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Zerhouni : 15 millions de dinars pour chaque candidat à la présidentielle

par Ghania Oukazi

«Il ne faut pas qu'on vive avec le complexe de l'abstention», a déclaré hier le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, lors de la conférence de presse qu'il a animée au siège de son ministère.

Noureddine Yazid Zerhouni estime que l'abstention ne doit pas complexer les électeurs et il démontre, à cet effet, qu'«on ne vit pas en vase clos, à travers le monde, le plus fort taux oscille autour des 60% d'inscrits, aux Etats-Unis, il est de près de 55% d'inscrits, ce qui donne pas plus de 40% qui participent au scrutin, ça s'est passé lors des élections présidentielles de 2003 et personne n'a mis en doute l'élection de Bush». Et bien qu'il nuancera ses propos pour soutenir que «s'il n'y a pas une forte participation, c'est qu'on refuse de résoudre nos problèmes par le dialogue. Mais dans ce cas, l'alternative serait la violence ou quoi d'autre ? », il aura à répéter tout au long de la conférence de presse qu'il ne faut pas faire un complexe de l'abstention. Il reconnaît que «les indicateurs socioéconomiques, l'environnement en général, peuvent en être un facteur d'abstention, il ne faut pas donc vous faire un complexe du taux d'abstention».

Zerhouni en vient aux garanties et affirme que «la loi électorale après son amendement en 2004, comparativement à toutes les lois à travers le monde y compris dans les vieilles démocraties, accorde toutes les garanties de transparence du scrutin et du respect des choix populaires». La présence des observateurs politiques durant l'opération de vote assure aussi, selon lui, la transparence de l'élection. Il souligne qu'«ils ont le droit d'assister à toutes les phases du déroulement du scrutin». Il fera savoir que «certains candidats ont demandé à avoir des représentants dans la commission de wilaya, ça leur a été accepté». Et «pour ceux qui continuent de douter que le système électoral algérien a des insuffisances, ça doit les rassurer, s'ils sont de bonne foi», affirme-t-il. L'affichage des portraits des candidats, pour lequel «des panneaux ont été préparés, se fera sous le contrôle de la commission de surveillance des élections», indique-t-il. En cas d'affichage sans son accord, «est-ce que ça va gêner ? Devons-nous aller vers la sanction ? Pourquoi pas », s'est-il interrogé. Les observateurs internationaux seront, selon lui, de l'ordre de «100 au titre de l'Union africaine en plus de quatre fonctionnaires, l'ONU a déjà envoyé trois précurseurs, la Ligue arabe aura 84 observateurs et l'Organisation de la conférence islamique en aura 6». Il expliquera que pour ce qui est de l'ONU, «l'Algérie recevra la catégorie d'observateurs chargés de suivi et de rapport et non de la surveillance des élections». A Fawzi Rebaïne, candidat au nom du parti Ahd 54 qui a déclaré ne pas apprécier le fait que ce sont les candidats qui doivent rencontrer les observateurs internationaux dans les hôtels, Zerhouni arborera un sourire et lancera «je connais bien des candidats qui vont dans les ambassades, je ne vise pas ce candidat que je respecte et j'ai une grande estime pour sa mère qui a été une grande militante. Mais vraiment, je ne vois pas de problème à cela.»



« Je vous défie de me dire si un jour il y a eu un écart »



Interrogé sur l'impartialité dont se targue l'Etat quand le Premier ministre est en même temps membre de l'Alliance présidentielle soutenant fortement Bouteflika et président de la commission de surveillance des élections, le ministre répondra «il s'agit de le prouver qu'il ne l'est pas, il faut sortir de cette lecture de méfiance par rapport à l'Etat qui remonte à la période coloniale». Il note «je tiens à préciser que le Premier ministre est président de la commission d'organisation des élections et non de surveillance». Mais n'est-ce pas l'administration qui est accusée d'être mise au service du président candidat ? lui demandons-nous. « Vous avez tous les moyens de contrôle du scrutin, tous les responsables du ministère de l'Intérieur ont reçu des instructions fermes de ne pas utiliser les moyens de l'administration pour défendre leur opinion, je crois qu'on ne peut pas demander plus», affirme-t-il. A ne pas confondre selon lui avec «l'utilisation des biens de l'Etat pour sensibiliser le citoyen en tant qu'électeur et leur utilisation pour faire élire un candidat précis».

Les cours que les ministères de l'Intérieur et de l'Education ont assurés aux élèves «ça s'appelle de l'instruction civique», précise-t-il. Et, demande-t-il, «même s'ils les obligent à voter pour un candidat, est-ce qu'ils pourront voir ce qu'ils mettront dans l'urne ?» En cas de dépassements dans ce domaine, le ministre demande aux parents et associations des parents d'élèves de le signaler. Ceci étant dit, «je vous défie de me dire si un jour il y a eu un écart, nous leur avons dit votez quitte à mettre un bulletin nul».

Quant à la gestion de l'urne, le ministre demande d'emblée «évacuons le problème de l'électronique parce qu'on s'est aperçu ailleurs, aux Etats-Unis, qu'il y avait eu beaucoup d'erreurs et on a soupçonné qu'il y a eu manipulation». Une urne transparente ? «Si elle n'est pas surveillée, toutes les manipulations peuvent se faire.» Mais quand bien même «on le voulait, le prix de l'urne transparente est de près de 1.000 DA, ça nous coûtera en tout 46 millions DA, c'est donc un choix d'ordre financier que nous avons fait», affirme-t-il.

Appelé à répondre aux griefs retenus par la porte-parole du PT sur les organisateurs de l'élection, le ministre de l'Intérieur lancera «j'ai beaucoup d'estime pour madame Louisa Hanoune, mais j'ai l'impression que les gens qui lui ont démontré le contraire lui ont donné d'autres textes que ceux existants». Il rappelle l'article 167 de la loi électorale qui accorde le droit aux représentants des candidats d'être présents tout au long de l'opération de vote.

En ajoutant «je sais que madame Louisa Hanoune est très perspicace». Le boycott des élections par le FFS est vu par le ministre comme étant un droit. «Il a déjà commencé, non ?» a-t-il interrogé avant de répondre «il est libre de parler de ses opinions, il a le droit de le faire». En Kabylie, il pense qu'«il n'y a pas de grands problèmes, s'il y a des partis qui avaient une base là-bas qui appellent au boycott, il y a aussi des activités qui appellent au vote, ça rassure». Il pense même que «les élections à venir seront mieux que celles précédentes».



«Il n'y a aucune contradiction entre le 1er ministre et moi»



Zerhouni répondra aussi à une question sur les aides financières accordées par l'Etat aux candidats. «Selon la loi, ces aides interviennent dès l'annonce par le Conseil constitutionnel de la liste des candidats». S'il pense qu'elles étaient de 13 millions DA en 2004, il dit que pour cette élection, «elles ont été élevées à 15 millions DA». Pour ce qui est du budget global accordé à l'organisation de l'élection, «je sais, dit-il, que pour 2004, nous étions à 6 millions DA, tout confondu, pour cette année, on va être dans cet ordre, peut-être un peu plus en prenant en compte l'augmentation des coûts».

Interrogé sur le dispositif sécuritaire mis en place durant cette élection, Zerhouni précisera en premier, pour lever toute équivoque sur les déclarations du Premier ministre à ce sujet, que «je crois qu'il y a un problème de substance et de sémantique, je ne vois aucune contradiction entre les propos de M. le Premier ministre et mes propres propos». Et, souligne-t-il, «s'il y a un domaine où il y a une coordination et une entente totale au niveau de l'Etat, c'est celui relatif au retour à la paix et à la stabilité du pays et la lutte antiterroriste. Peut-être que le Premier ministre a voulu expliquer que les mesures sécuritaires durant ces élections n'ont obligé à aucune dépense supplémentaire que celles existantes». Il ajoute qu'«il n'y a pas eu de moyens supplémentaires, ni humains ni matériels, mais il y a une adaptation de ces moyens qui doit être faite durant la période électorale dans laquelle les terroristes pourraient mener des actions qu'ils voudraient voir médiatiser». En clair, «si nous réorganisons notre dispositif sécuritaire, c'est justement pour éviter que nous soyons surpris par une action terroriste dans cette période».

Les personnes privées de leurs droits civiques qui penseraient à perturber l'élection fera dire à Zerhouni «il s'agit d'avoir des faits, et nous réagirons, vous connaissez ma position sur ça». Il soulignera que «pour la révision de la loi électorale, on n'a rien de prévu mais si on voit plus tard qu'il lui faut des correctifs, pourquoi pas ?». Le mouvement associatif «à la limite du politique et du non politique» et qui appelle au vote, accomplit, selon le ministre, «une action civique. Devions-nous la prohiber ou pas ? C'est une question qui sera toujours posée.» Il explique «une association non politique ne peut pas présenter un candidat mais on ne peut pas interdire à un de ses membres de défendre son candidat». En réponse à une question sur le rapport américain sur les droits de l'homme en Algérie, le ministre dira simplement «ces rapports sont habituellement élaborés en octobre de chaque année. Ce n'est pas la première fois que nous voyons ce genre de rapport sur l'Algérie.»