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La tournée européenne du président Obama a été ponctuée par
une série de discours où l'orateur de talent a pu vérifier la popularité dont
il bénéficie auprès d'une opinion désireuse de croire à un changement réel de
la diplomatie américaine. De leur côté, les leaders occidentaux, en déficit
d'image, ont multiplié les marques d'allégeance à un pays responsable de la
déroute économique actuelle mais qui a su, en élisant un jeune juriste métis,
montrer de réelles capacités d'évolution. Au moins - et ce n'est pas
négligeable - sur le plan des symboles.
Nul ne peut nier que la forme du discours américain, plus qu'infléchie, est radicalement transformée. Le propos comme le ton, passant d'une sorte d'autisme arrogant, marque de fabrique du précédent locataire de la Maison-Blanche, à un registre à la fois plus conciliant, cohérent et surtout intellectuellement charpenté. Est-ce pour autant que le changement de forme traduit une réévaluation de la politique internationale des Etats-Unis ? Une indication en a été donnée à Prague où, lors d'un discours devant trente mille «fans» énamourés, le président des Etats-Unis a réitéré l'engagement de son pays à installer des bases radar et de missiles en Europe de l'Est pour contrer « la menace iranienne ». Point n'est besoin d'être un grand connaisseur des équilibres stratégiques pour considérer que l'argument est, pour le moins, claudicant. Aucun expert n'est dupe, même parmi les plus iranophobes : ce qui est visé par les armes américaines est bien la Russie, que l'on voudrait confiner au rôle le plus secondaire possible. Au-delà de la forme, les options sont maintenues. Cela est vrai aussi pour les autres aspects de politique étrangère. Lors de l'étape finale en Turquie, le président Obama s'est voulu rassurant en réaffirmant que son pays n'était pas en guerre contre l'Islam. La guerre des civilisations et les justifications messianiques n'ont plus cours et ont cédé la place à un argumentaire moins belliqueux. Ici également, l'évolution est notable. Mais quel analyste crédible a-t-il cru une seule seconde que les Etats-Unis étaient en guerre contre l'Islam en tant que religion ou substrat de civilisation ? Qui ignore la nature des relations entre la démocratie américaine et la plus obscurantiste des versions de l'Islam ? Il n'y a jamais eu de confrontation américaine avec les Wahhabites, liberticides moyenâgeux, qui n'ont rien à envier sur le plan de l'interprétation du dogme au plus primaire des talibans. Le conservatisme musulman le plus absurde, les tyrannies les plus retardées ou les dictatures les plus caricaturales n'ont jamais troublé les élites de Washington. En revanche, l'hostilité américaine à tous les mouvements de résistance, et en premier lieu à celle du peuple palestinien, ne s'est jamais démentie. La ligne de fracture irréductible entre les peuples musulmans et les Etats-Unis n'est pas de nature spirituelle, c'est celle qui sépare la justice de la spoliation. Dans le sort tragique fait au peuple de Palestine et dans l'écrasement de ses droits, les Américains portent une part décisive. C'est à ce niveau, et non pas dans d'incertaines considérations « civilisationnelles », que l'équation se pose en termes invariables, quel que soit le discours circonstanciel. Alors, Mister President, changement réel ou pur changement de style ? |
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