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Présidence: Amnistie générale et restructuration des services de sécurité

par Ghania Oukazi

Entre la création du parti de Saïd Bouteflika et la préparation du projet portant amnistie générale, le président de la République consacrerait une grande partie de son troisième quinquennat à la restructuration des services de sécurité, tous secteurs confondus.

Avant d'inaugurer officiellement la Foire internationale d'Alger, le président de la République a, selon des sources crédibles, déjeuné dans la plus grande caserne de Reghaïa. «Il a choisi de déjeuner avec les militaires», nous disent nos sources. Ce choix de Bouteflika s'entrecoupe avec des informations qui se veulent persistantes quant à sa volonté de restructurer les services de sécurité, tous secteurs confondus (Reghaïa étant une zone qui les abrite tous). Et s'il est opportun de chercher un lien entre l'idée de la création d'un parti pour Saïd Bouteflika et l'éventualité d'une amnistie générale que compte décider le chef de l'Etat, à en croire des sources crédibles, ce lien existe et «il est assez fort».

L'on aura relevé comme tout le monde que Saïd Bouteflika a réussi à pénétrer des sphères qui semblaient hermétiquement fermées, donc inaccessibles. L'on cite en premier ceux qui portent le vocable de «notables», des cercles internes aux régions dont la composante a parfois des liens établis avec divers cercles du pouvoir. Saïd Bouteflika les a étroitement approchés dès que l'idée de réélection du Président pour un troisième mandat avait commencé à germer.

Il est évident que les premiers contacts avaient été établis dès 1999, date de l'arrivée de Bouteflika à la tête de la Présidence de la République. Mais pour cette fois-ci, le parrainage n'était plus de la même nature, avec l'éclipse des faiseurs de président «d'antan». Il fallait donc être sûr de la force des relais à faire taire toute velléité de torpillage de la stratégie de réélection. Il fallait pour cela gagner leur confiance totale.

Ce jeu de séduction a été mené par Saïd Bouteflika à plusieurs niveaux de représentation politique, économique et sociale. Il y a eu, pour rappel, le ralliement sonnant et trébuchant de la grande partie des hommes d'affaires. Le Forum des chefs d'entreprises (FCE) l'avait fait d'ailleurs en grandes pompes, et doublement, par une déclaration de son assemblée générale et par l'organisation d'un déjeuner copieux à l'hôtel El-Aurassi, où Abdelmalek Sellal, alors directeur de campagne du Président, a été l'invité d'honneur. Il est clair que le staff de Abdelaziz Bouteflika s'était assuré, en parallèle, d'avoir en main toutes les organisations et associations issues de la société civile, les institutions étatiques et privées ainsi que toutes les collectivités locales du pays.

«Il faut lui reconnaître d'avoir brassé large, très large, jusqu'à en faire des walis, et de leurs staffs locaux des forces de frappe sur lesquelles il peut compter, et ce quelle que soit la situation», nous dit un notable. Les zaouïas du pays lui sont en évidence acquises quand on sait que c'est une famille qui a évolué dans les milieux du «samâa» et des «fokara».

 

«Il n'est pas facile de réviser un ordre établi»



L'on nous rappelle que le chef de l'Etat est membre de la Alaouia de Mostaganem, dont le chef spirituel est cheikh Khaled Bentounès. Les zaouïas ont toujours aidé le Président dans son accession au pouvoir en lui «portant la bonne parole» aussi loin que possible.

Saïd Bouteflika s'est ainsi constitué des réseaux légaux, sûrs, confiants et nombreux. L'idée de créer un parti résulte donc, selon nos sources, de ce qu'il avait entrepris comme démarches pour rallier le plus de monde possible à la réélection de son frère. Et, ajoute-t-on, «ceci n'a été possible que grâce au déblaiement de terrain que le chef de l'Etat avait effectué dès son intronisation au palais d'El-Mouradia».

Il est certes avoué que depuis, «bien des objectifs ont été ou changés ou retardés à d'autres échéances en raison, parfois, de la difficulté de l'entreprise, de la résistance de ceux qui occupent le terrain ou des deux à la fois». Il faut croire que le chef de l'Etat avait pris, entre autres précautions, de mettre «entre de bonnes mains» les portefeuilles stratégiques comme le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, ainsi que l'Energie et les Mines. «Et pourquoi pas les Finances aussi ?» ajoute-t-on. «La relation entre le Président et Noureddine Yazid Zerhouni est la plus ancienne et la plus forte parmi toutes celles que Bouteflika a tissées autour de lui, avant même l'indépendance du pays», nous dit un ancien haut responsable. C'est donc en son ministre de l'Intérieur que le chef de l'Etat place sa plus grande confiance.

Selon nos sources, la restructuration des services de sécurité qu'il mettrait sous la responsabilité de Zerhouni ne fait plus de doute. La disparition de Smaïl Lamari imposerait les choses dans ce sens. On parle d'ailleurs de plus en plus de la création d'un grand ministère de la sécurité de l'Etat que gérerait Zerhouni (Voir le Quotidien d'Oran du 24 mai 2009). «C'est une question de temps et d'opportunité, il n'est pas facile de réviser un ordre établi», souligne-t-on.

Il est dit ici et là que des changements significatifs pourraient être apportés au sein de l'institution militaire, «peut-être à l'occasion du 5 Juillet». Le déjeuner du Président à Reghaïa en aurait peut-être donné le ton.



Retour pour ou sur fond d'amnistie générale ?



D'autres voix susurrent le retour de Mohamed Lamari au poste de ministre délégué à la Défense. «Un retour qui pourrait permettre de réviser bien des choses en matière de sécurité», nous disent nos sources. Probable ou pas, «mais vous remarquez toujours que tout se fait en fonction du cours des événements, si tout marche comme ce que visent les stratèges de faire dans ce domaine, pourquoi pas, tout est possible», souligne-t-on.

On relève que «toute stratégie est tributaire des éléments qu'ont les stratèges véritablement en main. Il reste que si d'autres éléments inattendus et imprévus interviennent, ils imposent des changements de stratégie parfois radicaux». D'ailleurs, c'est dans cet esprit qu'on évoque encore une fois l'éventuelle dissolution de l'Assemblée populaire nationale. Si les appels incessants de la responsable du PT à cet effet n'ont pas encore porté, d'autres événements pourraient précipiter cette dissolution. Mais il faudrait peut-être attendre que la loi électorale sur les partis et les codes communal et de wilaya soient votés.

«Ce sont des textes qui apporteront des changements importants avec comme objectifs permettre de nouveaux schémas politiques, économiques et sociaux soutenus par les schémas d'aménagements territoriaux qui commencent à pointer». Des textes dont le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales sera le tuteur légal.

Ce troisième quinquennat du Président lui permettra, selon nos interlocuteurs, en principe, de redéfinir le champ politique «comme il l'a toujours voulu», avec une gestion «particulière» de la donne islamiste. Entre l'idée d'une amnistie générale qu'il a lancée au cours de sa campagne électorale à partir de Tamanrasset et sa vision de «la sécurité et de la paix» qu'il veut avoir sur fond de redéfinition des rôles, des misions et des statuts des hommes qui l'entourent, le chef de l'Etat compterait bien trouver le juste milieu qui siérait à ce genre de «réaménagement». Il l'avait fait, dans une première étape, en décrétant une réconciliation nationale. «C'est pour bien percevoir les points faibles et les points forts de ce dispositif, ainsi que ses résultats sur le long terme que le chef de l'Etat n'a jamais voulu fixer de date limite à la charte pour la paix et la réconciliation nationale», nous explique-t-on.