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La question de la
restructuration territoriale est récurrente. Elle a refait son entrée dans les
joutes oratoires des candidats lors de la présidentielle.
Si j'ai bonne mémoire, elle était déjà dans les préoccupations du ministère de l'intérieur qui la disait imminente mais qui s'est, par la suite, rétracté (ce qui m'avait personnellement rassuré par peur d'une décision précipitée et non réfléchie) - et ce bien avant les élections présidentielles. Elle est donc effectivement récurrente comme elle l'a été dans les années 70 en Belgique, en Suède, Italie ?lesquels pays ont réduit considérablement le nombre de leurs communes, contrairement à la France incapable de regrouper ses " poussières de communes " mais qui a trouvé la parade à travers des structures de superposition et de coopération. Dans ce dernier pays est de nouveau, actuellement, soulevé le problème de l'opportunité de réduire le nombre de régions (de 22 à 14) justifié par la réduction du déficit budgétaire (2). La question intéresse le citoyen à la base, et l'universitaire qu'il soit juriste, sociologue, économiste, architecte, urbaniste?.en est un aussi, et vit les mêmes problèmes, sauf que certains de nos concitoyens de régions éloignées ou isolées les vivent et les ressentent plus intensément lorsqu'ils sont contraints à des attentes et déplacements coûteux, voir périlleux. Selon sa formation et son profil, l'universitaire appréhende les problèmes sous un angle différent. La composante humaine appelée à se pencher et à réfléchir sur le dossier, obligatoirement diversifiée, doit répondre au caractère multidisciplinaire de ce dernier. Cette question est aujourd'hui en débat puisque le gouvernement en souligne l'urgence. A quels objectifs et à quelles fins doit donc répondre le dossier ouvert ? La restructuration territoriale, avant de devenir un projet gouvernemental, est une revendication citoyenne parfaitement fondée pour certaines parties du territoire. Nous l'avons connue déjà lors du premier découpage à propos de quelques communes des hauts plateaux rattachées à des chefs lieux trop éloignés. La compétition électoraliste a pu lui donner un regain d'actualité avec le risque de lui faire perdre une légitimité et une opportunité qui seraient fondées seulement sur des décisions purement politiques occultant les critères objectifs qui normalement y président. Il faut donc calmer le jeu, car le projet engage l'avenir du pays et des populations appelées à faire vivre et protéger leurs nouveaux lieux de vie. Il nécessite donc une méthodologie d'approche, ce qui signifie qu'il ne faut surtout pas tomber dans la précipitation au motif que l'on sait tout faire, forts des expériences antérieures alors que les données ont fondamentalement changé depuis la dernière restructuration de 1984. La conception et la réalisation de tout projet d'importance se décline en objectifs immédiats ou à terme à atteindre, en stratégie à définir, en résultats attendus et en actions planifiées à entreprendre. La restructuration territoriale doit, à notre sens, obéir à ce processus séquencé. L'expérience antérieure - celle de 1984 notamment- peut seulement éclairer la démarche, mais il ne s'agit ni du même projet ni du même contexte. S'il est effectivement opportun de reconfigurer le territoire national et principalement ses parties centrale (hauts plateaux) et méridionale (Sud), il y a néanmoins des interrogations au départ. Quelles sont les ambitions du Projet ? Quelle est l'ampleur du Programme et quels critères pour le conduire? Nous avons souligné, au départ, le caractère multidisciplinaire et donc multicritère de la démarche Au stade actuel, la situation a beaucoup évolué et les paramètres classiques (territoire, population, viabilité financière et économique) en supposant qu'ils aient, effectivement, été mis en œuvre, ne semblent plus suffisants. Le sujet touche aux options nationales définies dès le départ pour supprimer les déséquilibres régionaux hérités, impliquer toutes les populations à la base et mobiliser toutes les ressources locales. Les programmes spéciaux ont largement répondu à cet objectif concrétisé en partie sur le terrain mais toujours restant à parfaire. De telles options doivent donc être toujours gardées à l'esprit. Les populations veulent un développement équilibré profitable à tous, conduit selon les principes de déconcentration et de décentralisation de mieux en mieux confortée par un transfert progressif des pouvoirs de décisions. L'élément finances publiques conditionne toute réforme, car en toute chose il faut se donner les moyens de sa politique. En termes de projection sur le futur- à court ou moyen terme- et en considération des déficits potentiels qui se dessinent (si l'Algérie a le malheur d'ouvrir davantage ses frontières et d'adhérer pieds et mains liés aux dictats de l'OMC) et que ressassent nos analystes, la prudence nous paraît de rigueur. L'Administration n'a pas vocation à créer de l'emploi ; une fois installées et à quel coût, les dépenses des nouvelles structures seront récurrentes. Comme chacun sait, les recettes ordinaires (hors hydrocarbures) ne couvrent à ce jour même pas les dépenses ordinaires (dépenses de fonctionnement et dépenses sociales) de l'Administration. Par conséquent, il n'existe aucune épargne budgétaire à orienter vers l'équipement, la Caisse de régulation conservant une fonction de réserve épuisable ! Nous avons trop longtemps cru consacrer la fiscalité pétrolière aux seules dépenses d'équipement et d'investissement, mais nous avons plutôt mangé notre pétrole ! et voilà que s'annonce le spectre d'une diminution des exportations d'hydrocarbures alors même que le secteur concerné réclame de lourds investissements. Ainsi, la dimension financière dicte des frontières liées à des projections statistiques fiables capables de garantir la survie et le maintien des dépenses récurrentes des nouvelles structures à mettre en place. Deuxième aspect de la dimension financière : celui de l'harmonisation des finances locales. Partant du principe que chaque citoyen a les mêmes droits et devoirs sur chaque partie ou portion du territoire, il est légitimement équitable d'assurer une prestation équivalente à chacun en termes de services administratifs et d'équipements collectifs. Une étude systématique de la distribution et de la répartition de ces équipements sur l'ensemble du territoire est le préalable à un réexamen correctif des disparités par le canal des finances locales. Une telle carte, élaborée à partir de monographies communales, révèlera à coup sûr les écarts pénalisants pour certains de nos compatriotes, et devrait servir de référentiel obligatoire à une planification concertée des équipements locaux, que cela soit au niveau des communes (PCD) ou des wilayas (PSD). Il n'est pas pensable, par exemple, que quelque part, dans une bourgade isolée, ses habitants continuent, comme au temps de la colonisation, à aller chercher leur eau dans une grande cruche trop lourde à porter sur le dos. Il y a donc des services premiers à satisfaire au nom de la solidarité et de l'équité égalitaire, avant d'offrir des piscines à d'autres concitoyens. Naturellement, toutes réflexions resteront ouvertes quant aux modalités de financement : - réaménagement des rapports financiers avec l'Etat en termes de redéfinition des compétences et de redistribution des moyens (humains, matériels et financiers) ; - actualisation et réévaluation des nomenclatures budgétaires des collectivités locales ; - rééquilibrage par le biais de prélèvements sur la fiscalité pétrolière notamment pour les collectivités frontalières (Sud/Est, Sud et Sud/Ouest) ; - budget global intégré pour chaque collectivité (ressources propres, plus subventions externes (communes), ressources propres plus budget CEW plus crédits PSD (wilayas) ; - réexamen des quotients et clefs de répartition du Fonds Commun des Collectivités Locales (FCCL) en rapport avec l'étude des ressources des grandes agglomérations, plus ou moins riches par rapport à leurs voisines (Alger centre et Casbah par exemple) du fait de la présence ou de l'absence d'activités commerciales, de production et de service. Il est plus qu'impératif d'occuper le territoire, notamment pour des raisons sécuritaires. Le Nord est déjà trop saturé. Si nous avions su préparer l'avenir et éviter l'engorgement actuel des villes du Nord, les hauts plateaux nous auraient permis de sauvegarder notre riche Mitidja. D'évidence la prospective ou les hommes à poigne ont fait défaut à une certaine époque. Mais comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, arrêtons au moins le massacre et sauvegardons ce qui reste de notre espace nordique. Autres interrogations ? A quels niveaux doit-on agir ? Sur l'espace ? Sur quel espace travailler ? Quel espace privilégier ? Les hauts plateaux ? Le grand Sud ? ou sur les structures préexistantes (communes, daïras, wilayas) pour les amputer ou les élargir ?! Les stratégies à mettre en œuvre dépendent des options à arrêter. Du reste, l'une n'est pas exclusive de l'autre, mais les préoccupations de l'heure semble prioriser une action sur l'espace. Si c'est sur l'espace, et nous sommes tous aujourd'hui conscients qu'il faut impérativement l'occuper, il faudra peut-être créer à partir de rien : dans un bassin hydrologique pour une intensification agricole ; sur l'espace désertique pour vaincre la distance : entre deux bornes de vie- 2 villes séparées de 400 km- insérer trois nouveaux centres de vie en préparant la mobilisation des populations issues surtout du Nord et en prévoyant dès aujourd'hui les modalités d'une administration de mission avec de pleins pouvoirs et une capacité logistique, capable de concrétiser effectivement l'idée par tests dupliqués. Une telle idée ne va pas sans incitations significatives et ne peux se concilier avec des procédures bureaucratiques : en faisant confiance à nos architectes, à nos urbanistes, aux structures d'impulsion du développement (ANDI, ANSEJ, CNAC, ANGEM? ) et à tous ceux (ingénieurs, économistes ?) animés d'idées innovatrices, nous pourrions inventer de nouveaux types d'habitat avec exclusivement des matériaux locaux et un nouveau mode de vie plus conforme avec nos traditions et capable de préserver l'environnement. Si la tâche consiste à se redéployer à partir de l'existant, l'expérience acquise peut suppléer à une administration de mission. Il reste que l'existant doit toujours être réévalué car, dans certaines circonscriptions, des correctifs ou rattachements peuvent s'avérer nécessaires. Enfin, et pour l'ensemble des travaux d'études de préparation du Projet national, quelle direction et à quel niveau pour le pilotage ? Quels spécialistes et personnels impliquer ? Quelle enveloppe financière à dégager ? Quels délais de réalisation, notamment pour les premiers tests sur terrain ? Ensemble de questions liées à débattre avant toute opérationnalisation des décisions de mise en œuvre. En définitive, la dimension politique dont dépend la décision finale ne peut dériver et être la résultante que d'une synthèse parfaitement cernée de l'ensemble des critères évoqués. Elle ne pourrait, en aucune manière, apparaître comme un " cadeau " octroyé à telle ou telle ville ou groupe de population. En prenant en considération la somme des enjeux exposés, la prudence nous parait donc de rigueur et doit nous prémunir contre une augmentation démultipliée ou simplement exagérée du nombre de structures nouvelles à créer : tout au plus 5 ou 6 suffiraient pour englober un minimum de population. Placée sous le signe de la conjoncture actuelle et de la géostratégie territoriale, l'élément " sécurité des frontières " est, sans contexte, une nouvelle légitimité structurante et prioritaire. Il ne serait d'ailleurs pas inopportun si de telles structures balisant nos nombreuses et longues frontières se donnent des statuts spécifiques. Deuxième élément, inséparable et rejoignant celui " sécuritaire ", " la distance " préoccupation lancinante des populations isolées, doit aussi être prise en compte en vue de créer de nouveaux centres de vie peuplant notre grand territoire. (1) Faculté de droit d'Alger ; expert international (2) Il s'agit, en réalité, d'un dossier de la droite (ayant pour objectif une plus grande concentration des pouvoirs) confié à la gauche plus à même de le faire aboutir sous un faux prétexte. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la gauche joue ce rôle, une gauche dont les positions inquiètent de plus en plus de français et dont les chefs sont pour la plupart alliés idéologiquement à la droite : D'ailleurs, le nouveau premier ministre ne se gêne plus de le faire savoir. Quand la gauche sous Mitterrand a nationalisé les banques, c'était pour les renflouer et ensuite les restituer à qui de droit. |
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