières semaines, au nom de l'autonomie de la société civile, on a vu une éclosion d'organisations et de sigles, sous le parapluie desquels parlent et s'agitent des « personnalités ». Elles activent, sous le couvert de sigles aguicheurs, dans l'opacité la plus totale ; on ne connaît ni leurs sources de financement, ni leurs sponsors, ni le nombre de leurs adhérents ; elles font, en boucle, la tournée des médias de toutes dimensions, leurs paroles et analyses sont rapportées comme si elles avaient un poids social significatif, alors que, souvent, elles ne regroupent autour d'elles que quelques dizaines de personnes. La «heuffa» comme démarche politique ne peut pas être prise au sérieux On a vu également éclore des rassemblements, prétendant représenter la société civile et constituer des forces de proposition reflétant des opinions largement partagées, mais dont on ne sait pas comment leurs participants ont été choisis et quelles sont les motivations derrière leur brusque agitation. Bref, on est dans le bluff le plus total et, hélas ! une certaine presse, qui se proclame d'opposition, leur ouvre largement ses colonnes et leur donne une crédibilité que leur audience, marginale, ne peut pas leur donner. Finalement l'équation posée le 22 février de cette année se réduit aux deux mêmes facteurs : le peuple manifestant face aux autorités publiques, quelle que soit leur nature. En dehors d'eux, la classe politique est largement, si ce n'est totalement, marginalisée et sans influence sur ce mouvement. Pourtant elle s'acharne à la prétention à la fois d'ignorer les revendications du Hirak et à vouloir le représenter auprès de ces autorités, pas dupes du tout d'ailleurs. Au lieu de n'entendre et de comprendre que ce qui leur plaît d'entendre ou de comprendre de ce Hirak, ces analystes de tout bord devraient aller chercher auprès de lui ce qu'il veut exactement. En conclusion : l'imposture est non dans tel ou tel slogan des participants à ce Hirak, qui représente le peuple, mais dans l'interprétation qu'en font certains et dans l'exploitation pour leurs propres desseins qu'ils tentent de ce mouvement. L'étiquetage n'est pas une preuve d'une grande puissance d'analyse, ne mène à rien de spécifique et ne facilite pas le débat dans la société civile. On ne peut pas écarter telle ou telle tendance qui se manifeste dans le Hirak, sous le prétexte qu'on l'a classée unilatéralement sous une étiquette qui la rendrait peu fréquentable politiquement. La démocratie passe par l'acceptation de toutes les opinions, si adverses soient-elles à notre propre conception du monde. Si on part de la conviction qu'on a raison et que toutes les autres opinions sont mauvaises ab initio parce qu'on leur a collé une étiquette tendancieuse, comment peut-on en même temps appeler au dialogue ? Et la plus grande imposture est l'idée de cette période transitoire qui permettrait à ceux qui n'ont ni contribué à la naissance de ce mouvement, ni participé à son expansion, ni à sa durée, de s'en emparer et de l'exploiter pour leur propre compte et pour leurs propres desseins. On ne peut pas, au nom du droit à la liberté d'expression à usage monopolistique et à l'étiquetage unilatéral de ceux qui, au moins, prennent part à son élévation, faire main basse sur une maison que l'on n'a ni conçue, ni construite, ni payée. Et c'est cela la grande imposture des adeptes de la « période transitoire ». |
|